Retour à l’école : Enseignants et élèves ont hâte de boucler un trimestre inédit

Les élèves des écoles primaires reprennent les cours ce matin. Le retour en classe sera consacré à la préparation des examens nationaux, dont le modular assessment prévu ce mois-ci pour les candidats en Grade 6 aux épreuves de PSAC. Cette année, pour la première fois, des élèves de Grade 5 prendront également part au PSAC en octobre. Et au secondaire, les examens comptant pour le National Certificate of Education verront la participation de la première cuvée de candidats en extended programme, avec la possibilité pour les meilleurs résultats de décrocher une place dans une académie…

- Publicité -

Avec la rentrée des classes pour les élèves du secteur primaire aujourd’hui, c’est toute la communauté estudiantine qui retrouve l’école pour le dernier tournant de ce troisième trimestre. Celui-ci a été scindé en trois phases pour s’étaler sur une année entière. Ce qui a rendu ce trimestre particulier. À partir de janvier 2023, le calendrier scolaire retournera à la normale avec trois trimestres sur une année. Des enseignants des deux secteurs ne cachent pas leur désir de boucler cette année scolaire au plus vite. Il en est de même pour leurs élèves, confient ces derniers. Pour cause, la vie scolaire ayant été bousculée par les interruptions provoquées par la pandémie du Covid-19, écoliers et collégiens ont travaillé sur le même programme pendant presque deux ans.

« La lassitude s’est installée. Les enfants sont fatigués de travailler encore et encore les mêmes topics. C’est pareil pour nous, les enseignants », concède une enseignante de Grade 5. « Les jours qui ont précédé les dernières vacances, on pouvait sentir que les élèves avaient vraiment hâte que celles-ci arrivent. Ces vacances-là nous ont fait du bien. Nous méritions cette coupure », explique un enseignant du secondaire privé en extended programme.

La troisième et dernière phase de ce trimestre verra la tenue d’examens nationaux des plus cruciaux pour des élèves en Grades 5 et 6, en primaire et Grade 9, en secondaire. Et pour la première fois, des élèves en cinquième année du primaire vont concourir aux mêmes épreuves comptant pour le Primary School Achievement Certificate (PSAC) destinées aux enfants en Grade 6. Si les candidats en Grade 5 décrochent leur certificat, ils seront admis en Grade 7. Cette participation au PSAC pour les enfants en Grade 5 est, rappelons-le, optionnelle. Et s’inscrit dans le cadre d’un retour à la normalité post-confinements. Le nombre de candidats au PSAC 2022, en octobre, sera clairement supérieur aux précédentes années et influencera certainement le taux de réussite.

« Toutefois, note une enseignante, même si nous avons eu le temps de finir le programme, seulement 5 des 38 élèves de ma classe prendront part au PSAC. » Les cinq candidats, dit-elle, prennent des leçons particulières pour mieux se préparer pour les examens. Mais ailleurs dans d’autres écoles, plus particulièrement celles en Zone d’éducation prioritaire (ZEP), aucun élève en Grade 5 ne participera aux examens en octobre. « Quand nous avions demandé aux parents de donner leur accord, personne ne s’est manifesté. Malheureusement, je dois reconnaître aussi que mes élèves n’ont pas le niveau pour le PSAC », confie une enseignante de la ZEP.

Les élèves en Grade 5 ne participeront pas au Grade 6 Modular Assessment (Histoire : Géographie et Science) prévu les 29 et 30 prochains. Ils prendront part à ces épreuves en septembre. Pour Vishal Bhaujeet, président de la Government Teachers’ Union, la fuite alléguée sur les questionnaires de PSAC au Mauritius Examinations Syndicate il y a quelques mois ne devrait nullement inquiéter les candidats ou leurs parents. « Le MES a d’ailleurs une banque de questions pour rebondir dans l’éventualité d’une fuite. Mais dans ce cas, il n’a pas été dit qu’il y a eu accès à des questions. Et les papiers n’avaient pas été encore envoyés en Angleterre pour être imprimés », dit le syndicaliste.

Au secondaire, les collégiens qui en sont à leur troisième année en Extended Programme (Grade 9 +) participeront pour la première fois aux épreuves du National Certificate of Education au même titre que ceux en mainstream en octobre. Cette première pour ces élèves leur donnera l’occasion d’accéder à une académie, s’ils passent les épreuves haut la main (l’inscription pour une place devant être faite au préalable) ou de poursuivre leurs études, en Grade 10, dans leur collège initial. Ceux qui ne décrocheront pas les résultats voulus pour rester dans une institution secondaire devront s’inscrire pour des cours techniques. « Mon inquiétude demeure pour des collégiens qui atteindront l’âge de 16 ans et qui seront en situation d’échec. Qu’adviendra-t-il d’eux ? » se demande un enseignant d’un collège privé dans le sud de l’île. « Nous n’avons pas d’indication de ce qui leur sera proposé. Est-ce qu’on les laissera sur le pavé parce qu’ils n’auront plus l’âge d’être obligatoirement à l’école ? » poursuit ce dernier.

Enseignant de Business and Entrepreneurship, il dit ne nourrir aucun espoir de voir un de ses élèves accéder à une académie. Pour cause : « Nous avons des élèves qui n’ont pas pu s’adapter au système de l’éducation depuis le cycle primaire. Tant qu’ils sont en classe et qu’ils travaillent en groupe, ils se sentent en confiance. Mais en condition d’examen, ils se sentent perdus. Ce sont des élèves qui ont des difficultés en langues. S’ils comprennent les questions, ils ont en revanche du mal à répondre en anglais. Je suis persuadé que si on leur posait les questions en kreol morisien, ils sauront répondre. Pour ces élèves, la notion literacy reste un problème à résoudre dans leur apprentissage. Nous avons travaillé les précédents questionnaires du NCE. Je pense que mes élèves arriveront à décrocher tout juste 35 à 50 points sur 100 », explique l’enseignant.

Dr Émilie Rivet-Duval (psychologue) : « Important pour un adolescent de développer des compétences relationnelles »

C’est finalement la rentrée des classes ! Une rentrée sans masques et sans restrictions sanitaires. Les salles de classe sont de nouveau remplies, idem pour les centres commerciaux après les heures de classe bondés d’étudiants en uniformes se faisant des accolades. Après deux ans de scolarité par écrans interposés, les élèves reprennent leur routine d’avant dans une nouvelle normalité, où plane toujours le spectre du Covid. Dr Émilie Rivet-Duval, psychologue clinicienne et “Manager” d’Action for Integral Human Development (AIHD), nous parle de ce nouveau départ pour les enfants et préconise beaucoup de bienveillance en cette période difficile.

Libérés, délivrés ! C’est le sentiment général de nombre d’élèves qui ne sont plus obligés de porter le masque à l’école ou entre amis, mais qui n’ont surtout plus besoin d’avoir leurs parents sur le dos. D’ailleurs, quelques parents commencent déjà à se plaindre de leurs enfants qui sont plus intéressés à « sortir avec les copains » plutôt que de rester à la maison pour étudier. « C’est un des impacts du Covid. Les enfants ont été privés de relations sociales pendant le confinement, et cet élément est important dans le développement et l’épanouissement de ces derniers », explique Émilie Rivet-Duval. « Le Covid a eu un gros impact, car ces liens-là passaient à travers les écrans et les enfants étaient appelés à développer des relations virtuelles. Il est donc important de permettre à ces adolescents de se voir en présentiel. »

Par ailleurs, elle explique qu’avec la place importante, voire trop importante qu’ont prise les réseaux sociaux, comme Instagram ou TikTok, pendant le confinement, il est encore plus important de favoriser des sorties réelles, en présentiel. « Il est important dans la vie d’un adolescent de développer des compétences relationnelles », dit-elle. Concernant les cas d’adolescents qui seraient non pas « indisciplinés », mais plus enclins à transgresser, Émilie Rivet-Duval préconise le dialogue. « Il faut maintenant plus pouvoir discuter d’un cadre avec ses enfants. Je dis toujours que l’adolescence, c’est comme de la mayonnaise, et pour faire monter la mayonnaise, on a besoin d’un bol. Le bol, c’est le cadre, ce sont les règles qu’il faut respecter. Il faut de la fermeté, oui, mais aussi beaucoup de bienveillance », dit-elle. D’autant que dans cette nouvelle « normalité », il faut s’adapter et apprendre à vivre avec de nouvelles règles qui ont été discutées et établies dans le respect de l’autre.

Cette dernière explique qu’il peut encore y avoir beaucoup d’appréhension et d’anxiété du côté des parents, concernant le Covid, mais qu’il est important dans ces cas-là « d’écouter son enfant. Il faut en discuter ensemble et lui demander ce que lui ou elle en pense. Si votre enfant vous dit de ne pas vous inquiéter, il faudrait l’écouter. En vérité, beaucoup entendent ce qui se dit sans écouter, et cela est très important. Les parents doivent aussi apprendre à faire confiance tout en sachant que la confiance se teste et se risque. » Émile Rivet-Duval explique ainsi qu’il est normal d’avoir des adolescents un peu plus récalcitrants que d’habitude. « Les petites transgressions font partie du développement de l’adolescent. Elles sont essentielles pour son autonomisation, mais évidemment, ils ont besoin de points d’appui comme les parents et les règles à respecter en famille ou à l’école. »

Concernant le port du masque, Émilie Rivet-Duval soutient que beaucoup d’enfants qu’elle a rencontrés ont exprimé leur joie de ne plus devoir en porter. « Ne plus porter de masques permet de mieux être en lien avec la personne qui est devant soi. On peut mieux voir les expressions faciales et il y a donc un retour à une qualité de liens. On apprend à reprendre contact sans barrières et cela est une bonne chose pour les enfants, les adolescents et même les adultes », dit-elle. Autre élément important avec cette rentrée des classes: le deuil. En effet, il est important de rester bienveillants et attentifs aux gens qui nous entourent, explique Émilie Rivet-Duval. « Il peut y avoir dans notre environnement quelqu’un qui a perdu un proche au Covid et il est conseillé de rester à l’écoute et surtout d’être attentifs aux autres. » Elle ajoute qu’il est « important de remettre le lien, de la présence, de la chaleur dans nos vies. »

Citant Consolations, livre de Christophe André, elle explique que le simple fait d’être à côté d’une personne qui souffre de solitude et autres peut l’aider à aller mieux. « Se mettre à côté d’une personne, lui prendre la main peut aider à diminuer le sentiment de solitude », dit-elle. Ainsi, avec cette rentrée sans barrières physiques, elle demande plus de bienveillance, de douceur et de tendresse à l’égard des autres. « Beaucoup d’ouvrages scientifiques montrent les bienfaits des relations profondes sur la santé mentale et physique. Il faut donc continuer à promouvoir le lien… »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -