Les partis d’opposition ont perdu les dernières élections parce qu’ils n’ont pas su mettre de côté leurs ego, leurs prétentions et leurs stratégies à la petite semaine. S’ils avaient mis de l’eau dans leur vin, conclu une alliance avec des objectifs clairs et des candidats travaillant déjà sur le terrain, il n’est pas certain que le MSM et ses alliés l’auraient emporté avec 37% des voix. Mais les partis de l’opposition, se croyant plus forts qu’ils ne le sont, ont choisi une autre voie, qu’ils continuent à suivre : celle de la division qu’ils cultivent pour le plus grand bénéfice de Pravind Jugnauth. Après un éphémère regroupement pour faire front commun contre le gouvernement au Parlement, ils sont vite retombés dans les petits complots en se battant pour les rares postes réservés à l’opposition au Parlement, tout en gardant un œil sur le partage du pouvoir après la victoire aux prochaines élections dans… cinq ans. C’est une des raisons de la désunion qui persiste encore entre eux, malgré les sourires de façade. C’est pour avoir décrété que Navin Ramgoolam ne pourrait pas être candidat au poste de leader de l’alliance — pas encore conclue — pour les élections de 2024 que le front de façade de l’opposition parlementaire a volé en éclats. L’arrivée de Nando Bodha et celle de Roshi Bhadain, avec chacun son agenda a un peu plus exacerbé les divisions malgré le fait que les mots « Espoir » et « Entente » soient souvent prononcés. Depuis, les tentatives de recoller les morceaux ne semblent pas avoir réussi, d’autant que les déclarations des uns sur les autres et les ambitions premierministérielles de certains entretiennent une méfiance sur de possibles coups bas. Sans compter les rumeurs que tel député ou tel parti pourrait se laisser séduire par les sirènes orange. Comme l’a dit un jour un ministre MSM, il y a vraiment beaucoup d’oppositions dans le camp de l’opposition…
Leur incapacité à mener une action cohérente contre le gouvernement au Parlement est manifeste. Au lieu d’une stratégie bien planifiée, on a l’impression que chaque parti — parfois même chaque député — joue sa partition en solo. Au lieu de prévoir les coups de Lakwizinn du gouvernement, les partis de l’opposition se contentent de réagir et tombent dans des pièges grossiers. C’est le cas de l’utilisation du nom de Mme Veena Ramgoolam au Parlement par le Premier ministre. En ce faisant, son intention était de provoquer des réactions menant à un brouhaha justifiant des expulsions et des suspensions tout en réduisant la durée du Question Time. Aidé par son goalkeeper de Speaker, Pravind Jugnauth n’a aucune intention d’entrer dans l’histoire comme un Premier ministre respectant les us et coutumes de Westminster. Il ne cherche qu’à piéger l’opposition en accentuant ses divisions. Et à compter le nombre de suspensions de séances et les expulsions de députés, il réussit son coup à chaque fois.
Mais il n’y a pas qu’au Parlement que l’opposition est désunie et se ridiculise. Depuis quelques jours, on annonce une grande manifestation des oppositions contre le gouvernement, mais chacun semble — déjà ? — vouloir en tirer le bénéfice. Le PTr parle de SA manifestation pour vendredi prochain, alors que les leaders attendent de se rencontrer pour confirmer leur participation. Entre-temps, Sherry Singh, auréolé de sa récente dénonciation du gouvernement — dont il fut l’un des principaux conseillers stratégiques — a réussi, ce qui semble être un exploit : rencontrer presque tous les leaders des partis politiques de l’opposition. Face à ce mauvais film, comment ne pas se poser la question suivante : si leaders des partis d’opposition sont incapables de se rencontrer pour organiser une manifestation, comment vont-ils diriger le pays si d’aventure, comme ils en rêvent quotidiennement, ils remportent les prochaines élections ? En tout cas, si l’opposition continue sur la même voie, malgré les affaires qui éclaboussent quotidiennement son gouvernement, Pravind Jugnauth n’a aucun souci à se faire pour les prochaines élections. Il n’a même pas besoin de faire campagne, les partis de l’opposition étant ses meilleurs agents. Face à leurs divisions et leurs incohérences, il va finir par apparaître comme la moins mauvaise alternative.