Travaux dans le lagon de Wolmar : Ces citoyens véritables lanceurs d’alerte

Cette affaire remonte à deux semaines, mais elle soulève des questions de fond qui méritent que l’on s’y attarde, dont pourquoi les commentaires EIA ne sont pas rendus publics et pourquoi la ligne de communication entre promoteur et citoyens semble toujours floue ? Des photos de travaux de réaménagement de la plage de Wolmar, à Flic-en-Flac, ont commencé à faire le tour des réseaux sociaux.

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Le buzz était assuré d’une part, car il s’agit de gros travaux sur une plage publique et, d’autre part, car il s’agit de travaux commandés par un hôtel très connu du littoral, soit le Sands Suites Resort and Spa (SSRS)… Toutefois, pour une fois, les doléances des habitants contestataires n’ont pas été vaines et si l’hôtel a obtenu son permis EIA, il l’a obtenu sous conditions !

C’est la publication de la lanceuse d’alerte Nalini Burn de l’ONG Platform Moris Lanvironnman (PML) qui a mis la puce à l’oreille. Photos à l’appui, elle a informé le public, et les autorités par là même, des travaux en cours sur la plage de Wolmar en face de Sands Suites Resort and Spa (SSRS). Ainsi, depuis août 2021, Sands Suites Resort and Spa (SSRS) a déposé un Environmental Impact Assessment (EIA) afin d’obtenir un permis pour des travaux de « Beach Rehabilitation and Maintenance » en face de son hôtel à Wolmar.

Parmi ses demandes, l’hôtel demande de « pouvoir repositionner et renforcer des brise-lames installés il y a une vingtaine d’années dans le but — soutient-il — de stopper l’érosion de la plage devant l’hôtel », est indiqué dans une publication de PML sur Facebook. Respectant les procédures, le Syndic d’un complexe voisin a envoyé des commentaires au rapport EIA. Alors que dans ledit rapport aucune mention n’a été faite de ce complexe voisin et de l’impact de ces travaux d’envergure sur les résidents.

Parmi les points évoqués, PML soutient que « le commentaire au rapport EIA envoyé fait état des lacunes, inexactitudes et flous concernant les impacts possibles. Ces commentaires portent essentiellement sur trois choses : l’occultation de l’existence de voisins immédiats et d’une partie de la plage, et l’absence de consultations avec eux. Le commentaire note aussi qu’il semble n’y avoir eu aucune consultation que ce soit avec personne. » Deuxièmement, le Syndic a aussi noté que le rapport « semble aussi présumer que la plage s’arrête à la limite du bail du promoteur alors qu’elle se prolonge en fait au-delà, vers Tamarin. Un épi artificiel (groyne) proposé à la limite du bail du promoteur et à hauteur de la haute marée (High Water Mark) pose de forts risques d’impacts érosifs en aval des courants qui longent le littoral de Flic en Flac vers Tamarin, et que l’EIA minimise. Car ni les voisins ni la partie de plage à côté n’existent selon le rapport EIA et ne sont pris en compte dans la modélisation faite. Le libre passage vers le sentier dans le petit bois vers Tamarin, très fréquenté par usagers, résidents et touristes, sera obstrué. »

SSRS obtient son permis avec 44 conditions

Et finalement, troisième point, « les conclusions de l’étude de la flore et de la faune marines qui se base sur quelques transects arbitrairement choisis. Cette étude avait conclu que la vie marine est très pauvre dans cette partie du lagon, et ne comporte aucun intérêt pour la pêche. Par conséquent, les travaux ne feraient pas beaucoup de dégâts de toutes les façons. Et arrêter l’érosion est nécessaire, quels que soient le coût et l’ampleur des dégâts. Ces conclusions sont fortement contestées par les voisins du promoteur, qui estiment que les solutions proposées pour repositionner et renforcer des brise-lames, tout en continuant à faire du “beach recharge”, sont mal fondées et destructrices. »

Un an plus tard, soit le 17 mars 2022, SSRS obtient son permis avec 44 conditions, dont plusieurs qui « s’adressent directement aux doléances des voisins : la condition 10 exige de tenir des réunions consultatives en vue de résoudre des conflits avec tous les stakeholders — voisins et autres habitants, pêcheurs, autres usagers — et de fournir des comptes-rendus de réunion à la satisfaction des autorités, avant de démarrer les travaux : la Condition 22 indique que le “groyne” proposé ne sera autorisé qu’à partir du “Low Water Mark” et non le HWM. Et que l’accès du public sur le domaine public — plage et lagon — est une priorité absolue ; la Condition 15 stipule de réaliser une étude du biote marin sur un rayon de 300 mètres autour des brise-lames ainsi qu’une carte de sensibilité avant le positionnement de ces dernières (indiquant par cela que les transects ne sont pas suffisants comme méthodologie). »

Une étude « plus fine » commanditée

Par ailleurs, loin d’avoir remporté la bataille, le monitoring citoyen continue (voir encadré). PML indique que le 30 mars 2022, « le Syndic envoie aux autorités des commentaires à cette liste de conditions, leur demandant de leur communiquer les réponses des Consultants à leurs commentaires au rapport EIA. Il insiste pour que les consultations soient faites avec toutes les parties prenantes, avec préavis adéquat et tenues bien avant le démarrage des travaux. » Les procès-verbaux des réunions consultatives doivent, par ailleurs, être inclus dans la soumission de l’Environmental Monitoring Plan (EMP).

Le 27 mai, SSRS convie le Syndic à une « informative meeting », et il est annoncé que les travaux démarreront le 1er juin. Sauf que les résidents ne sont toujours pas satisfaits de la nouvelle configuration des brise-lames suite à la Liste de Conditions du permis EIA, « car les erreurs de départ sont encore là, et donc les risques de destruction de la vie marine toujours présents… » Finalement, « lors d’une site visit le 6 juin, le Syndic apprend que le Consultant a commandité une étude plus fine sur un périmètre de 20 mètres autour des brise-lames. Le biologiste marin qui a réalisé l’étude communique les résultats de l’étude pendant la site visit : 2 brise-lames existants ne devraient pas être déplacés car un se trouve dans une zone hautement sensible, et l’autre dans une zone sensible. Ce qui confirme les inquiétudes des voisins. »

Si les nouvelles études d’impact sur l’environnement plus approfondies semblent aller dans le sens des résidents, il n’en est pas moins que le risque que les promoteurs ne les considèrent pas est bien réel. « La préoccupation des voisins est alors de savoir si la nouvelle étude a été divulguée aux autorités et si le positionnement des brise-lames a été modifié en fonction de la nouvelle modélisation hydro qui aurait été faite sur la base de cette dernière étude. Le flou persiste sur ces points. Le suivi des travaux en cours par les autorités désignées n’est pas apparent selon les voisins du site, et il ne peut donc pas être établi que les toutes les conditions émises par les autorités sont respectées », souligne PML.

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