Maurice est officiellement un pays démocratique dont tous les citoyens sont égaux. En pratique, car dans la réalité, la différence de traitement par la police entre un VVIP – même ex – et un Mauricien ordinaire est flagrante. Rappelons quelques exemples. Une internaute fait un commentaire ironique sur le Premier ministre sur les réseaux sociaux. Aux petites heures le lendemain, un commando de police avec chien renifleur débarque à son domicile pour l’emmener aux Casernes centrales. Des citoyens assistent à une émission en direct d’une radio privée et au cours de laquelle le maire de Vacoas-Phoenix est traité de « gopia ». Le lendemain, les deux citoyens sont arrêtés et passent une nuit en cellule policière. Il y a quinze jours, Sherry Singh, ex-CEO de Mauritius Telecom et ex-chef de lakwizinn, traite le Premier ministre et ministre de la police de menteur à plusieurs reprises. La police, si prompte à interpeller les simples citoyens coupables, à son avis, de diffamation ou de « breach » d’une loi quelconque ne l’entend pas, ne bronche pas. Ce n’est que dix jours plus tard, après que le Premier ministre a donné une déclaration contre l’ex-CEO de MT, que la police sort de son sommeil et ouvre une enquête. Alors que les simples citoyens sont traînés aux Casernes centrales pour donner leur déposition, un traitement totalement différent est réservé à Sherry Singh. Mercredi, un haut officier de la police se rend à son domicile pour lui remettre, en main propre, une convocation le priant de venir donner sa déposition le lendemain. Je ne suis pas en train de dire qu’il aurait fallu menotter et traîner Sherry Singh au bureau du CCID, comme l’ont été beaucoup de prévenus – comme beaucoup l’auraient souhaité au MSM. Je souligne simplement qu’à Maurice, tous les citoyens ne sont pas traités de la même manière par la police. Et l’on ose se scandaliser du texte de la chanson Polico Crapo ?
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Plus Pravind Jugnauth donne ses versions de l’affaire, plus ses justifications sèment le doute. Ses dénégations du début ont été modifiées, au fur et à mesure que ses conseillers se sont rendu compte qu’elles ne tenaient pas la route. Ces modifications ont fini par corroborer les trois points que Sherry Singh martèle depuis le début de cette affaire :
–Il y a eu une conversation entre le Premier ministre et le CEO de MT
— Une third party étrangère – des experts indiens – a eu accès a la restricted zone de la station de Baie du Jacotet.
–Cette équipe a pu faire un survey sur les équipements de MT reliant le cable SAFE.
Dans l’inflation de commentaires autour de cette affaire, deux interventions d’hommes de loi sortent du lot pour leur clarté et leur pertinence. La première est du Senior Counsel, Me Hervé Duval, qui a rappelé qu’en tant que Premier ministre, il est du devoir de Pravind Jugnauth de rendre des comptes aux Mauriciens sur les mesures – les survey ? – qu’il autorise pour assurer la sécurité de l’État mauricien. La deuxième vient de Me Rajen Narsingen, qui enseigne le droit à l’université de Maurice. Il pose tout haut la question que se posent tous les Mauriciens, surtout après les références de Pravind Jugnauth à Shri Narendra Modi dans cette affaire. Qui a demandé ce « survey » : le Premier ministre de Maurice ou celui de l’Inde ? Quelle que soit la réponse, il est surprenant, pour dire le moins, qu’un « survey » fait pour des raisons de sécurité d’un pays indépendant soit confié par son Premier ministre à une équipe d’experts étrangers. Sans suivre les procédures. Et ce, alors qu’il existe dans son pays des experts locaux capables de faire le même travail !
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Est-ce que Pravind Jugnauth se rend compte qu’avec ses justifications modifiées dans l’affaire du « survey » il est en train de crédibiliser les doutes que beaucoup de Mauriciens peuvent avoir sur les liens – ou accords – secrets qui l’unissent à son grand frère Narendra Modi ? Avec en toile de fond les constructions sur Agaléga ?