Ce lundi après-midi, pour la troisième fois, le Public-Private Sector Joint Committee se réunira sous la présidence du ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Cette séance de travail intervient cinq semaines après la présentation du troisième budget de l’Alliance Morisien depuis les élections du 7 novembre 2019, avec au maximum deux autres avant la fin du mandat de la présente législature.
Le contexte local et international est marqué par un problème, qui affecte invariablement tout un chacun, qu’il soit petit ou grand. L’inflation des prix alimentaires déstabilise toutes les économies dans le monde. Du Nord au Sud. De l’Ouest à l’Est. Maurice ne fait pas exception.
Au fur et à mesure que la guerre en Ukraine s’embourbe avec l’escalade contre des cibles civiles en Ukraine, le dossier de la sécurité alimentaire s’imposera comme une urgence souveraine. Qui dit sécurité alimentaire dit prix, dit sources d’approvisionnement, voire fret maritime ?
De manière régulière, les politiques sortent des discours prônant la nécessité d’assurer la transition vers cette sécurité alimentaire. Pour réaliser cet objectif, qui ne veut pas nécessairement dire l’autosuffisance alimentaire totale et se refermer sur soi, il faudra se mettre à produire au moins une partie de ce que l’on consomme. Élémentaire non?
Une dernière étude dans la série des Working Papers du Fonds monétaire international (FLI), publiée vendredi dernier, portant sur les prix de cinq denrées de base dans 15 pays en Afrique, est affirmatif: « External factors drive food price inflation, but domestic factors can mitigate these vulnerabilities ». Les auteurs prennent le soin de faire comprendre que « adverse shocks such as natural disasters and wars bring 1,8 and 4 percent staple food price surges respectively beyond generalized price increases ».
Faire que des ménages mauriciens bénéficient de quatre points favorables d’économie dans le pouvoir d’achat représente un atout majeur. D’autant plus que les prévisions d’inflation varient de 10 à 15% pour cette année. Mais pour produire localement, il faut que les terres soient disponibles et consacrées à des cultures stratégiques.
Jusqu’ici, que ce soit à l’Hôtel du Gouvernement ou au sein de Business Mauritius, a-t-on accordé l’attention nécessaire à l’élaboration d’un Master Plan désignant des régions spécifiques et des targets de production agricole chiffrés ? Peut-être que la lecture de cette étude intitulée Staple Food Prices in Sub-Saharan Africa: An Empirical Assessment, dont les auteurs sont Cedric Okou, John A. Spray, Filiz D. Unsal pourrait être une source d’inspiration To Walk the Talk pour juguler l’inflation alimentaire.
À la fin des années 70, alors que Maurice était encore assurée d’un quota d’exportation de 500 000 tonnes de sucre à des prix garantis sous le Protocole Sucre liant les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) au Marché Commun, le ministre d’Agriculture d’alors, sir Satcam Boolell, se faisait un devoir de présider chaque mois la grand-messe de la diversification, une instance conjointe gouvernement/secteur privé pour le suivi de la production agricole, dont la pomme de terre, le maïs ou encore les oignons et les légumes.
En dépit du fait que le concept de King Sugar était encore bien ancré, la fierté avait été de pouvoir atteindre l’autosuffisance dans la production de la pomme de terre. C’était le fruit d’une collaboration étroite entre les secteurs public et privé. Kishore Deerpalsing, qui avait succédé à sir Satcam après les élections du 11 juin 1982, n’avait trouvé rien à redire au sujet de cette formule de consultations et de décisions en matière de production agricole et alimentaire.
Mais aujourd’hui, des champs de cannes sont convertis en Gated Communities ou en morcellements résidentiels de luxe après chaque récolte. Ou encore en tant que champ de courses dans un Green Belt en or. La régression de la superficie de terres agricoles est incontestable. La tendance mérite d’être stoppée si ce n’est renversée.
À coup sûr, pour les promoteurs c’est de la valeur ajoutée immobilière. Mais pour le pays c’est la perte à jamais d’un patrimoine agricole. Le moment n’est-il pas propice pour les politiques et les opérateurs du privé de s’interroger sur la pertinence de cette tendance d’autant plus que « staple food price inflation is lower in countries with greater local production ».