Soins du privé : Un enfant âgé de quatre ans a échappé à la mort de justesse

  Admise en clinique pour des douleurs au ventre, la petite Estelle finit sur la table d’opération car, après 20h à attendre des soins, son appendice avait éclaté

Si les cas de négligences médicales dans les hôpitaux occupent souvent, lorsque les proches des patients victimes dénoncent, une grande place dans l’actualité, il est aussi un fait que les cas de négligence surviennent aussi bien dans le privé. Moins rapporté cependant. Ce qui n’empêche pas les victimes de porter plainte, d’autant qu’il s’agit de services payants, que ce soit de la poche des patients ou de celle des assureurs. Ce qui revient d’ailleurs au même. Et raison pour laquelle les services dans les cliniques privées coûtant cher, très cher même, on s‘attend à recevoir le maximum de soins, couplé à la guérison, si ce n’est un traitement de choix. Or, de nombreux témoignages nous parviennent quant au “véritable traitement” accordé par des cliniques privées où, outre l’incompétence de certains médecins et autre personnel soignant, les services proposés ne sont toujours pas assurés. Si bien que des patients estiment “prefere al lopital mem”.

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Le cas de cette petite de quatre ans, Estelle (prénom modifié), qui a failli y laisser la vie alors qu’elle était prise en charge par une clinique il y a une dizaine de jours, interpelle. Et la réaction face au témoignage de la mère, Vanessa (prénom modifié), sur les réseaux sociaux sont multiples, les internautes y ajoutant de leur propre expérience pour expliquer que “même si payantes, certaines cliniques privées manquent des fois à l’appel pour soigner et réconforter leurs patients”. Surtout quand il s’agit de soins d’urgence, sans compter les erreurs de diagnostic, le manque d’expérience, si ce n’est l’incompétence de certains médecins, mais aussi le personnel, souvent froid, qui n’est pas disponible en temps voulu.

Le médecin généraliste
parle à peine

L’histoire remonte à la dernière semaine du mois de juin, durant laquelle Estelle a échappé de justesse à la mort alors qu’elle était prise en charge par une clinique privée dans hautes Plaines Wilhems. Sa mère raconte être arrivée aux urgences de la clinique avec son enfant présentant de fortes douleurs abdominales aux alentours de 23h le mardi 28 juin. Si la famille s’est rendue dans cette clinique, c’est par choix, mais aussi par défaut. Parce que, d’une part, la première clinique dans laquelle elle s’était rendue — et où l’enfant a été auscultée par un médecin très prévenant et qui a identifié une douleur au niveau de la vessie, lui annonçant qu’il fallait admettre l’enfant pour des examens au plus vite — n’ayant pas de places disponibles et idem pour sa filiale un peu plus loin dans les Plaines Wilhems toujours, la famille a décidé de se rabattre sur une autre clinique proche. D’autant que, d’autre part, non seulement le pédiatre de l’enfant est rattaché à cette clinique, mais Vanessa elle-même connaît bien les rouages de l’établissement pour y avoir travaillé.

C’est ainsi avec confiance que maman et enfant souffrant se pointent aux urgences de cette clinique récemment embellie et rénovée, avec à l’appui des technologies hi-tech. Cependant, aux “urgences”, pas de pédiatre de garde. L’enfant et la maman sont dirigées par des infirmières vers une salle d’examen où elles sont soumises à des tests PCR. Par la suite, elles ont affaire à “seule une doctoresse généraliste qui examine à peine mon enfant”, témoigne la mère, expliquant que le médecin leur parle à peine. D’ailleurs, dit Vanessa, “le docteur appuie sur le ventre de ma fille sans aucune délicatesse.” Et alors que la petite Estelle hurle de douleur, le médecin observe pour sa part que “le ventre est souple”. La doctoresse fait tirer la langue à l’enfant et annonce à sa mère que la petite a la gorge un peu enflammée. “C’est tout !” raconte la maman, regardant avec stupeur s’éloigner le médecin qui s’en va appeler le pédiatre. À son retour, le médecin généraliste annonce qu’il va falloir admettre Estelle et que le pédiatre va passer le lendemain matin. Elle laisse aussi comprendre qu’à cette heure, il n’y a, en outre, non seulement personne pour faire un examen sanguin et encore moins du personnel pour effectuer une échographie.

Insister auprès des infirmières

La petite est perfusée et le personnel soignant lui administre du paracétamol en intraveineuse et du Brufen en sirop. Le personnel soignant effectue également une prise de sang pour des futures analyses. “Pendant ce temps, Estelle est prostrée, elle se tait et de temps en temps, elle gémit”, se souvient sa mère, ajoutant que toutefois, vers 3h-4h du matin, l’enfant se tordant de douleur, crie et pleure. “J’ai dû insister auprès des infirmières de garde pour avoir quelque chose afin de la soulager, car malgré l’état de ma fille, elles n’avaient d’autres mots qu’elles avaient déjà administré du paracétamol et que sur les conseils du docteur, cela devait se faire chaque 8h !” fulmine Vanessa. Surtout qu’en dépit du paracétamol, les douleurs de la petite Estelle augmentent.

Si la mère est inquiète, elle est contrainte d’attendre le pédiatre qui n’arrive qu’à 9h le mercredi matin. “Son pédiatre l’a examinée et nous a laissé entendre qu’il penchait pour une occlusion intestinale ou une grande constipation, car le ventre d’Estelle, contrairement à la veille au soir, était dur”, poursuit sa mère. Le personnel soignant administre alors deux suppositoires à la petite, qui se tord toujours de douleurs devant sa maman impuissante.

Du pus dans le ventre

À 12h, le pédiatre revient dans la chambre de la petite avec les résultats de la prise sanguine et annonce à la famille que les white blood cells d’Estelle sont très élevés et qu’il s’agit probablement d’un problème chirurgical, peut-être une appendicite. “Il ajoute qu’il faut attendre 13h pour que le diagnostic soit confirmé par une échographie”, raconte Vanessa. Malgré la douleur et l’urgence visible, ce n’est qu’à 14h30 qu’Estelle passe enfin une échographie. Le radiologue confirme alors que l’appendice de l’enfant est très enflammé.

Si le pédiatre, prévenu, revient une nouvelle fois voir Vanessa pour lui annoncer que son enfant devra être opérée le plus vite possible, soit avant 16h, ce n’est qu’à 19h qu’Estelle sera finalement opérée. “Au retour de l’opération, comme tous les enfants, Estelle se débat, hurle de douleur, pleure, supplie, mais il a fallu attendre une heure pour qu’elle soit enfin soulagée par une piqûre”, relate sa mère. Par ailleurs, après l’opération, l’infirmier de bloc passe voir la patiente et montre l’appendice qui a été enlevé. “Il nous indique dans la foulée que c’était super enflammé et qu’on a pris l’enfant à temps”, poursuit Vanessa, ajoutant que lors de sa visite plus tard, le chirurgien révélera que l’appendice avait éclaté et qu’il s’agissait en fait d’une péritonite. En plus clair, le pus s’était répandu dans le ventre de l’enfant, d’où le drain dans sa plaie suivant l’opération.

Dénonciation sur les réseaux

Si le lendemain de l’opération, jeudi, reste une journée difficile pour la petite Estelle, le personnel soignant est à son chevet et lui donne régulièrement de quoi la soulager. En fin de semaine, vendredi, même si elle souffre encore, un peu moins que la veille, Estelle commence à parler. Cependant, samedi, vers 02h30, une infirmière faisant sa ronde s’aperçoit que la canule pour le sérum d’Estelle ne fonctionne pas bien et tente de changer la perfusion. “Elle s’est acharnée sur le bras de ma petite pour dévisser le tuyau, si bien qu’Estelle s’est réveillée avec des douleurs pas possibles”, explique Vanessa. Et d’ajouter que voyant qu’elle n’y arrivait pas seule et devant les cris de la petite, l’infirmière est allée chercher une autre collègue. “Elles sont aussi arrivées avec une pince de chirurgie grande comme une main adulte”, poursuit la maman, faisant ressortir qu’à deux cette fois, elles se seraient une nouvelle fois acharnées sur la canule alors qu’Estelle hurlait de douleur.

“Mon cœur de maman n’en pouvait plus et j’ai crié aux deux nurses d’arrêter et de trouver une autre solution qui ferait moins mal à ma fille. Ce à quoi la plus âgée des deux infirmières m’a répondu que je n’avais qu’à essayer moi-même. Je lui ai répondu que ce n’était pas mon métier, mais le sien”, s’insurge Vanessa, indiquant qu’il a fallu l’aide d’une tierce personne pour que la canule soit finalement enlevée et Estelle soulagée.

Cette situation révolte Vanessa, qui décide alors d’exprimer sa colère et son désarroi face au traitement que sa fille reçoit dans un établissement de santé payant de surcroît, sur les réseaux sociaux. Si elle ne mentionne pas le nom de la clinique — passant aussi d’ailleurs sur «les infirmières incompétentes qui défilent dans la chambre sans un bonjour et qui n’ont aucune douceur ni compassion devant la souffrance d’un enfant», ou encore «les patients âgés dans les chambres à côté à qui on parle mal et les autres enfants qui hurlent de douleur pendant des minutes qui semblent interminables» —, le lendemain matin, le manager de l’établissement demande à rencontrer Vanessa, expliquant qu’il avait pris connaissance de son post sur les réseaux sociaux.

Selon cette maman, devant les nombreuses interrogations qu’elle pose signalant par là même que non seulement le médecin de garde n’a pas diagnostiqué l’appendicite de sa fille à son arrivée aux urgences et qu’en outre il n’y a personne ni pour effectuer les analyses sanguines ou une échographie dans la nuit, cela alors que la clinique propose un service “d’urgence”, le manager lui aurait indiqué qu’ « une enquête interne sera faite et les conclusions vous seront communiquées ». Ce qui sidère davantage Vanessa, c’est la petite phrase du manager qui lui a annoncé “qu’il fera un geste sur la facture.”

Un geste sur
la facture !

Deux jours plus tard, soit le dimanche, après la visite du chirurgien, Estelle est autorisée à rentrer à la maison dans l’après-midi. En vérifiant la facture détaillée, Vanessa s’aperçoit qu’effectivement, le manager a enlevé une nuit de location de la chambre sur la facture, soit Rs 4 500 sur une facture de près de Rs 100 000. Facture qui est d’ailleurs prise en charge par la compagnie d’assurance de la famille. Si la comptable de l’établissement de santé privé demande à Vanessa de régler les tests PCR, qui ne sont pas pris en charge par l’assurance, cette dernière refuse, la renvoyant au manager avec pour consigne que “je ne vais rien payer et qu’il peut mettre cela sur le compte de la ristourne misérable qu’il m’a accordée.”

Nous avons tenté d’avoir la version de la clinique en question, en vain. Cependant, le témoignage d’Estelle sur les réseaux sociaux a donné suite à de nombreux autres témoignages d’internautes, également sidérés par les « traitements » offerts par certaines cliniques privées qui, en dépit de la haute technologie vantée, n’offrent pas la qualité de service pour les factures «mirobolantes présentées aux patients en fin de séjour.» D’ailleurs, de nombreuses interrogations sont aussi avancées quant aux prestations de ces établissements privés qui proposent par exemple des services d’urgences alors qu’il n’y a pas de personnel qualifié pour assurer le service la nuit, lorsqu’il y a une urgence. C’est la question que se pose Vanessa, qui s’insurge qu’il n’y avait non seulement pas de pédiatre pour ausculter son enfant le soir de son admission, mais également pas de radiologue pour effectuer une échographie d’urgence sur sa fille. Sans compter le manque de chaleur du médecin généraliste, mais aussi de certains parmi le personnel soignant alors qu’un enfant se tordait de douleurs, dit-elle.

« Où est l’humanité, la compassion qui va avec le métier de soignant ? » se demande cette maman, qui a souhaité mettre en lumière les graves dysfonctionnements dans certains établissements de santé privés et exprimer sa colère face à la négligence et l’incompétence dont elle a été témoin avec sa fille au sein de cette clinique, afin de ne plus voir d’autres victimes souffrir comme la petite Estelle.

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