VARIOLE DU SINGE : La responsabilité humaine mise en cause

La variole du singe n’a certes pas encore été décrétée urgence sanitaire mondiale par l’OMS mais déjà, le directeur général de l’Organisation appelle à la plus grande prudence de la part de la communauté internationale. Car les ravages causés par l’épidémie de la variole humaine demeurent ancrés dans la mémoire collective et hantent les esprits. En effet, cette maladie infectieuse d’origine virale, due à un poxvirus, connue aussi comme « petite vérole » était très contagieuse et épidémique et avait entraîné la mort de plus de 300 millions de personnes au 19e siècle. Considérée donc comme un « véritable monstre sanitaire », l’épidémie a été déclarée éradiquée en 1980 grâce à un programme d’envergure entrepris par l’OMS, combinant campagne de vaccination massive dès 1958 avec une stratégie de veille sanitaire très élaborée et d’endiguement mise en œuvre en 1967. À ce jour, seuls des échantillons des dernières souches du virus sont conservés à des fins de recherche dans deux laboratoires de haute sécurité de l’OMS.

- Publicité -

La variole du singe ou Orthopoxvirose simienne est une zoonose – maladie transmise à l’homme par des animaux – due à un virus, Orthopoxvirus, du même genre que celui de la variole humaine. Ce virus sévit dans les forêts du centre de l’Afrique tropicale et peut se transmettre à l’homme et causer un syndrome dont les manifestations cliniques sont quasiment similaires, mais moins graves en général, à celles de la variole humaine, notamment, fièvre, maux de tête, symptômes respiratoires, éruption pustuleuse, etc. Les premiers cas humains avaient été détectés en 1970 en République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) et à juin 2022, quelques centaines de cas ont été observés en Europe et en Amérique du Nord. Bien que le risque actuel pour la santé humaine et pour le grand public reste assez faible, l’OMS prévoit néanmoins qu’il pourrait s’aggraver si le virus exploite l’opportunité de s’établir dans des pays non endémiques en tant qu’agent pathogène humain répandu. En l’absence de médicaments spécifiques, le traitement demeure symptomatique. Mais la méthode préventive qu’est la vaccination contre la variole humaine confère une protection croisée contre la variole du singe et dont l’efficacité pourrait même grimper jusqu’à 85%. Si l’arrêt de la vaccination à partir de 1980 pourrait, dans une certaine mesure, expliquer une plus grande ampleur de transmission en Afrique, d’autres facteurs ayant trait aux activités humaines ne peuvent toutefois être négligés.

En octobre 2020, le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES), à la base d’une étude scientifique intercontinentale, avertissait que les pandémies allaient émerger plus souvent, se répandre plus rapidement et causer plus de victimes. D’abord, parce que le réservoir du pathogène viral est immense : selon les estimations, il existerait 1,7 million de virus inconnus chez les mammifères et les oiseaux et 500,000 à 800,000 d’entre eux auraient la capacité d’infecter les humains. Mais ce sont surtout l’expansion des activités humaines et les interactions accrues avec la faune sauvage qui rehaussent le risque de nouvelle colonisation des hôtes par des virus. En effet, l’intensification des élevages industriels, le commerce d’animaux sauvages, la déforestation qui est synonyme de perte de biodiversité et ainsi d’animaux capables de réguler naturellement les virus, sont autant de facteurs biotiques favorisant la transmission interspécifique du pathogène. Mais il y a aussi le dérèglement climatique provoqué par l’insouciance humaine, suscitant non seulement la fonte du permafrost et la libération de possibles agents pathogènes que renferment les carcasses d’animaux mais également une transhumance forcée, contraignant nombre d’animaux à fuir leurs écosystèmes habituels pour coloniser d’autres territoires, les rapprochant des zones habitées et les poussant à interagir de plus en plus avec les populations humaines.

C’est ainsi que les zoonoses se sont multipliées ces dernières décennies : SRAS, MERS, Ebola, VIH, Grippe aviaire, Zika, Covid-19 et la dernière en date est justement la variole du singe. Selon l’OMS, environ 60% des maladies émergentes sont d’origine zoonotique – un chiffre qui, selon toute vraisemblance, serait appelé à croître au cours des prochaines décennies à moins que l’homme ne décide enfin de faire son propre examen de conscience et changer diamétralement le cap de son existence.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -