Jessen Sooben : « Les demandes du GM et du secteur privé sont prises en compte dans le domaine de l’efficacité énergétique »

L’université des Mascareignes (UDM), avec la collaboration de l’université de Limoges et de La Réunion, offre depuis l’année dernière un master en Efficacité énergétique et Développement durable. Ce programme d’études de deux ans à plein-temps, et trois ans à temps partiel, a été conçu avec le concours de Business Mauritius. À la fin des études, un double diplôme est offert (université de Limoges et UDM).
Ce master vient combler le manque de ressources dans un monde où le changement climatique devient de plus en plus inquiétant. Les cours démarrent en octobre 2022. Jessen Sooben, Senior Lecturer et coresponsable du Master Efficacité énergétique et Développement durable, explique que cette formation répond à la demande du gouvernement et du secteur privé.

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Comment cette formation a-t-elle été conçue et comment vient-elle au moment opportun ?
Ce master en Efficacité énergétique et Développement durable est le fruit d’un partenariat étroit entre l’université des Mascareignes, l’université de Limoges et l’université de La Réunion. Dans la conception initiale du programme d’études, pour la formation qui s’est ouverte en novembre 2018, une attention particulière avait été portée à la démarche du secteur privé et du gouvernement dans la mise en place d’une politique d’efficacité énergétique.

Tenant compte du programme national d’efficacité énergétique proposé par Business Mauritius en collaboration avec le gouvernement mauricien, le programme du master a été renforcé en ce sens. La maquette du master a été modifiée à la suite des remarques et propositions émises par le conseil de perfectionnement qui s’est réuni le 24 février 2022 à l’UDM, et en fonction des différents échanges et discussions avec les équipes pédagogiques de cette formation, le représentant de Business Mauritius et les responsables dans les entreprises qui ont accueilli les étudiants en stage. Il s’agit là d’une approche originale de la coconstruction d’une formation avec à la fois un souci d’assurer une formation de qualité tout en essayant d’offrir au marché de l’emploi des cadres supérieurs, et ainsi répondre au mieux aux attentes de la société économique mauricienne.

Dans le contexte des défis auxquels fait face l’industrie locale et devant l’urgence de rehausser les performances énergétiques dans le secteur manufacturier en particulier, l’objectif de cette formation est de former au niveau master (Bac + 5) des cadres techniques qui peuvent identifier et mettre en œuvre des moyens novateurs de gestion de l’énergie et de participer à la conception et à l’évolution des constructions à haute efficacité énergétique.

Cette formation met l’accent sur l’utilisation des outils de simulation numériques pour la conception dynamique de l’enveloppe et des systèmes techniques, ainsi que sur la rénovation énergétique. Nous avons pris en considération les attentes à la fois du gouvernement mauricien et du secteur privé en ce qui concerne la politique d’efficacité énergétique et le développement durable. On souhaite apporter des compétences au niveau d’ingénierie, mais il y a aussi l’aspect où nous voulons initier les étudiants à la recherche dans un contexte de développement économique, social, environnemental et durable. Nous allons former des gens qui sont essentiels pour notre survie.

Il semblerait que ce master est une première à Maurice, et peut-être l’un des rares en Afrique. Quelles sont les caractéristiques de ce master ?
Ce master est une première dans l’océan Indien et parmi les premières en Afrique. Si nous analysons le contexte local, nous n’avions pas un programme qui se focalisait sur tout ce qui est efficacité énergétique. Dans un contexte local où on encourage les énergies renouvelables, il n’y a pas un programme spécifique sur elles. Quand je parle des énergies renouvelables, je ne parle pas des panneaux solaires, éoliens mais de tout le contexte derrière le stockage d’énergie.
Nous sommes partis chercher des compétences ailleurs que nous n’avions pas forcément à Maurice à travers nos partenaires. D’où l’intervention des partenaires étrangers. Un master en ingénierie nécessite des chercheurs et des laboratoires qui y sont associés. L’avantage de l’UDM est que nous avons un laboratoire de réfrigération, parmi les très peu que nous avons en Afrique. De plus, nous avons un “smart and sustainable campus” qui est unique dans l’océan Indien.

Ce master répond-il aux attentes des étudiants africains que vous visez ?
Le cours est reconnu à l’international et comprend des spécificités locales. Ces spécificités sont aussi similaires à celles des pays africains d’où sortent les étudiants. La définition du développement durable s’applique dans tous les pays africains. Sur la première promotion, nous avions deux étudiants étrangers. Pour la deuxième promotion, nous constatons un intérêt des étudiants africains francophones. Nous avons déjà des demandes de ces étudiants.
Ce programme répond à un public international car nous faisons intervenir des spécialistes dans des domaines spécifiques et pointus. Nous avons des collègues de l’université de Limoges ou de l’université de Perpignan qui interviennent sur ce programme. Des collègues de l’université de La Réunion interviennent également dans des domaines très pointus. Par exemple, sur le stockage de l’énergie, du “smart grid”.

Croyez-vous qu’en introduisant de nouveaux cours nous arriverons à réduire le problème de la fuite des cerveaux à Maurice ?
Le problème de la fuite des cerveaux est présent dans n’importe quel pays. À Maurice, nous avons des cours au niveau international qui peuvent être suivis. Auparavant, beaucoup de Mauriciens partaient à l’étranger. Le coût de la formation à l’étranger est relativement élevé. L’UDM offre la possibilité aux étudiants d’être formés à Maurice en apportant des compétences qui ne sont pas forcément disponibles localement, à travers les partenariats que nous avons avec des universités étrangères.

Il semble que davantage d’étudiants choisissent la filière économie et finances pour leurs études supérieures. Pensez-vous que nous avons assez d’opportunités d’emplois dans le domaine du développement durable à Maurice pour que nous puissions voir plus d’étudiants se tourner vers le domaine scientifique ?
Cela commence au niveau du secondaire. Nous avons tendance à nous focaliser sur les finances mais n’empêche que nous avons assez d’étudiants qui sont intéressés par le domaine de l’efficacité énergétique et du développement durable. Je pense que pour le développement économique d’un pays, il nous faut des gens qui sont compétents dans le domaine de l’ingénierie. Pour qu’on puisse atteindre les objectifs qui ont été fixés par le gouvernement, nous avons besoin de compétences techniques dans le pays.

Les étudiants peuvent-ils aspirer à trouver un emploi rapidement après la fin de ce master ?
Lorsque nous avons élaboré ce programme, nous avions été à l’écoute de la demande de l’industrie. C’est un programme qui répond à l’industrie mauricienne. De plus, ce programme a été remis à jour après des discussions avec les partenaires suite à la première promotion.

Les universités sont souvent critiquées par rapport à leurs cours qui ne répondent pas aux besoins du marché. Êtes-vous de cet avis ?
Les enseignants-chercheurs ont une très bonne relation avec le secteur privé qui date depuis longtemps. Nos accords ne restent pas dans les tiroirs. Nous avons même organisé les Assises de la recherche il y a trois ans et les grandes entreprises locales étaient présentes. Il y a une très bonne entente avec le secteur privé. Mais très souvent, le secteur privé blâme les universités d’être en arrière. Et les universités blâment le secteur privé parce qu’il n’y a pas de recherche et de développement. Mais je constate que nous comblons l’écart à ce sujet.

Croyez-vous qu’il est plus facile de collaborer avec le secteur privé lorsqu’une université locale a comme partenaires des universités étrangères ?
Dans la supervision des projets de fin d’études, des projets ont été encadrés par des collègues des universités partenaires. Je crois que cela a également permis de créer ce lien entre les chercheurs des universités étrangères et le secteur privé mauricien. Dans le cadre du projet consistant à alimenter les véhicules électriques, un professeur de l’université de Perpignan collabore avec nous.

Y a-t-il des projets de recherche sur lesquels vous travaillez avec le secteur privé ?
Déjà pour ce master, il y a le projet “smart and sustainable campus” financé par le gouvernement. Dans le cadre de ce projet, il y a la recharge des véhicules électriques. Nous avons obtenu le financement du secteur privé et nous travaillons aussi avec d’autres partenaires privés. Nous avons aussi signé un accord avec une autre compagnie dans ce secteur. Des accords ont aussi été signés pour des travaux de recherche dans le domaine de l’intelligence artificielle et la robotique. Un projet financé par l’Agence française de développement est aussi en cours.

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