Grand coup de tonnerre dans la maison orange avec la démission surprise, jeudi, d’un très (très) proche de l’Inner Circle de Pravind Jugnauth, l’ex CEO de MT, Sherry Singh. Ses mots, dans son message d’adieu, qui a massivement circulé via les médias classiques et sur les réseaux sociaux, laissent une foule de points de suspension. L’opposition, évidemment, ainsi que nombre d’observateurs politiques et sociaux, ont rebondi rapidement, invitant l’ex-« enfant chéri » de Lakwizinn à venir laver son linge sale en public. D’énoncer qu’il est « unable to continue without compromising my values and that is not an option for me » ne dupe que quelques naïfs. Que cachent ces mots ? À quel genre de tempête devons-nous nous attendre ?
Nos cieux sont actuellement déjà considérablement lourds de nuages, avec l’enlèvement des subsides. La cherté de la vie va engloutir davantage les maigres économies des familles les plus vulnérables. Et les “middle class” vont aussi trinquer. Les petites roupies distribuées dans le dernier budget ne font pas long feu dans nos porte-monnaie, déjà soumis à un régime amaigrissant draconien !
Entre-temps, Pravind Jugnauth a levé pratiquement toutes les restrictions sanitaires en vigueur depuis mars 2020. Une nouvelle ère post-pandémie s’annonce donc. Espérons-le, avec des leçons retenues de cette parenthèse éprouvante.
L’annonce de Pravind Jugnauth a évidemment causé un certain “feel good factor” spontané. Bien que, il faut l’avouer, ces deux dernières années, sous les contraintes que l’on connaît, n’ont pas été physiquement invivables. Soyons francs ! Les temps sont très durs, surtout dans ce contexte mondial, avec la situation économique catastrophique, où est venu se greffer le conflit russo-ukrainien.
Les traumas successifs ont énormément pesé dans la balance pour les Mauriciens.
Ne plus pouvoir jouir de sa liberté chérie, aussi soudainement, bouleversait déjà nos vies. Comme si ce n’était pas suffisant, il y a eu l’épisode noir du MV Wakashio. Puis celui, fatal, du tug Sir Gaëtan. Les scandales “Pack & Blister” et autres, ayant profité aux petits copains et copines durant le confinement; le prétendu « suicide » du chef agent orange Soopramanien Kistnen, jusqu’ici non élucidé… tous ces éléments, sertis d’une gestion amateure du gouvernement, affectent beaucoup le moral du peuple. Les mobilisations et manifs de 2020 ont partiellement aidé à évacuer toute cette négativité.
Mais psychologiquement, nous restons une population très fragile. La frayeur du virus sévit toujours. Aussi, l’on ne peut s’empêcher de se demander si cette levée assez brutale des mesures n’aura pas de répercussions dramatiques. Une approche plus méthodique, avec une reprise par phase, avec quelques mesures assorties, n’aurait-elle pas été plus appropriée ? Pourquoi balancer, d’un coup, toutes les précautions dans le vent ?
Pravind Jugnauth a transféré une immense responsabilité sur la population. D’ailleurs, il l’a lui-même dit : « Sakenn pran so responsabilite aster. » Etait-ce l’unique et meilleure solution ? L’on ne peut que souhaiter que le peuple « bon enfant » se comporte en effet de manière raisonnable et responsable.
Les variants d’Omicron sont toujours présents dans la communauté. Et l’on ne peut occulter le fait que d’autres variants finiront par émerger. Malgré notre bon score en termes de vaccination, est-ce que ce sera suffisant ? Hitoshi Oshitani, éminent virologue japonais de renommée internationale, sur le front durant ces deux dernières années, et qui a contribué à ce que le Japon ait un taux des plus bas de fatalité en comparaison avec Taïwan et la Nouvelle-Zélande, avertit : « I don’t like the notion of “back to normal”. That means going back to the pre-pandemic society. That pre-pandemic society is very, very fragile — for many risks, not just infectious disease. »
Malgré les précautions prises, plusieurs pays, dont l’Angleterre, la France et même Singapour, enregistrent ces jours-ci une flambée de nouveaux cas. Oshitani plaide pour une refonte dans notre manière d’appréhender la vie selon les nouveaux paramètres : « It’s imperative societies rethink not just how tourism might look, but how all aspects of life should change in the future — before it’s too late. » Voilà qui devrait inspirer nos décideurs…