Vie chère – Jennifer, mère de six enfants : « Kass pa ase pou teyn lafin mo zanfan »

« Mo pe travay mem me kas-la pa ase pou teyn lafin mo zanfan ! » s’exaspère Jennifer, mère célibataire de six enfants. La cherté de la vie la révolte en même temps qu’elle la rend impuissante. « Je fais de mon mieux pour que mes enfants aient un bon environnement. Toutefois, malgré tous mes efforts, la vie est chère. Cela me fait beaucoup de peine quand je n’arrive pas à leur acheter à manger. Mo leker fer mal, mo zanfan pe manz lamoitye vant. »

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Elle fustige le fait que les gens de peu ne puissent faire entendre leur voix et que même quand ils le font, « seki nou dir pena pwa et leker desire ! » Elle s’indigne, en outre, contre les préjugés tenaces à l’égard des habitants de quartiers pauvres. « Dimounn kapav dir mo fer enn ta piti, wi mo fer enn ta piti me mo trase pou mo zanfan ! Mes enfants sont réguliers et ponctuels à l’école et sortent parfois premiers et seconds en classe », s’appesantit-elle.

Ses enfants sont âgés de quatre à 20 ans. Cela fait un an et demi que Jennifer a emménagé dans une nouvelle maison à Résidences Tulipes, Baie-du-Tombeau, dans l’espoir d’une vie meilleure. Force est de constater toutefois que tel n’est pas le cas. Sa vie est devenue plus amère avec les incessantes flambées de prix. Pour nourrir ses enfants, elle scrute des demandes pour l’empotage et le dépotage des conteneurs. Ce n’est pas tous les qu’elle a la chance qu’on fasse appel à elle. « Nous sommes une équipe de huit mères de famille environ à être sur la liste. Je ne peux effectuer un travail commençant avant 9h car je dois préparer mes enfants le matin pour les déposer à l’école », dit-elle.

Si Jennifer se dit certes reconnaissante d’avoir un toit en béton de la NHDC, elle fait ressortir que les dépenses y relatives ont augmenté. « Autrefois, nous n’avions rien à payer. Maintenant, nous devons payer l’eau, la lumière etc. Nous avons une maison certes mais les frais ont doublé. Mo pa pe kapav ramas enn ti kas pou met enn baraz. La maison n’est pas parfaite. J’ai eu beaucoup de problèmes qui ont nécessité des réparations. Par exemple, les prises n’ont pas été bien faites et se sont vite endommagées, ce qui a causé des courts-circuits et endommagé ma vieille télé. Parfois, les prises électriques ne rentrent pas. Comme je n’ai pas d’argent pour changer la prise murale, il me faut alors acheter des rallonges électriques », rajoute-t-elle.

Disik, kouler, tokmarya

La mère célibataire touche une allocation sociale de Rs 3 000 pour ses enfants et une autre somme de Rs 3 000 de la NEF (National Empowerment Foundation). Toutefois, fait-elle voir, « Rs 6 000 ne suffisent pas car tous les prix ont tellement augmenté. C’est très difficile pour moi. Kan mo gagn travay mo bat bate, lerla mo amen ti komisyon lakaz ». Jennifer confie ne plus pouvoir acheter du sirop pour ses enfants. « Mo nepli kapav aste zi Sunquick ni siro Dowlut. Mo bizin pran disik, kouler, aste tok marya, melanze pou zot al lekol », raconte-t-elle.

Son fils cadet faisant du cyclisme et du foot à travers l’Ong SAFIRE, celle-ci vient en aide aux parents en leur offrant de temps à autre des fruits et autres produits. « Grâce aux citrons qu’on reçoit, mes enfants peuvent alors avoir du jus de citron pour aller à l’école. » Avec d’autres mères dont les enfants sont encadrés par SAFIRE, Jennifer travaille une fois par mois dans un supermarché. En retour, elles reçoivent une boîte de produits alimentaires.

Cherté de la vie oblige, Jennifer ne peut plus offrir de lait à ses enfants. « Cela fait une semaine que nous prenons le thé sans lait. Li byen sagrinan me mo pena kass », avoue-t-elle. Ce n’est que lorsqu’elle touchera la prochaine allocation ou quand elle recevra une boîte de produits de SAFIRE ou encore si elle reçoit du boulot qu’elle pourra leur acheter du lait.

Acheter des vêtements pour ses enfants n’est même plus d’actualité. « Nous attendons d’en recevoir en don. Là où nous habitions avant, c’était tellement infesté de punaises que j’ai dû tout jeter : lit, armoire, matelas, canapé. Pendant cinq mois, j’ai dû me coucher sur trois molletons. Mais depuis que les prix ont flambé, je n’arrive plus à acheter quoi que ce soit pour la maison. Tout l’argent que je reçois est absorbé par les dettes et les aliments pour les enfants. Même pour les achats à crédit, je n’arrive pas à rembourser. Quand je suis venue dans la nouvelle maison, comme j’ai beaucoup d’enfants, j’ai acheté une machine à laver et un téléphone. Le magasin me contacte pour me rappeler que je dois le payer. Kass ki mo pe gagne, mo pe aste manze ela osi pa pe resi aste manze ki bizin ! »

La mère de famille dit vivre un calvaire avec la montée des prix. « Le ministre a fait un bon travail certes. On vivait avant dans une maison en tôle. Me kan nou gagn fin, nou pa pou kapav kass enn bout beton pou met dan lasyet mo zanfan. Mo pe travay mem me sa kas-la pa ase pou tegn lafin mo zanfan. Tous les prix ont augmenté, sauf les allocations sociales et la paye », indique-t-elle.

Au fur et à mesure qu’elle se confie, un sentiment de révolte s’empare d’elle, surtout lorsque lui reviennent des paroles entendues ici et là basées sur des préjugés : « Wi, dimounn kapav dir mo fer enn ta piti, wi mo fer enn ta piti me mo trase pou mo zanfan ! Mon fils ira au Qatar avec SAFIRE pour le foot. Je fais de mon mieux pour qu’ils aient un bon environnement. Toutefois, malgré tous mes efforts, la vie est chère. Je travaille mais ma paye n’augmente pas. »

La mère célibataire se désole : « J’ai six enfants. Cela me fait beaucoup de peine quand je n’arrive pas à leur acheter à manger. Mo leker fer mal, mo zanfan pe manz lamoitye vant. Je ne dis pas que le ministre ne fait pas son travail comme il faut. Mais il ne peut pas considérer que les grandes entreprises et les fonctionnaires. Les prix ont flambé mais nous avons des bouches à nourrir ! Chez nous, il y a zéro augmentation côté revenus. C’est dur mais nous ne pouvons faire entendre nos voix. Ce qu’on dit n’a pas de poids. Leker desire !

Je ne bois pas, je ne fume pas. Il fut un temps où on traitait les habitants des Longères de “dimoun bwar la byer e zouer loto”. Qu’on vienne me visiter ! On ne peut avoir des préjugés. Ce n’est pas parce qu’il y a quelques brebis galeuses qu’on doit être pénalisé. C’est injuste ! Un petit coup de pouce n’est pas de trop en ces temps durs. »
Si son fils cadet, en Form V, travaille en général bien au collège, Jennifer n’as pas les moyens de lui payer des leçons particulières. « Il a un peu régressé et est un peu déçu. Il a des doutes quant à sa capacité à réussir à ses examens. Tout ce que je peux lui dire, c’est qu’il n’a jamais redoublé et que s’il le faut, il redoublera, on verra comment trouver les moyens. » Il lui faut aujourd’hui trouver Rs 2 700 pour envoyer son benjamin dans une école maternelle. « Je n’ai pas cet argent mais je ferai de mon mieux pour pouvoir le lui payer », dit-elle, déterminée.

Jennifer souhaite que d’autres aides soient déployées envers les personnes dans le besoin comme elle. « SAFIRE nous aide mais ne pourra aider toutes les 150 familles de notre endroit. Il y a des familles qui sont encore plus dans le besoin que moi. Si une personne avec des enfants n’a rien chez elle et que moi j’ai reçu des produits en don, je partagerai avec elle-même si moi-même j’en aurai besoin demain. Un petit coup de pouce des uns et des autres fait une différence. Il ne faut pas se dire : celui-là est drogué, on ne va pas l’aider. Que deviendront ses enfants qui sont innocents ? »
L’appel est lancé…

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