Comme si le Covid-19 n’avait pas causé assez de dégâts dans nos vies et que le conflit russo-ukrainien n’était pas venu envenimer les choses. Avec la hausse des prix, faisant basculer des foyers dans des gouffres financiers, plongeant de plus en plus de familles dans une extrême précarité, les spirales destructrices emportent tout autour de nous : espoirs, rêves, ambitions et aspirations légitimes. Et comme si ce cauchemar devant nos yeux écarquillés n’était pas suffisant, une page horrible s’est rouverte, avec ses blessures béantes…
Impossible de faire abstraction de l’horreur indicible dévoilée via la collection de vidéos de policiers violentant et torturant des suspects, et qui circulent depuis une semaine déjà. Tantôt menottés à une chaise, tantôt ligotés au moyen d’une roue de camion (!), tantôt nu… Mais surtout, ces hurlements insoutenables : « Pardon misie ! », « Ase misie ! »… Des cris rabaissant l’homme au rang de la bête qui gueule à mort, implorant, prêt à confesser tout et son contraire uniquement pour arrêter de souffrir. Impossible de taire évidemment ce haut-le-cœur et cette révolte profonde devant une telle bestialité. Abject. Ignoble. Répugnant. D’une bassesse et d’un dégoût sans bornes pour ces tortionnaires !
L’ironie veut que ce 30 mai, une cérémonie de remise de prix ait eu lieu, au cours de laquelle la Mauritius Police Force (MPF) s’est vue décerner… le Prix d’excellence de la fonction publique (PSEA) 2021. Un concours organisé par le ministère de la Fonction publique pour récompenser l’excellence et l’innovation. Cette semaine toujours, le Premier ministre a officié à un exercice de promotion de 700 agents de la MPF.
Pravind Jugnauth a bien entendu condamné ces actes barbares, qui datent de… trois ans. Immanquablement, il a fait bien ressortir que la réaction a été immédiate, avec l’arrestation de trois policiers identifiés dans les clips. Pour totalement désamorcer cette bombe qui menace d’exploser à tout moment, le plus approprié, nous semble-t-il, serait d’écrouer tous les agents vus et identifiés dans ces enregistrements. Et qu’ils ne reçoivent pas de traitement VIP lors de leur comparution en cour. Pourquoi occulter la transparence et accentuer la perception d’une justice à deux vitesses ? Ceux qui défendent leur uniforme en toute honnêteté et loyauté ne doivent pas être confondus avec ces agents hors la loi !
Ce qui est occulté, encore, c’est toute la chaîne de haine et d’irrespect qui mène à ces situations ultra-violentes. Tout citoyen mature et responsable est pleinement conscient que des deux côtés de la barrière, tant chez les policiers que les voyous, donc, il y a des éléments de la pire espèce. A l’exemple de ces policiers qui « s’amusent » à faire souffrir ceux qu’ils ont pris dans leurs filets, il y a ces vils pervers qui s’en prennent aux enfants, aux vieilles personnes ainsi qu’à des adultes, leur infligeant les pires sévices. Comment ne pas comprendre alors que ceux qui sont hélas victimes de ces malfrats donnent raison à ces policiers de tabasser et de rosser ces crapules ? Mais ce n’est pas pour autant que ceux qui portent l’uniforme bleu détiennent la “licence to kill”.
Amener des malfrats à confesser des crimes et des délits, voire à cracher les noms de leurs complices ou commanditaires, doit-il absolument passer par ces tortures et violences ? Ces questions sont abordées depuis l’époque où évoluaient feu Prem Raddhoa et son équipe. Force est de constater que si cette unité a été démantelée, officiellement, ces pratiques exécrables, elles, persistent.
Les violences, au sein de la police autant qu’en milieu carcéral – la mort de Jean Cael Permes et plusieurs autres détenus, toujours pas élucidée d’ailleurs –, reviennent régulièrement sur le tapis. N’est-il pas grand temps de tourner ces pages sanglantes et de démarrer sur de nouvelles bases, solides et humaines ?
Nombre d’associations et de bénévoles du privé émergent, face à la cherté de la vie, qui pousse de plus en plus de mères de famille vers la mendicité, quand ce ne sont pas d’autres activités pouvant être tarifées. Un peu partout dans le monde, on se reconstruit sur des bases meilleures que celles qui se sont effondrées durant la pandémie. Mais ici, nous avons l’impression de nous enfoncer chaque jour un peu plus dans des sables mouvants. Tributaires de décideurs politiques aux idées courtes et à leur manque de vision… et d’humanité.