Ah, quelle fine équipe nous avons. Nos ministres ne cessent en effet de le répéter à chaque fois qu’ils en ont l’occasion : Maurice respectera ses engagements en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, notamment en éliminant totalement le charbon, toujours nécessaire pour rappel aujourd’hui au fonctionnement de nos centrales. Sauf que… il ne leur reste pour ce faire qu’un peu plus de sept ans. Qui plus est sans savoir s’ils dirigeront encore les affaires du pays passé 2024. Autant dire que ces effets d’annonce risquent de ne jamais se traduire en actions dans les délais impartis. Et cela, nos politiques le savent très bien.
Par ailleurs, il faut aussi admettre que rien ne laisse transparaître pour l’heure une réelle volonté à s’engager dans la voie de la décarbonation. Non seulement les efforts consentis sont pour le moins dérisoires, mais certaines décisions vont même à contre-courant du but recherché. Ainsi, comment évoquer l’imminence d’une île Maurice verte (car 2030, c’est demain) alors que nos élus, il n’y a pas si longtemps, s’étaient empressés de voter une loi visant à favoriser la prospection de pétrole dans nos eaux territoriales ? Une décision qui, on s’en rappelle, aura d’ailleurs été prise en quatrième vitesse au moment même où Pravind Jugnauth revenait de New York, où il venait à peine de plaider la cause des Petits États insulaires en développement, dont la vulnérabilité face au changement climatique n’est plus à prouver. Se vantant au passage, devant les représentants du monde entier, que notre pays avait déjà mis en branle un vaste plan visant à atteindre les Objectifs de développement durable décrétés par les Nations unies, et ce, alors même qu’il savait que l’Offshore Petroleum Bill l’attendait sur la table de l’Assemblée à son retour à Maurice.
Plus récemment, notre bien-aimé ministre du Transport, Alan Ganoo, lui, aura décidé d’une hausse des tickets de bus, qu’il justifiera par l’augmentation du prix des carburants sur le marché mondial. Certes, les prix ont flambé, mais n’y avait-il pas d’autres moyens de stabiliser le coût des trajets de bus ? Comme d’augmenter les subventions gouvernementales, en utilisant par exemple les fonds dédiés au développement routier, inutiles dans la conjoncture, et déjà ponctionnés à la pompe à essence. Ou encore en revoyant, du moins temporairement, le système de transport gratuit à certaines catégories de personnes, ce qui dans un contexte économique difficile constitue d’ailleurs une quasi-hérésie.
Car n’oublions pas que cette hausse risque, plus que probablement, de pousser de nombreux Mauriciens à y réfléchir à deux fois avant de prendre le bus (ou notre superbe métro). Mettant ainsi davantage à mal les finances des compagnies de bus, ce qui, là encore, s’avère extrêmement contre-productif, sachant en effet que le transport en commun demeure un moyen très efficace pour réduire notre facture carbone. Un non-sens de plus, cela va sans dire.
Et que dire encore des énergies renouvelables, dont les projets de déploiement se comptent sur les doigts de la main, si ce n’est bien sûr dans le secteur privé ? Il paraît pourtant évident que celles-ci sont d’une importance capitale, à la fois pour le climat et pour nous assurer une totale indépendance énergétique. Sauf qu’au lieu de capitaliser sur ce moteur essentiel de notre « croissance verte », nos élus continuent d’investir dans des projets pharaoniques, dont l’intérêt est le plus souvent hautement contestable, si ce n’est pour une simple question de prestige.
Le plus aberrant, c’est qu’une bonne partie du monde aimerait bénéficier des mêmes avantages que notre pays, à qui le positionnement géographique confère un accès quasi illimité au soleil, au vent et aux marées. Trois sources d’énergies vertes qui, en plus d’être gratuites une fois les infrastructures posées, nous permettraient à elles seules de pourvoir à nos besoins énergétiques la totalité de l’année. Et donc sans même avoir besoin de la bagasse, nous dégageant ainsi de vastes surfaces cultivables que nous pourrions alors utiliser pour nourrir la population. Mais bon, ne nous leurrons pas : pour nos décideurs, tout cela n’est que démagogie, chimère et utopie.