À 33 ans, Tatiana Ditjacques est une jeune femme transgenre. Une identité qui n’a pas toujours été facile à porter et à faire accepter aux autres. Moquée et stigmatisée, elle a longtemps vécu repliée sur elle-même avant de pouvoir enfin s’accepter. Dans le cadre de la Journée internationale contre l’homophobie observée le 17 mai, elle nous livre les étapes de ce long cheminement vers l’épanouissement.
Témoigner à visage découvert ne lui pose pas de problème. Après des années à nier qui elle était vraiment, Tatiana Ditjacques s’accepte désormais pleinement au regard des autres et de la société : “Je suis une fille trans.” Le chemin vers cette éclosion n’aura pas été de tout repos. Du plus loin qu’elle s’en souvienne, elle ne jouait jamais au foot ou à la course avec les garçons de son âge en primaire. Préférant jouer à “Lamarel” et d’autres jeux plus féminins avec les filles. Les cadeaux comme les camions, hélicoptères et robots qu’elle recevait à l’occasion des fêtes, finissaient dans un coin de la maison. Par contre, les poupées de ses sœurs trouvaient grâce à ses yeux. “Depuis mon enfance, je me suis toujours sentie fille et je le réalisais sans le savoir.”
Étant très efféminée, Tatiana Ditjacques n’a pas eu une vie de collège paisible. Moquée et intimidée, elle a souvent été malmenée verbalement au point de devoir changer de collège à trois reprises. “On me traitait de macaroni, fromage et autres noms rabaissants. Ça blesse vraiment. À force d’être malmenée et la cible de critiques, je me mettais en retrait, car je ne m’assumais pas.” Esseulée, elle était souvent chez elle et passait presque tout son temps à s’habiller dans les tenues de ses sœurs. Si dans les deux derniers collèges, elle a mieux vécu sa scolarité, c’est surtout parce qu’elle avait décidé de cacher qui elle est et de se montrer plus masculin.
“J’étais renfermée sur moi-même pour ne pas trop en montrer, évitant de parler parce que c’était quelque chose de naturelle chez moi de m’exprimer de manière efféminée.” Tatiana Ditjacques commencera aussi à faire de l’athlétisme et prit part à plusieurs compétitions. “Bien que ça se passait mieux à l’école, je vivais mal le fait d’enterrer qui j’étais et de nier mon identité.” Elle fréquentait des “copains”, mais les histoires restent cachées. Ce n’est qu’en intégrant une société BPO après sa secondaire qu’elle commença à s’assumer. “À l’époque, je n’avais pas encore fait ma transition et j’étais considéré comme gai.”
C’était aussi compliqué d’assumer sa transidentité étant donné qu’elle vient d’une famille très religieuse “et je ne souhaitais pas m’aventurer sur ce terrain. Évidemment, ma famille avait cette appréhension, mais ne voulait pas se l’avouer.” En effet, ses traits d’eye liner légers, ses mascaras ou encore ses jeans, qui devenaient de plus en plus moulants ne trompaient personne. Pour sa part, Tatiana Ditjacques ne souhaitait pas non plus mettre de l’huile sur le feu. Plus tard, encouragée par ses amis de la communauté LGBTI et quand elle emménagea seule, elle put enfin en mesure d’assumer sa transexualité. “J’ai commencé à m’habiller en fille et à me maquiller et j’ai enfin fait la transition de Ludovic à Tatiana.” Sa famille apprit à accepter sa différence. “Aujourd’hui, avec mes parents, ainsi que mes quatre sœurs et deux frères, nous sommes très soudés”, confie Tatiana.
Au travail et dans son cercle d’amis, celle qui évolue toujours dans le secteur BPO, se sent bien. Toujours est-il que dans les rues, il y a toujours ce regard persistant qui blesse. “On te regarde, car tu ne coches pas les cases qu’ils veulent selon les normes de la société. Du moment que tu es différent, les gens te regardent différemment.” Bien qu’elle n’ait jamais été agressée physiquement, contrairement à ses amis, Tatiana Ditjacques a tout de même été victime d’agression et de harcèlement verbal.
Elle raconte cette fois où ses amis et elles ont été prises à partie par un individu à la sortie d’une boîte de nuit. “C’était totalement de la persécution et de l’acharnement, car il nous suivait en prononçant des phrases injurieuses à notre égard.” Ou encore ce jour où elle a été prise pour cible à la plage pendant une demie-journée par un groupe qui pique-niquait à côté. “Le pire, c’est qu’à force d’entendre ce genre de réflexion, on commence à faire abstraction… Ce qui est sur c’est que les moqueries et un langage vulgaire, font plus mal que les regards.”
Tatiana Ditjacques s’assume parfaitement aujourd’hui, mais ne compte pas changer de sexe. Bien qu’elle soit d’avis que la mondialisation a un tant soit peu changé le regard sur la communauté LGBTI aujourd’hui, toujours est-il que l’homophobie demeure ancrée dans la société.
Le message que Tatiana Ditjacques souhaite faire passer c’est “qu’il faut que les gens réalisent que la vie que nous menons n’est pas aussi facile qu’ils le pensent. Ce n’est pas forcément une vie de dévergondée.” Qu’à cela ne tienne, elle fait ressortir que “nous n’avons pas besoin de leur approbation pour vivre notre vie, car personne ne nous demande la nôtre pour vivre la leur. Du moment que ce n’est pas illégal et reste dans le respect mutuel, il faut laisser les gens vivre. Live and let live.”