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Démocratie — Sur fond de force majeure : Lakwizinn du PMO sous haute tension entre injonction et court-circuit

-  La centrale thermique Terragen passe à l’action en suspendant sa contribution au Grid du CEB à hauteur de 17%, la juge siégeant en référé n’accédant pas à l’injonction Sponsored par l’Hôtel du GM - Le CEB conteste la thèse de la flambée du cours du charbon en raison de la guerre en Ukraine, avançant que Terragen importe son combustible d’Afrique australe

La tension n’a fait que monter d’un cran au sein de Lakwizinn du Prime Minister’s Office. Ainsi, après une précédente fin de semaine bien chaude avec des manifestations survenues dans une dizaine d’agglomérations dans l’île contre la perte du pouvoir… d’achat, le gouvernement se retrouve à gérer des dossiers encore plus chauds, avec des conséquences de différents niveaux, que ce soit sur le plan national ou des répercussions à l’international.

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Le dernier en date à remonter à la surface demeure l’opération de court-circuit orchestrée et exécutée depuis 16h vendredi par l’Independent Power Producer (IPP) Terragen avec des risques potentiels de délestage électrique sur le National Grid. Cette centrale thermique, située dans le Nord, fournissant au moins 17% of the local supply of electricity — confirmation du Central Electricity Board (CEB) — a cessé ses opérations, affirmant ne plus disposer de stocks de charbon pour brûler dans les chaudières ou encore de fonds nécessaires pour financer l’importation de charbon jusqu’à la fin du présent Power Purchase Agreement le 31 décembre prochain.

Deux autres foyers chauds demeurent l’épisode d’expropriation du Mauritius Turf Club au Champ de Mars, dont le bras de fer à rebondissements avec la Gambling Regulatory Authority (GRA), et le mouvement de protestation des membres du Barreau dénonçant la violation par les autorités d’une injonction de la Cour contre l’extradition d’un ressortissant de Slovaquie, avec le président du Bar Council, Me Yatin Varma, bousculé physiquement par des membres de la force policière.

Sur le plan énergétique, le point de non-retour a été franchi par Terragen après l’échec des consultations au plus haut niveau du gouvernement, engageant le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et le ministre des Utilités publiques, Joe Lesjongard, et la direction générale du CEB.

Et surtout, après la décision de la juge Johan Moutou-Leckning, siégeant en référé, vendredi, de ne pas entretenir la demande d’injonction logée par le CEB pour interdire toute déconnexion de la Centrale Thermique de Terragen du réseau d’électricité du CEB.

Avec ce dernier développement et la juge en référé convoquant les parties pour cette semaine avec des échanges d’affidavits, la direction générale de Terragen a mis à exécution sa menace de suspendre la fourniture d’énergique électrique au CEB dès vendredi après-midi après avoir donné les avertissements d’usage au terme des conditions du Power Purchase Agreement. Ainsi, le gouvernement aura bénéficié d’un sursis de six semaines et trois jours, car cette suspension aurait dû intervenir initialement depuis le mardi 15 mars dernier.

Depuis, c’est le branle-bas de combat au QG du CEB, dont les contributions au Consolidated Fund, géré par le ministère des Finances, se montent à quelque Rs 9 milliards au terme de l’opération Grate Kot Kapav (GKK) en prélude à la présentation du budget. Avec une capacité de 63 MW en moins d’une seconde à l’autre depuis 16h vendredi, le CEB se doit d’avoir recours au Plan B pour limiter dans la mesure possible tout load shedding (délestage) aux dépens des abonnés, que ce soit domestiques, commerciaux ou industriels. De son côté, le ministre de tutelle, Joe Lesjongard, animant le point de presse du MSM au Sun Trust hier, a voulu se montrer rassurant tout en se lançant dans un blame game politique.

Ce qui est une certitude est que l’Hôtel du Gouvernement ne peut prétendre avoir été pris au dépourvu avec cette déconnexion de la Centrale Themique de Terragen du réseau national. Des recoupements d’informations effectués auprès des sources concordantes confirment que dès le mois d’octobre de l’année dernière, soit bien avant les séquelles économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Terragen avait tiré la sonnette d’alarme sur la viabilité financière et économique des opérations de la centrale thermique.

Le feu aux poudres

Mais les choses devaient en rester là. Du côté du CEB, l’on avait misé sur le fait que le Power Puchase Agreement avec Terragen allait arriver à terme au 31 décembre prochain. Mais la guerre en Ukraine avec la flambée des cours mondiaux des matières premières pour les énergies fossiles, dont le pétrole et le charbon, allait mettre littéralement le feu aux poudres.

Le 4 mars dernier, Terragen devait relancer de manière formelle le CEB de l’urgence de revoir le cadre contractuel, car « its operations were no longer economically viable due to, and as a direct or indirect result of, this Force Majeure Event. » Avec les cours en hausse du charbon, Terragen laissait entendre que chaque jour d’opération de la centrale thermique résultait en des pertes de Rs 90 millions par mois.

Dans une première sommation formelle au CEB, Terragen est des plus catégoriques : « Under the circumstances, we are hereby notifying you that Terragen shall, until further notice, suspend its operations and the performance of its obligations under the PPA as from 15 March 2022. » Déjà informé du fond du problème, le CEB avait réagi en date du 14 mars en repoussant les arguments de Terragen. La partie officielle maintient que les importations de charbon se font « through Coal Terminal (Management) Ltd, From South Africa, Mozambique and Indonesia and Terragen does not import coal from either Russia or Ukraine. »

En dépit de cette fin de non-recevoir du CEB au sujet de l’application de la clause de Force Majeure au PPA, Terragen devait revenir à la charge le 21 mars avec l’interruption de la génération d’électricité annoncée à minuit le 22 et aussi avec un autre avertissement le 6 avril repoussant l’ultimatum au 11 avril à minuit.

Entre-temps, des négociations et des consultations furent engagées en vue de trouver une porte de sortie politique à la demande de Terragen à l’effet que « the indexation formula under the PPA should be revised to allow it to meet the rising process of coal. » Ce même 11 avril, lors d’une réunion avec différents ministres, « it was agreed in principle between the two parties that they would work towards a burden-sharing formula to resolve the issue at hand. »

Very High Voltage !

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait également été partie prenante des consultations, la preuve de la gravité de la situation. Mais cette ultime tentative devait échouer, car Terragen affirme que « the proposal cannot be accepted since its application would in effect lead Terragen straight into insolvency. » Un nouvel ultimatum, arrivant à échéance le 21 avril, était arrêté avec des échanges de la dernière chance ne donnant aucun résultat escompté.

Vu que toutes les cartes étaient abattues par les deux parties, le CEB fut acculé à avoir recours à une arme of the last resort, soit une injonction contre la décision de Terragen, qui avait été repoussée à midi le vendredi 22. Les formalités relatives furent engagées ce vendredi 22 avec la juge en référé convoquant les parties pour vendredi dernier.

Lors de cette audience, la juge Moutou-Leckning a voulu s’enquérir du fond du problème, Terragen maintenant que compte tenu de l’évolution de la situation depuis l’année dernière, cette entité ne dispose plus de stock de charbon et encore moins des moyens pour financer l’importation de charbon pour le reste de la période contractuelle. Toutefois, les représentants du secteur privé affirment que « Terragen souhaite très vivement que les conditions puissent être rapidement réunies pour lui permettre de poursuivre sa mission industrielle. » En cour, les représentants ont confirmé que la centrale pourrait être opérationnelle si le CEB fournit le combustible nécessaire.

Dans un communiqué émis hier matin, suite à la version limite du CEB de vendredi, Terragen souligne que « le quadruplement du prix du charbon ne peut que partiellement être pris en compte dans le tarif de l’énergie vendue, aux termes du contrat liant Terragen au CEB ; ce qui fait que le prix du charbon est maintenant en lui-même plus élevé que le prix de vente de l’électricité au CEB, ce qui est de nature à mettre en danger l’équilibre économique de Terragen. »

En tout cas, dans la conjoncture, la charge politique dans le dossier CEB/Terragen est classée dans la catégorie de Don’t Touch ! Very High Voltage !…

Légendaire Pa mwa sa ! Li sa ! — Peter Uricek Saga — PMO : un  Removal  par la Slovaquie et non extradition

Le Prime Minister’s Office se lance dans une opération Ponce Pilate avec l’épisode du ressortissant slovaque Peter Uricek, livré avec des menottes aux mains et aux pieds, un peu à la manière des détenus de Guantanamo. Face au tollé soulevé à Maurice et à l’étranger devant le traitement infligé à cet homme d’affaires étranger, qui jusqu’au 15 avril dernier était détenteur d’un Occupational Permit délivré par l’Economic Development Board en date du 19 avril 2019, les autorités ont cru nécessaire de justifier la séquence menant à son embarquement à bord d’un courrier spécial de la Policia Slovenskej Republiky, mardi dernier. De leur côté, les membres du Barreau comptent organiser une marche pacifique, vendredi prochain, pour protester contre le dédain des autorités à l’encontre d’une injonction de la Cour suprême et le traitement infligé au président du Bar Council, Me Yatin Varma, par des membres de la force policière dans cette même affaire.

Dans un communiqué de 17 paragraphes, le Prime Minister’s Office se contente de faire sienne la thèse légendaire Pa Mwa sa ! Li sa ! Ainsi, les autorités s’évertuent de market le fait que « Mr Uricek was not deported from Mauritius… », « Mr Uricek was neither extradited from Mauritius… » ou encore « Nor was Mr Uricek removed by the State of Mauritius… » Toutefois, le Prime Minister’s Office, voulant jouer au plus fin en droit international, concède que « the removal from Mauritius was effected by the Slovakian authorities after Mr Uricek was handed over by the Mauritius Police. » Le gouvernement maintient qu’à  aucun moment il y aurait eu outrage allégué à une injonction émise par la Cour suprême, car « it is here important to stress that at, no material time, was there any Supreme Court Order against the police. »

Force est de constater que quelques paragraphes auparavant, le Prime Minister’s Office avait relevé qu’entre 14h15 et 14h30 ce mardi 26 avril, une injonction de la Cour suprême avait été servie, entre autres, au Passport and Immigration Office. Probablement que les policiers affectés au PIO ne sont plus sous le General Command du commissaire de police. C’est ce qu’on est tenté de croire si on se laisse convaincre par les arguments du PMO.

Mais ce qui est pire se résume aux révélations du PMO que l’Economic Development Board avait octroyé le 19 avril 2019 un Occupational Permit de trois ans au dénommé Peter Uricek pour travailler au sein de la société Euro-Cola (Mauritius) Ltd avec des salaires de Rs 60 000 par mois. Cette entité s’est révélée être une coquille vide (Shell Company), avec des pertes de Rs 48 532 et des avoirs de Rs 128 509.

Red Notice

Ainsi, les procédures de due diligence et de suivi adoptées par l’Economic Development Board sont soumises à rude épreuve, car depuis longtemps, « the alert would have been flagged. » Et pour cause, soit de 2015 à 2018, bien avant l’arrivée du Peter Uricke à Maurice, il était fiché en Slovaquie comme un narcotrafiquant pour des délits de production de 480 kilos d’amphétamines d’une valeur marchande de 16,8 millions d’euros (Rs 750 millions).

Un simple contrôle entre les autorités compétentes de Maurice et de Slovaquie au début de 2019, année des dernières élections législatives, aurait été édifiant à plus d’un titre et aurait permis au pays de faire l’économie d’être perçu comme un havre de paix pour un cerveau du trafic de drogue sur le plan international.

Même si Peter Uricek avait fait l’objet d’une Red Notice émise par Interpol avec mention qu’il était « a fugitive wanted for prosecution and reported armed and dangerous », ce n’est que dans la demande du renouvellement de l’Occupational Permit qu’il avait été privé de son statut de résident par le PMO, en l’occurrence le 15 avril 2022. Mais le Notice sous l’Immigration Act ne fut servie par la poste que le 26 avril, soit le jour de son lawful removal from the Mauriian territory avec des menottes aux mains et chaînes aux pieds.

En tout cas, la teneur du communiqué du Prime Minister’s Office soulève davantage de zones d’ombre qu’il n’en éclaircisse après l’épisode en deux temps de ce même mardi 26 avril, alors que ce même PMO ne confirme que des procédures d’extradition avaient été engagées contre Peter Uricek devant les instances appropriées, l’affaire devant être appelée le 11 mai…

Le ministre Joe Lesjongard : « Kan ou fer profi ou met dan pos,  kan sarbon monte, lepep ki peye »

Le ministre des Utilités publiques, Joe Lesjongard, a carrément renvoyé le blâme sur Terragen. Il affirme que Terragen n’a pas respecté les conditions du contrat avec le CEB. “Au gouvernement, nous avons montré notre bonne foi. Mais il faut savoir que si le CEB avait accédé à la requête de Terragen, il allait devoir lui payer Rs 700 millions pour la période de janvier à décembre 2022. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de référer le cas en cour”, dit-il en ajoutant que “li inakseptab ki kan ou fer profi ou met dan ou pos, e kan sarbon monte, se CEB, gouvernman ek lepep ki bizin pey sa !”

Joe Lesjongard est revenu sur le fait Terragen, qui est opérationnel depuis le 24 juin 1998, alors sous le nom de la Centrale Thermique de Belle-Vue, avait signé un contrat de production d’électricité pour une période de 20 ans, soit pour une production de 71,2 MW pendant la coupe où le CEB achète 46 MW et l’entrecoupe pendant laquelle le CEB achète 62 MW. “C’est sous le gouvernement travailliste avec Navin Ramgoolam comme Premier ministre que ce contrat avait été signé et je me souviens qu’il y avait pas mal de contestations”, a-t-il déclaré.

Joe Lesjongard n’a pas manqué de critiquer Navin Ramgoolam, qui promettait à l’époque une “démocratisation de l’économie en faisant référence au secteur énergétique et qu’il allait revoir certains contrats, mais depuis, rien n’a été fait.” En principe, le Power Purchase Agreement de Terragen devait prendre fin le 30 juin 2020. Mais une extension de 30 mois avait été allouée.

“Lors des négociations pour renouveler le contrat, les deux parties avaient signé le contrat sous la même formule et sans aucun changement concernant la composante charbon… ”, dit-il en faisant état de la demande de Terragen en date du 13 octobre 2021 en vue “de revoir la formule charbon, car le coût du prix du charbon affecte ses finances.” Une nouvelle demande est réitérée le 13 décembre 2021.

“Est-ce normal de modifier le contrat au beau milieu ainsi, même s’il est vrai que le prix du charbon a augmenté et il est vrai que pendant des années le prix du charbon est resté bas ?” se demande le ministre, en ajoutant qu’à partir de 2011, cette entité avait déjà amorti ses investissements dans cette centrale et que de 2012 à ce jour, la compagnie a enregistré des profits nets de Rs 1,5 milliard. “Il n’est pas normal que quand la situation était correcte, pa ti bizin revwar formil !” renchérit-il.

Force majeure pour revoir la formule d’indexation

Joe Lesjongard a, en outre, précisé que Terragen est retourné plusieurs fois à la charge cette année et a évoqué une situation de force majeure pour revoir la formule d’indexation. Le CEB a fait comprendre qu’il n’était pas d’accord, sachant que Terragen achète le charbon d’Afrique du Sud et d’Indonésie, actuellement pas encore impactés par la guerre en Ukraine. Selon lui, malgré les nombreuses tentatives de discussion, avec notamment l’intervention du gouvernement à plusieurs reprises, “à chaque fois Terragen brandit la menace d’arrêter sa centrale ! Il nous met le couteau sous la gorge et vendredi il est passé à l’action.”

Le ministre des Utilités publiques a voulu être rassurant au sujet de la fourniture électrique avec « un comité composé d’ingénieurs mis en place pour suivre la production après l’arrêt de la centrale de Terragen. » Il ajoute que le CEB dispose de la capacité pour faire face à la situation nouvelle.

Il a également annoncé que des projets d’énergie renouvelable ont été enclenchés pour rattraper le retard dans le domaine de la politique énergétique sous l’ère Ramgoolam. Répondant à une question de la presse sur une éventuelle mise à contribution des turbines à gaz de la centrale thermique de Nicolay, il a déclaré que tel n’est pas le cas, mais qu’en d’urgence, “il faudra le faire, mais à quel prix, sachant qu’il faut brûler du jet fuel ?”

En tout cas, cette réaction du ministre, s’apparentant à la formule consacrée Tou Korek Lakaz Mama, tranche avec les affirmations du CEB pour justifier la demande d’injonction non entretenue par la cour, soit « CEB will have to operate the gas turbine generating units at Nicolay Power Station for 10 to 12 hours during week days which is three times more costly as compared to the CEB’s other thermal plants. »

À ce stade, en attendant l’évolution de la situation sur le National Grid, l’on peut en toute légitimité se demander which is which ?

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