Le bras de fer entre les propriétaires de boulangerie et le gouvernement au sujet d’une révision du prix du pain passe à une étape supérieure. Les consommateurs pourraient bien en faire les frais dès lundi matin à moins que le ministère du Commerce ne décide de décanter la situation.
En effet, divers propriétaires de boulangerie opérant à travers l’île évoquent l’incapacité de continuer à cuire du pain maison et de la baguette ce lundi une fois que leur réserve de diesel sera épuisée.
Ils affirment que depuis la dernière hausse du prix du carburant, leur situation financière est devenue extrêmement difficile et qu’ils sont dans l’incapacité d’acheter du diesel pour les besoins de leurs opérations.
Interrogé par Le Mauricien hier, le président de l’Association des Propriétaires de Boulangers (APB), Nasser Moraby, a affirmé que l’association n’a pas donné de mot d’ordre de ne plus fabriquer de pain une fois que le stock de carburant sera épuisé, pour ne pas être accusée de Lock-Out. « Nos membres sont en de très sérieuses difficultés financières car aucun ajustement du prix du pain n’a été effectué depuis dix ans. Ils sont dans l’incapacité de poursuivre leurs opérations.
S’ils cessent de fabriquer le pain dès lundi, ce serait dommage et cela va impacter la rentrée scolaire et les nombreuses personnes qui achètent du pain pour aller travailler lundi matin », met en garde le président de l’APB.
Nasser Moraby devait souligner que l’association a pris connaissance également de la déclaration faite par le ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs, Soodesh Callichurn. Selon le ministre, si le gouvernement accède à la demande de l’APB pour une hausse du prix du pain, « popilasion pou krye ». Il ajoute que le gouvernement devrait se pencher plutôt en faveur des mesures d’accompagnement. Il avance qu’il ne sait pas trop comment le gouvernement va procéder, compte tenu du fait que tous les coûts des intrants utilisés pour la fabrication du pain ont augmenté. « Si le gouvernement nous livre de la farine gratuitement pour fabriquer le pain cela ne va pas suffire. Cela couvrira tout simplement seulement 50 sous sur notre demande de Rs 1,50 pour le pain maison », dit-il.
Interrogé par rapport à la situation qui prévaut dans le secteur actuellement, Éric Wong, propriétaire de la boulangerie La Cheminée, a déclaré que la situation va de mal en pis.
« Si je n’avais pas pris avantage du Wage Assistance Scheme, j’aurais déjà mis la clé sous le paillasson, car notre situation financière est dans le rouge en raison de la hausse du prix du sel de 100%, de la levure par 40% et des améliorants par 35 à 40% depuis 2020. En sus de cela, il faut ajouter dix ans d’augmentation salariale sans que le prix du pain n’ait été ajusté », affirme-t-il.
Il devait poursuivre en disant que sa boulangerie achète également de l’huile végétale pour fabriquer le pain. « Enn drum dilwil ki mo ti abitie aste an 2019 a Rs 6 890 pe vande zordi Rs 14 650. Nou pe roul a pert. Se nou ki pe sibsidiz gouvernman finalman », laisse-t-il entendre. Selon lui, si l’on achète le diesel pour sept à huit semaines, il va falloir décaisser environ Rs 100 000 additionnelles. « Où est-ce qu’on tire cet argent ? » s’est-il demandé.
Éric Wong devait aussi faire ressortir qu’à ce jour, il faut d’abord régler la note du carburant auprès du fournisseur à l’avance avant que le carburant ne soit livré. « Notre situation est dramatique. Ce n’est pas le moment de continuer à tergiverser sur le dossier. C’est un SOS que nous lançons avant que La Cheminée, qui compte 60 ans d’histoire, songe à mettre la clé sous la porte définitivement. Qui va souffrir si une telle situation se produit ? »
Pour lui, la hausse du prix du pain est totalement justifiée, et la population comprendra que « nous sommes actuellement dans une mauvaise passe ». Il ajoute que : « si le public est prêt à acheter une paire de dholl puri à Rs 17, un gato piman à Rs 5, je ne vois pas pourquoi il ne va pas accepter un ajustement du prix du pain, comme le réclame l’association », fait ressortir Éric Wong.