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Décadence chocolatée

Guerre en Ukraine, crise sanitaire, gestion hasardeuse des fonds publics, gaspillages, investissements inutiles… Autant de facteurs qui auront mis à mal notre roupie nationale, avec pour conséquence immédiate des hausses de prix en cascade. Autant dire que pour Pâques, les ménages, cette année plus encore que la précédente, auront mis la main à la poche de manière plus réfléchie et responsable en passant dans les traditionnels rayons de friandises chocolatées. Dommage pour nos enfants, bien sûr, mais tant mieux, devrait-on aussi dire, pour la planète. Car si tous les produits consommables, y compris alimentaires, ont un impact environnemental, le chocolat n’échappe pas à la règle. Quand bien même il n’aurait pas la plus grosse empreinte carbone.
Le problème de la production de chocolat est en effet multiple, car le petit carré noir ne coûte pas seulement en termes d’émissions de gaz à effet de serre, mais il est également extrêmement gourmand en surfaces terrestres. Pour satisfaire la demande mondiale, en expansion faut-il le souligner, les pays producteurs de chocolat n’ont en effet d’autres choix que d’augmenter les terrains cultivables. Ce qui les oblige le plus souvent à abattre des forêts entières pour remplacer les arbres indigènes par des cacaoyers. Des plantations qu’il faut abondamment arroser, bien entendu. Ainsi, pour fabriquer une seule tablette de 200 g de chocolat, pas moins de… 3 400 litres d’eau sont nécessaires ! Ce qui peut constituer un énorme problème dans certaines régions productrices, comme la Côte d’Ivoire, premier exportateur mondial de cacao faut-il le rappeler, et qui aura perdu en seulement 60 ans pas moins de 90% de ses forêts primaires !
À cela, il faut évidemment ajouter des tonnes de CO2 pour assurer le fonctionnement des usines et, forcément, l’acheminement de la précieuse denrée noire. En gros, l’on estime ainsi que 70% des émissions de CO2 du chocolat proviennent de la production de cacao, les 30% restants englobant toutes les autres étapes (transformation, emballage, ajouts alimentaires, etc.).
Certes, le chocolat n’est pas le plus énergivore de nos produits alimentaires (5 kg de CO2 pour 1 kg de chocolat, contre 25 kg de CO2 pour 1 kg de viande rouge), mais il symbolise en revanche parfaitement les dérives actuelles. En quelques décennies seulement, ce produit a en effet atteint des proportions effarantes. Imaginez ainsi qu’aujourd’hui, nous consommons environ 5 millions de tonnes de cacao par an. Ce qui paraît extrêmement paradoxal, sachant que même si le chocolat possède un grand nombre de vertus, ce dernier n’est généralement consommé que pour satisfaire notre besoin de plaisir immédiat.
Loin de nous bien sûr l’idée d’insinuer qu’il faudrait bannir définitivement le chocolat de nos frigos et armoires. Cependant, il serait souhaitable de le consommer avec plus de modération, ce qui permettrait d’ailleurs de multiplier notre plaisir du fait de sa plus grande rareté dans notre alimentation. Or, non seulement le chocolat est aujourd’hui partout, mais il est même utilisé à d’autres fins que purement comestibles. À l’instar de ces spas qui proposent tantôt des bains ou des massages de chocolat, tantôt des huiles à base de cacao. Tout cela au nom de la protection de notre peau mais, surtout, des énormes profits que tout cela génère pour les promoteurs.
La problématique du chocolat est, répétons-le, loin d’être unique, car nous pourrions consacrer des articles entiers à l’essentiel de ce qui constitue aujourd’hui nos caddies. Reste qu’elle symbolise à elle seule toute la décadence de notre société consumériste. Parce que nous ne pouvons nous satisfaire de l’essentiel, parce que nous en voulons toujours plus. Parce que chaque restriction, quand bien serait-elle dictée par des décisions politiques et économiques, provoque irrémédiablement des soulèvements populaires. Nous faisant de facto oublier que nous dépendons tous de ce qu’accepte encore de supporter notre planète, et surtout que celle-ci arrive à ses limites.

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