Le Guide - Législatives 2024

La fête du travail dépouillée de couleurs : La perte du pouvoir… d’achat au cœur des préoccupations des salariés

La célébration de la Fête du Travail revêt cette année une importance particulière pour les syndicalistes. N’ayant en effet pu tenir de rassemblements publics ces deux dernières années en raison du confinement sanitaire, ils choisissent cette fois de réunir leurs membres dans leurs centres respectifs. Même si ces célébrations seront encore dépouillées de couleurs. Mais, c’est la perte du pouvoir… d’achat, qui brille parmi les préoccupations majeures de la population en la conjoncture.

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Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils se rencontrent, disent-ils, à travers des rencontres restreintes et sur les réseaux sociaux. Cela, alors qu’ils assistent à une baisse vertigineuse de leur pouvoir face à la hausse continue des prix de divers produits. Face à la hausse des prix du gaz ménager, du carburant, et le spectre d’une éventuelle majoration des tarifs d’électricité, le gouvernement est attendu au tournant avec des mesures urgentes pour alléger le fardeau des travailleurs. Si le gouvernement ne réagit pas, « tanpo-la pou eksploze ankor », prévient Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ. Le président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), Narendranath Gopee, trouve que la fête du 1er mai est synonyme de deuil national cette année.

Quatre formations syndicales et sociales, en l’occurrence la General Workers Federation, l’All Employees Confederation, le Joint Negociating Panel of Cane Sector Unions, Rezistans ek Alternativ et Center for Alternative Research and Studies, ont choisi de donner rendez-vous à leurs membres à l’Emmanuel Anquetil, à Sable-Noir, pour une journée de réflexion. Le thème choisi pour ce rendez-vous est le Valer Lavi Ek Trayayer. Les principaux dirigeants de ce front commun, Rashid Imrith, Lall Deonath, Ashok Subron et Devanand Ramjuttun, animeront cette journée.

Devanand Ramjuttun met l’accent sur le fait que la célébration de la Fête du Travail est très particulière cette année, car elle est célébrée dans un contexte économique difficile avec les travailleurs du pays subissant les affres de la crise financière. Et en sus de cela, la classe des travailleurs fait face à boukou dominer. Les prix des produits continuent de flamber sans aucun système de contrôle des prix.

« Après beaucoup de réflexions, le front commun a choisi le thème Valer Lavi Ek Travayer. Nous avons choisi ce thème, car de plus en plus les travailleurs sont en train de perdre leur valeur, leur dignité. En sus de cela, ils subissent toute sorte d’humiliations face à un gouvernement qui a choisi de se ranger dans le camp des gros capitalistes et qui n’a pas de sentiment pour la population », affirme le syndicaliste.

Il souligne que le chômage continue d’augmenter dans le pays, qu’il n’y a pas de création d’emplois et qu’il y a des secteurs qui, malgré des restrictions, continuent de licencier des employés  de façon arbitraire, et cela, malgré le fait que ces entreprises ont bénéficié de l’aide financière du gouvernement. Le choix de l’Emmanuel Anquetil Centre a été fait, « car ce nom est historique ». Ce sera l’occasion pour la classe laborieuse de réfléchir sur la lutte menée par les grands tribuns et les anciens syndicalistes pour que les travailleurs aient leurs droits dans ce pays. « La Fête du travail a pendant longtemps été accaparée par les politiciens. Le Covid-19 a eu le mérite de mettre fin à cette manœuvre politique », dit-il.

Le mouvement syndical ne peut rester insensible à cette fête, car c’est la fête des travailleurs, malgré les restrictions sanitaires, « Que constatons-nous aujourd’hui ? Les lois du travail ont été amendées pour protéger le gros capital au détriment des travailleurs. La célébration de cette fête, cette année, doit être mémorable et historique. Notre seule démarche est de continuer à lutter pour protéger les ti-dimounn dans ce pays, car le gouvernement n’a pas de sentiment envers la classe des travailleurs», a-t-il dit.


Le MTUC: un salaire minimum de Rs 15 000

Le Mauritius Trade Union Congress (MTUC) déposera une gerbe de fleurs sur la tombe d’Anjalay Coopen, à Cottage, à l’occasion de la Fête du Travail. Pour le président de cette confédération, Dewan Quedou, Maurice est considérée comme le pays le plus prospère d’Afrique et se classe également honorablement dans le classement mondial. « C’est aussi un pays qui est favorisé à des fins commerciales par les investisseurs. L’état de nos infrastructures publiques, associé à la stabilité politique, attire des hommes d’affaires du monde entier », dit-il.

Mais depuis deux ans, le Covid-19 et ses variants ont fait des ravages dans les économies de tous les pays, y compris Maurice. « Très malheureusement, les conditions météorologiques, suivies de fortes pluies et d’inondations, ont grandement affecté nos cultures, ce qui a entraîné une multiplication par trois du prix des légumes et d’autres produits de base », fait ressortir le MTUC.

Troisièmement, la guerre entre l’Ukraine et la Russie a porté un coup terrible aux transactions commerciales internationales. Car ces deux pays produisent de nombreux produits essentiels qui sont exportés vers l’UE et d’autres pays voisins.

Aujourd’hui, ces trois facteurs ont sapé les conditions de vie à Maurice. Alors que de nombreux travailleurs souffrent encore de licenciements ou de chômage, la forte augmentation du coût de la vie a encore accentué le niveau de pauvreté à Maurice.

« Ce gouvernement prétend avoir introduit quelques mesures intéressantes pour les travailleurs comme une révision du salaire minimum national, une augmentation de la pension de base à Rs 9 000, une aide financière aux travailleurs ainsi qu’aux entreprises ayant eu du mal à joindre les deux bouts, le maintien des subventions sur les produits essentiels, les milliards de roupies dépensées pour fournir les meilleurs soins de santé et traitements contre le coronavirus, par le biais de campagnes de vaccination massives », note cette instance syndicale.

« Malheureusement, la thésaurisation de produits consommables par des commerçants malhonnêtes, la pénurie de légumes et d’autres produits sur le marché et une nouvelle hausse du prix des matériaux de construction, du gaz, de l’essence et des médicaments ont commencé à créer des troubles civils parmi les plus pauvres de la communauté mauricienne », déplore-t-il.

Alors que les élections générales ne sont prévues qu’en 2024, le gouvernement pourrait bien apporter un peu d’air frais, en augmentant la pension de base d’au moins Rs 2 000, en attendant la promesse faite de porter la BRP des personnes âgées à Rs 13 500 dans deux ans, dira le MTUC.

« On m’a fait comprendre que la National Wage Consultative Council travaille déjà à un examen du salaire minimum. Le MTUC propose donc une nouvelle augmentation du salaire minimum de Rs 3 000, jusqu’à ce que des ajustements soient effectués par le NWCC. Cependant, certaines questions vitales doivent être abordées. La lutte contre le profit et l’évasion fiscale – de nombreux citoyens ne paient pas d’impôts bien que leurs entreprises soient non déclarées – fonctionnent bien en parallèle », fait ressortir Dewan Quedou.

Il demande aussi que tous les avoirs provenant de transactions illicites soient saisis. « Aucune intervention politique ne devrait être autorisée au niveau de l’ICAC, et son chef devrait être nommé par le président de la République, avec l’assentiment du Premier ministre et du chef de l’opposition. Tous les gaspillages dans les organes para-étatiques devraient être freinés d’urgence et des mesures disciplinaires devraient être prises à l’encontre de tout conseil qui n’applique pas la bonne gouvernance dans son organisation », propose-t-il.

Les corps para-étatiques encore endettés envers le gouvernement devraient bénéficier, selon le MTUC, d’un moratoire de trois à quatre ans pour apurer leurs arriérés, sinon l’organisation pourrait bien être placée dans le cadre d’un partenariat public-privé. Afin de faire face à la hausse continue des prix, il suggère que le gouvernement renforce le personnel d’inspectorat pour un meilleur contrôle dans le circuit commercial.

Le MTUC estime qu’un salaire minimum de Rs 15 000 par mois sera désormais nécessaire pour qu’un travailleur puisse mener une vie normale. Alors qu’une famille de deux adultes et deux enfants devraient toucher en moyenne Rs 35 000. « Les plantations sucrières ont, elles aussi, un rôle à jouer dans la réduction de la pauvreté. Le gouvernement doit les encourager à faire des cultures interlignes et aider à réduire notre dépendance à l’égard de certaines cultures importées de l’étranger », préconise-t-il.

La SOEF prône le dialogue social

« À la lumière de la situation grave dans laquelle nous nous trouvons à la suite de l’impact de la pandémie de Covid-19, suivi de la guerre en Ukraine, il est plus que nécessaire que les partenaires sociaux aussi bien que la société civile soient impliqués dans la prise de décision. » C’est ce que soutient Radhakrishna Sadien, président de la State and Other Employees Federation (SOEF). D’ailleurs, dit-il, le Bureau international du Travail a souligné qu’à travers le dialogue social, on pourrait avoir un développement durable.

Avant toute chose, selon Radhakrishna Sadien, il faut commencer par étoffer la Consumer Affairs Unit du ministère du Commerce afin d’effectuer des visites surprises sur le terrain et de prendre en contravention des commerçants malhonnêtes. Le gouvernement devrait aussi instaurer un système de contrôle des prix sur la nourriture ainsi que sur la qualité des produits mis sur le marché,

« On demande que le comité tripartite soit convoqué d’urgence afin de compenser les travailleurs pour la perte du pouvoir d’achat. Le National Tripartite Council doit être constitué afin qu’il commence à fonctionner rapidement. Le principe de la négociation collective doit être introduit dans la fonction publique sur les conditions de travail », fait-il ressortir. La justice sociale doit prévaloir à tous les niveaux afin de promouvoir la paix sociale.

« Il faut aussi mettre un terme à la discrimination, à la violence, au népotisme, à la drogue, l’indiscipline dans nos écoles, cesser le gaspillage des fonds publics, revaloriser le travail manuel, redonner au Parlement ses lettres de noblesse, introduire le Public Service Bill, rendre la Public Service Commission plus transparente et inviter les jeunes et les femmes à s’intéresser davantage au syndicalisme », soutient Radhakrishna Sadien.

Vingt revendications de la CTSP 

La Confederation des Travailleurs des Secteurs Public et Privé (CTSP) identifie 20 revendications à l’occasion de la fête du travail. Celles-ci sont :
inviter les femmes à se joindre davantage au secteur de la construction ;
réviser à la hausse le montant du salaire minimum ;
augmenter le plafond de la Negative Income Tax à Rs 25 000 ;
introduire les Refuse Collector Regulations pour protéger les femmes ;
cesser la surveillance électronique sur les lieux du travail ;
amender la loi pour rendre obligatoire la nécessité de remettre aux travailleurs une copie du Risk Assessment au travail ;
mettre sur pied une One Stop Shop pour résoudre les problèmes des travailleurs étrangers ;
imposer un délai aux institutions tombant sous la tutelle du ministère du Travail pour régler un litige ; (9) redéfinir le salaire minimum pour qu’il soit appliqué dans des secteurs qui ne sont pas couverts par les Remuneration Orders;
mettre en place un mécanisme pour que les travailleurs puissent vérifier si le patron d’une entreprise est en train de contribuer au PRGF à son nom.
Les autres sont : le patron des entreprises doit contribuer au PRGF pour les travailleurs étrangers ; introduire un RO pour le secteur des Special Education Needs ;
mettre sur pied le National Tripartite Forum ;
non à l’embauche des gens de maisons étrangers à Maurice,
infliger une amende aux entreprises qui ne recrutent pas des handicapés ;
encourager les entreprises du secteur de la construction à donner des cours ;
protéger les femmes contre la violence ;
mettre en place un code de conduite pour les nominés politiques et
introduire un Fast Track pour régler les litiges industriels en cour.


Narendranath Gopee : « La fête du Travail est synonyme de deuil national cette année »

Pour le président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), Narendranath Gopee, la fête du Travail aurait dû être l’occasion pour célébrer l’effort de la classe laborieuse au progrès du pays. Avec le peu d’importance accordée par les autorités pour la défense des travailleurs, l’impact du Covid-19 et les conséquences de la guerre en Ukraine, les amendements aux lois du travail pour permettre le licenciement des travailleurs dans certains secteurs, la hausse continue du coût de la vie, la célébration de la fête du travail est synonyme de deuil national cette année,.

« Nous célébrons la fête du Travail à un moment où le pays est hyperendetté et où il n’y a pas de sécurité alimentaire. La classe moyenne devient de plus en plus pauvre et endettée, les gens perdent leur travail parce qu’ils ne sont pas vaccinés contre le Covid-19, les rassemblements sont restreints, le prix de la nourriture monte en flèche, les prix du carburant et du gaz ménager ont augmenté et on menace d’augmenter les tarifs d’électricité », dit-il.

Pour lui, le gouvernement doit cesser de faire la sourde d’oreille et les derniers agissements dans les rues sont en fait un cri de cœur dont la profondeur ne devrait pas se limiter à des analyses simplistes.

Deepak Benydin : « 75% de la main-d’œuvre touchent moins de Rs 25 000 »

Pour le président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions (FPBOU), Deepak Benydin, les informations qui lui parviennent de ses membres font état d’une situation catastrophique dans les ménages en raison de la hausse du coût de la vie.

« Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a confirmé lui-même que 75% de la population touchent moins de Rs 25 000. C’est cette catégorie de gens qui souffrent le plus en ce moment. Il y a donc urgence de réviser à la hausse le salaire minimum à Rs 13 500 et d’accorder aux pensionnés une allocation de Rs 1 000 pour les compenser pour les deux dernières années au cours desquelles ils n’ont pas eu droit aux compensations salariales annuelles », dira Deepak Benydin.

Et ce dernier poursuit : « le Premier ministre, Pravind Jugnauth, parle de la nécessité d’entretenir un dialogue social avec la population, mais dans le fond il n’y a rien de concret car les syndicats sont toujours à la recherche de rencontres avec différents ministères mais ceux-ci continuent à faire la sourdre d’oreille. Il y a urgence de mettre sur pied un National Tripartite Forum. »

Le syndicaliste est d’avis que le gouvernement devrait cette fois-ci inviter la Banque de Maurice à venir en aide aux salariés qui ont besoin d’une compensation salariale immédiate actuellement.

Quinze propositions du MLC pour alléger le fardeau des travailleurs

Dans le cadre de la célébration de la Fête du Travail, le Mauritius Labour Congress (MLC) a décidé d’élaborer 15 propositions au gouvernement afin d’alléger le fardeau des travailleurs face à la hausse continue du coût de la vie.

Le MLC propose ainsi l’octroi d’une compensation salariale intérimaire pour la classe moyenne, de revoir le quantum du salaire minimum, d’introduire un mécanisme de contrôle des prix, de retirer la TVA sur la nourriture et sur les services essentiels temporairement, de retirer la taxe sur le carburant, de réduire la licence de télévision de Rs 150 à Rs 50, d’offrir Internet gratuitement aux élèves, d’accorder un subside pour ceux économiquement faible, d’encourager les importateurs et producteurs à vendre leurs produits directement aux consommateurs.

Aussi, le MLC invite le gouvernement à investir dans la culture des légumes et à accorder des facilités pour que les gens puissent faire l’élevage des animaux. Il demeure un fait, soutient Haniff Peerun, président du MLC, que Landscope (Mauritius) Ltd a cessé de se lancer dans la production de la canne. Il y a des terres fertiles qui peuvent être utilisées pour les légumes et permettre au pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, dit-il.
Le MLC demande également au gouvernement d’éliminer le paiement des impôts sur la pension contributive des personnes âgées, de revoir le mode de calcul de l’impôt pour ceux touchant jusqu’à Rs 75 000 mensuellement, de suspendre toutes les Entertainment Allowances pour les hauts cadres du gouvernement, d’éliminer le gaspillage des fonds publics dans les ministères, départements et dans les corps para-étatiques, de réduire les voyages ministériels, de mettre fin aux missions à l’étranger et de revoir le protocole sanitaire afin de diminuer le stress sur la population.

Origine de la fête du Travail à Maurice

Le combat pour améliorer le sort des travailleurs avait démarré dans les années 40 en vue d’améliorer le sort des travailleurs de l’industrie sucrière. Une grève avait été organisée le 13 septembre 1943 sur la plantation sucrière de Belle-Vue Harel. Suivie d’un rassemblement des travailleurs autour d’une cérémonie religieuse sur la propriété. La situation devait vite se dégénérer et la police devait être mandée sur les lieux.

Des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants armés de bâtons et de pierres ne voulaient pas se disperser et ils lançaient des projectiles sur les policiers qui ont répliqué avec des tirs. Dans le feu de l’action, trois personnes ont été tuées sur le coup. Il s’agit d’Anjalay Coopen, âgée de 32 ans et enceinte, Kistnasamy Mooneesamy et Moonsamy Moonien. Neuf jours plus tard, un autre laboureur quittait ce bas monde à l’hôpital.

Lors de la traditionnelle manifestation du travail du 5 mai 1946, un manifeste a été présenté pour réclamer la proclamation du 1er mai comme jour férié. Le président du Parti travailliste, Guy Rozemont, qui avait été élu au Conseil législatif en 1949, devait proposer une motion au conseil pour que « that 1st of May be declared a public holiday ». La motion stipule que « to allow the workers of this Colony a day’s rest to celebrate Labour ideals. »
Il avait obtenu le soutien des parlementaires pro-travailleurs, notamment Raymond Rault, Sookdeo Bissoondoyal et le Dr Seewoosagur Ramgoolam. Deux autres élus, le Dr Arthur de Chazal et André Nairac, s’étaient opposés à la motion. Mais celle-ci a finalement été votée après un amendement proposé par Renganaden Seeneevassen. Le gouverneur sir Hilary Blood devait décréter alors le 1er mai 1950 jour férié.

La première fête du Travail a été célébrée en 1950 avec ferveur. Après un hommage à feu Emmanuel Anquetil à Saint-Jean, un meeting public a eu lieu au Champ-de-Mars devant une foule d’environ 15 000 personnes.

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