Ils n’ont jamais autant fait parler d’eux que depuis la pandémie de Covid-19: tour d’horizon du secteur des vaccins, alors que débute la semaine mondiale de la vaccination.
– Pour quoi, pour qui?
Il existe désormais des vaccins pour plus de 20 maladies potentiellement mortelles et la vaccination permet d’éviter 2 à 3 millions de décès par an, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Jusqu’au Covid-19, la vaccination concernait le plus souvent des catégories précises: les enfants (polio…) mais aussi les plus âgés ou les personnes immunodéprimées, avec par exemple le vaccin contre la grippe. La production annuelle, pré-épidémie, était de 5 milliards de doses… Auxquelles se sont ajoutées au moins 11 milliards de doses de vaccin Covid produites en 2021.
Si, pour le coronavirus, un sérum a été rapidement trouvé, ce n’est toujours pas le cas pour nombre de maladies infectieuses, comme le VIH. En outre, l’inégalité vaccinale, mise en évidence avec la pandémie, concerne d’autres virus ou bactéries pathogènes. Selon l’Inserm, 140.000 décès liés à la rougeole ont ainsi été enregistrés dans le monde en 2018, surtout chez des enfants de pays à faibles revenus.
– Des technologies variées
Depuis la découverte du premier vaccin anti-variole par le médecin britannique Edward Jenner, au 18e siècle, la panoplie de sérums s’est considérablement étendue.
Les plus traditionnels sont les vaccins utilisant la technologie du virus inactivé: le virus est tué mais conserve sa capacité à induire la création d’anticorps (vaccin grippe). La technologie du virus dit atténué est proche: l’agent infectieux est affaibli via divers processus chimiques (vaccin ROR: rougeole, oreillons, rubéole, etc).
S’y sont ajoutées plus récemment d’autres technologies comme les vaccins sous-unitaires, ou encore les vaccins à vecteur viral: ces derniers utilisent un adénovirus comme « vecteur » pour présenter au système immunitaire un fragment du virus contre lequel on veut que l’organisme produise des anticorps (vaccin contre Ebola).
Derniers arrivés, les vaccins à ARN messager, jamais commercialisés avant 2020. Avec ce sérum, les cellules du corps humain vont être amenées à fabriquer, à partir de fragments d’ARN messager injectés, un morceau de virus Sars-Cov2 contre lequel elles vont ainsi s’entraîner à se défendre.
– De nouveaux acteurs
Traditionnellement, le monde des vaccins était restreint à quelques grands laboratoires car les investissements nécessaires au développement d’un nouveau sérum sont très importants.
« C’était la chasse gardée de quelques happy few. L’ARN messager redistribue les cartes », juge Loïc Plantevin, expert santé du cabinet de conseil Bain & Company.
Quatre mastodontes concentraient pré-pandémie 90% du marché en valeur: les américains Pfizer et Merck, le britannique GSK et le français Sanofi. Mais aucun, sauf Pfizer – uniquement via un partenariat avec la biotech allemande BioNTech -, n’a réussi à s’imposer dans la course contre le Covid.
La pandémie de Covid-19 a révolutionné ce secteur fermé avec l’émergence de biotechs comme BioNTech et l’américaine Moderna, à l’origine des premiers vaccins à ARN.
Sans oublier les nouvelles régions productrices. Face à l’inégalité d’accès aux doses, l’OMS a lancé un programme visant à implanter des sites de vaccins ARN dans six pays d’Afrique dès 2024.
D’autres initiatives sont mises en place, par exemple une collaboration entre Drew Weissman, l’un des développeurs de la technologie de l’ARN messager, et la Thaïlande, pour donner accès à des vaccins aux populations des pays à bas revenus.
Des actions importantes pour la souveraineté sanitaire mais envisageables seulement pour la technique de l’ARN messager, estime Loïc Plantevin, pour qui « les technologies traditionnelles restent, elles, compliquées à déployer et à délocaliser ».
– Quelles pistes pour l’avenir?
Avec le Covid, des milliards de dollars ont irrigué le secteur des maladies infectieuses, souvent moins porteur pour les gros laboratoires que des aires thérapeutiques comme l’oncologie.
Depuis, les initiatives se multiplient. Moderna veut notamment faire progresser le développement de vaccins ciblant la dengue, Ebola ou le paludisme. Sanofi, qui a enregistré un revers face au Covid, a également lancé des investissements massifs dans les vaccins à ARN.
L’ARN messager sera-t-il pour autant la réponse à toutes les maladies infectieuses? Verra-t-on bientôt un vaccin contre le VIH?
« La technologie de l’ARN a encore besoin de temps, avec des améliorations » à apporter, prévient Loïc Plantevin. Notamment pour la conservation, point faible de cette technologie.
Toutefois, « la pandémie a mis un coup d’accélérateur et rappelé la nécessité de continuer l’innovation dans les vaccins », ajoute le spécialiste.
Le prix Nobel de médecine et virologue Charles Rice le disait à l’AFP fin 2020: la crise du Covid a dans tous les cas « vraiment changé la façon dont on fait de la science, pour en faire un effort commun plutôt que de travailler dans différents laboratoires, isolés, comme on le faisait il y a des années ».