Un trou de la taille d’une dragée est visible sur son menton. Sur son lit d’hôpital, en la salle E5 du Princess Margaret Orthopaedic Centre (PMOC), Jean-François Gowin, peine à bouger et ne peut prononcer le moindre mot. Son visage trahit la gravité de sa blessure. Une minerve a été placée autour de son cou afin de restreindre ses mouvements. Pour cause, la balle qui lui a perforé le menton n’a, jusqu’à hier après-midi, pu être extraite. « Oui, c’est bien une balle qu’il y a dans sa gorge », confient deux infirmiers souhaitant garder l’anonymat.
Le maçon de 28 ans, habitant Cité-Barkly et père d’une fille, a été blessé par balle dans la soirée de vendredi lors des heurts dans la région. « C’est pendant qu’il venait me chercher qu’il a reçu une balle », raconte sa belle-soeur Pascaline.
Résidant en face du poste de police de la localité, elle a été témoin des affrontements entre les membres des forces de l’ordre et des habitants descendus dans la rue pour protester contre la flambée des prix et l’arrestation de Darren L’Activiste. En vue de disperser la foule, des éléments de la SMF ont fait usage de gaz lacrymogène. Des bombes de gaz lacrymogène devaient atterrir dans l’arrière-cour de Pascaline. Des émanations de gaz irritant se sont alors répandues à l’intérieur de sa maison de deux-pièces, où vivent ses trois enfants, âgés de deux, quatre et neuf ans.
« Gaz ti pe rant andan e ti pe toufe. Mo bann zanfan inn larg lekor, pe toufe. Zot pa ti pe kapav », raconte-telle. Elle a alors téléphoné à son beau-frère « pou vinn pran nou » et les emmener à son domicile, loin du lieu des affrontements.
Jean-François Gowin se trouvait alors à une fête. Face à l’urgence de la situation, il s’est mis à courir en pleine rue, racontent ses proches. Des membres de la Special Supporting Unitet de la Special Mobile Force avaient entre-temps été appelés en renfort. Dans des vidéos circulant, des officiers sont aperçus dans la localité, armes à feu à la main, braquant certaines maisons. « Je suis moi-même sortie dans la rue pour leur dire d’arrêter de lancer du gaz lacrymogène dans ma cour. L’un d’eux a pointé son fusil en ma direction et m’a menacée », allègue Pascaline. Cette dernière montre un amas de feuilles où elle a jeté les bombes de gaz lacrymogène. « Tout cela se trouvait dans ma cour », faitelle comprendre.
Il est environ 1h du matin quand Jean-François Gowin tombe à terre dans une rue non loin du poste de police de Barkly. Des vidéos mises en ligne montrent des manifestants battant en retraite avant qu’une explosion ne se fasse entendre. Un homme restera à terre, alors que des voix soutiendront que « li’nn gagn kout bal. »
« C’est nous qui l’avons emmené à l’hôpital dans la soirée même », raconte une des proches du jeune homme, pendant que celui-ci se rend en salle d’opération sur une chaise roulante. Un appareil devait être placé au niveau de sa gorge afin de l’aider à respirer. Diffi cile pour les médecins d’extraire l’objet, celui-ci s’étant logé dans une partie sensible de la nuque. « Lindi ki pou kapav fer enn zafer mo panse », soutient son frère Jean-Paul, profondément perturbé par cet incident.