« Comment fait-on pour vivre ? » lâche impuissante, Cheryanne, habitante de Barkly. Devant les prix qui n’ont pas fini de prendre d’augmenter, cette mère de deux enfants avoue ne plus avoir les moyens de faire la fête. « Je n’ai pu fêter Pâques comme il se doit. Manze-la mem ser, pa kapav fete. Monn bizin al kot fami. » Natacha, elle, mère de quatre enfants venant de se séparer de son mari violent, s’appuie sur son père et sa belle-mère pour survivre.
À seulement 28 ans, Cheryanne a une vision sombre de l’avenir. La jeune mère travaille comme femme de ménage. Son maigre salaire de Rs 3 000 à peine et la pension de Rs 2 700 qu’elle reçoit pour son fils depuis le décès du père de ce dernier ne suffisent pas pour vivre dignement. Elle est bien placée pour savoir à quel point le coût de la vie a augmenté. Elle fait ses courses au supermarché ou à la boutique. « Un gros sachet de sucre autrefois coûtait Rs 75. Maintenant, c’est à Rs 100. Tous les prix des produits pour la cuisine ont augmenté. Certaines boîtes de conserve à Rs 30 sont passées à Rs 40, voire Rs 50, dans certains commerces. Une petite boîte de Ricoffee est maintenant à Rs 80 ! » égrène-t-elle comme autant d’exemples.
Et, c’est bien au niveau alimentaire, l’essence même pour une famille, « que nous avons du mal ». Mais outre les aliments, il y a aussi d’autres dépenses : elle doit chaque mois s’acquitter des frais du van scolaire pour son fils. « Jusqu’à février, je payais Rs 800. Maintenant, je dois payer Rs 1 000. Là, avec la nouvelle hausse de l’essence, cela va peut-être encore augmenter ! » s’inquiète la mère.
« Kot mo marse lor semin, tou dimounn pe dir lavi inn vinn byen ser. Une bonbonne de gaz est maintenant à Rs 240 contre Rs 180 ! Comment fait-on pour vivre ? » se demande-t-elle, incertaine. Elle enchaîne :
« Autrefois, vous aviez Rs 1 000 sur vous et vous pouviez avoir des couches, du lait et plusieurs autres produits. Aujourd’hui, avec Rs 1 000, vous avez à peine ce dont vous avez besoin. »
Si pour Pâques l’an dernier, Cheryanne avait pu se débrouiller pour concocter un « petit gâteau » pour sa famille, cette année, tel n’a pas été le cas. « Monn bizin al kot fami pou fete. Manze lamem ser, pa kapav fete. » Elle fait ainsi voir qu’une boisson gazeuse de 2L est maintenant à Rs 75 ou Rs 80, selon l’endroit où on l’achète, ce qui n’est plus accessible à toutes les bourses. Elle se dit épuisée : « Mo travay, mo pa gagn bel saler. Me tou pe monte enou lapey pe res parey. Si mo pa travay, mo pa zwenn le de bout. »
Les contraintes, c’est quand, par exemple, dit-elle, l’école organise des sorties pour les enfants et qu’il lui faut contribuer. « Il y a aussi la PTA à laquelle cotiser. Avec le van scolaire à Rs 1 000, on ne s’en sort pas. » Elle lance un appel aux autorités : « Manze inportan dan lavi enn dimounn. Si gouvernma ti kav bess pri kote manze parski ena dimounn pli mizer ankor. Pri pann monte par Rs 5, 10, me byen plis ki sa. »
Natasha, elle, doit élever seule quatre enfants de cinq à quinze ans. Cette habitante de Camp Chapelon n’est pas en mesure de travailler car devant déposer et récupérer ses enfants de l’école. « C’est vraiment difficile », confie-t-elle. Avec une aide de Rs 1 100 sous le Social Register of Mauritius, elle doit s’appuyer sur son père qui lui achète ses produits alimentaires. L’association M-Kids aussi vient en aide à ses enfants au niveau alimentaire. La cascade d’augmentations des prix la décourage, notamment du fait que ces augmentations n’en finissent pas.
D’apparence forte, Natasha laisse échapper un sanglot que sa force de caractère vient aussitôt faire disparaître. Et elle nous raconte qu’elle est contrainte de quitter le toit conjugal suite à un problème de violence domestique. Elle ira bientôt louer une maison avec l’aide de son père une fois de plus jusqu’à ce qu’elle puisse se débrouiller d’elle-même. Le van scolaire pour son dernier enfant, c’est sa belle-mère qui s’en charge alors qu’elle ne reçoit aucune aide du père de ses enfants. Elle dit souhaiter que les autorités aident davantage les personnes dans sa situation jusqu’à ce qu’elles puissent « se tenir debout sur leurs propres pieds ».