Une communauté de citoyens
On est en plein mois du Ramadan… le mois du Coran, de l’introspection, de la fraternité, de l’ouverture et de la solidarité. Ce mois que nous accueillons ces jours-ci est l’occasion d’un intense témoignage que malheureusement nous négligeons trop souvent. À l’heure où les pays riches se perdent dans la consommation aveugle et que deux tiers de la planète subissent les assauts de la faim et de la pauvreté, à l’heure où l’individualisme est devenu une seconde nature dont nous habille la société technicienne, à l’heure où les flux et les reflux de milliards de dollars sur les marchés répandent le désordre et les doutes… à cette heure donc, une communauté entière se lève et exprime par le jeûne son lien indissoluble avec le Créateur, avec l’amour, avec la générosité pour la justice sociale et la dignité.
On devrait voir se manifester cette présence chaleureuse des musulmans et ce, à plus forte raison pendant le mois du Ramadan parce qu’il est le mois de l’amour, du recueillement, du don et du partage. Être présents, être solidaires, participer, s’engager… tel est le vrai discours, le vrai témoignage, la véritable identité des musulmans. Chaque musulman doit être un citoyen engagé. Prendre conscience que la société n’est pas simplement une communauté religieuse, que c’est une communauté de citoyens.
Réapprendre à aimer
Cette réflexion nous emmène à comprendre que la solidarité islamique nous montre combien nous sommes souvent très loin des simples exigences d’une pratique profonde. Nous respectons les formes et de moins en moins le fond. Reste qu’un jour, dans une vie au-delà de cette vie, nos voisins, nos pauvres, nos marginalisés, nos chômeurs, nos femmes abandonnées et seules, nos toxicomanes, nos délinquants poseront à Dieu, l’unique question qui compte : « Au nom de quelle foi avons-nous été si plein d’émotions passives pour les oppressés de la planète et si vide d’intelligence et d’attention respectueuse et active pour eux, qui vivaient à nos côtés, et que nous ne voyions pas ? » C’est en effet la seule question qui compte quand on se souvient que le Prophète de l’Islam (paix soit sur lui) ne cessait de demander à Dieu de lui offrir « la richesse du cœur » et « l’amour des pauvres ». Il faut commencer par là : réapprendre à aimer, réapprendre à aimer les démunis. Alors chacun réalisera que cet amour et le juste traitement que les pauvres méritent sont très exigeants et pas si faciles… lorsque ceux-ci vivent au seuil de nos portes. Cet amour et ce respect ne sont-ils pas le combat ‘Jihad’ permanent du cœur, de l’esprit et de l’âme du musulman contemporain ?
Transmettre les valeurs
Par ce mois sacré du Ramadan, on constate la détresse dans laquelle vivent beaucoup de familles mauriciennes. Les parents ont des difficultés à transmettre à leurs enfants les valeurs, et l’écart se creuse davantage entre eux. Ces jeunes en quête d’authenticité et qui sont aspirés vers l’irrésistible attrait d’une nouvelle culture mondialisée, les conduits à adopter un style de vie et de loisir étranger aux valeurs des siens.
Beaucoup parmi nous ont du mal à comprendre le sens des récits divins et restent souvent étrangers aux valeurs que leur tradition religieuse cherche à promouvoir. Or, aujourd’hui à Maurice, plusieurs signes indiquent que beaucoup de valeurs traditionnellement admises ne sont plus respectées dans les familles, à l’école, dans le commerce, les affaires, l’administration, dans les rues de nos villes, aussi bien que dans nos villages. Les Mauriciens de toutes religions s’inquiètent parce qu’ils se rendent bien compte que l’harmonie d’une société se fonde sur un engagement commun à vivre des valeurs fondamentales communes – la solidarité sociale.
La Zakaat
D’ailleurs, dès que votre richesse dépasse le Nissab, il est question de la Zakaat, l’aumône obligatoire versée annuellement en vertu des règles de solidarité de l’Islam; la majorité des musulmans choisit le mois du Ramadan pour s’acquitter de 2,5% du montant total de ses avoirs tous les ans.
La Zakaat prend de l’importance en tant qu’instrument de transfert de la richesse excédentaire des riches vers les couches les plus pauvres parmi les musulmans. Par le paiement de la Zakaat, la richesse circule au sein de la communauté. Cette institution a non seulement une influence nivelante, mais elle œuvre également à l’élévation de la communauté dans son ensemble.
La Zakaat, troisième pilier important de l’Islam, est placée juste après la prière dans l’ordre du mérite. Le système de Zakaat qui est exploité par l’Islam garantit que chacun a une part dans la richesse commune de la société. Les bénéficiaires qui reçoivent leurs parts des fonds ainsi collectés devraient être les groupes vulnérables qui ne manqueront pas de souffrir le plus en période de difficultés. L’histoire de l’Islam, d’autre part, nous donne des exemples de l’éradication complète de la pauvreté.
La Solidarité islamique
La solution islamique de ce phénomène réside dans la solidarité et d’une approche positive de la reconstitution du tissu social, mettant en évidence les initiatives des communautés qui ont su créer ou adopter des méthodes efficaces et des démarches innovantes pour lutter contre la pauvreté et les fléaux. C’est dans ce but précis que des organisations bénévoles islamiques à travers l’île, avec des capacités d’initiative permettant d’améliorer les conditions de vie et de mettre en place des activités génératrices de revenus ont vu le jour afin de lutter contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale.
Le mois de Ramadan est chez les musulmans un exemple de solidarité où les musulmans donnent généreusement aux pauvres et nécessiteux. Beaucoup font ce travail dans l’anonymat, et avec patience et conviction. Ils n’attendent rien d’eux sauf d’avoir la satisfaction du Créateur, Lui-même.
La solidarité islamique a toujours pour objectif de dresser les piliers solides d’un développement durable entre les sœurs et frères citoyens d’une île que l’on voudrait être modèle. En conséquence, elle intervient dans les régions dites défavorisées, en distribuant nourriture et autres nécessités de base. De la sorte, elle participe à la reconstruction nationale, car seule la réhabilitation de bonnes conditions de vie permet aux populations éprouvées de reprendre une vie normale.
Ouverture vers les autres
Outre de combattre la pauvreté et de réduire les inégalités entre les citoyens, la solidarité islamique encourage aussi l’idée de dialogue entre les différentes religions, appelant à défendre l’Islam et son image par la tolérance, le partage et la compréhension mutuelle.
À Médine lorsque le Prophète entra pour la première fois il demanda à ses compagnons : « Distribuez de la nourriture et répandez la paix ». Il donna l’exemple de bon voisinage avec les gens de toutes les communautés et envoya même de la nourriture aux Mecquois lors de la famine.
Le Saint Coran dit : « Entraidez-vous dans l’accomplissement de bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression. »