L’Afrique du Sud a été en proie à une semaine d’intempéries qui ont fait 443 morts dans des inondations et entrainé de vastes destructions dans la région de Durban, dans le KwaZulu-Natal, sur la côte est.
Quels sont les facteurs qui ont mené ce pays généralement épargné par les tempêtes cycloniques qui touchent régulièrement ses voisins comme le Mozambique ou Madagascar à une catastrophe naturelle sans précédent ?
– Quel rôle du changement climatique ?
Contrairement aux cyclones qui s’abattent régulièrement sur la région, cette tempête n’était pas tropicale, selon les météorologues.
Le pays a été frappé pas de fortes pluies et une vague de froid, un système dépressionnaire appelé « cut-off low » qui peut provoquer de fortes pluies, de la grêle, des vents forts ou encore de fortes chutes de neige.
« Ce phénomène est fréquent en automne et au printemps et sa force varie », explique Puseletso Mofokeng, de l’Institut national de météorologie sud-africain. Une dépression froide similaire en avril 2019 avait tué 85 personnes dans les provinces du KwaZulu-Natal et de l’Eastern Cape.
Si le phénomène est connu, l’intensité cette fois a été exceptionnelle. Et là, les experts pointent le réchauffement climatique.
« Durban a été touchée pas trois inondations graves en moins de dix ans. Cela a-t-il un rapport avec le changement climatique ? Sans aucun doute », estime Mary Galvin, professeur d’études du développement à l’université de Johannesburg. L’experte met en garde contre « des événements météorologiques imprévisibles, plus fréquents et sévères ».
Selon un récent rapport des Nations unies, des inondations exceptionnelles qui se produisaient jusqu’ici une fois tous les cent ans pourraient survenir plusieurs fois chaque année d’ici 2050.
– Une région propice aux inondations ?
Ouverte sur l’océan Indien et bordée de collines avec des gorges et des ravins, Durban est géographiquement propice aux inondations, explique Hope Magidimisha-Chipungu, urbaniste de l’université du KwaZulu-Natal.
Et si le sol n’est pas « stable dans les zones vallonnées, il est évident qu’il y a des glissements de terrain », ajoute-t-elle.
Selon certains, le système de drainage des eaux pluviales ne fonctionne par ailleurs pas bien faute d’entretien, ce qui a été contesté par les autorités de la ville vieille de 187 ans.
D’autres villes en Afrique du Sud sont en proie à des phénomènes climatiques extrêmes. Sur la côte sud-ouest, Le Cap souffre de sécheresse.
« Toutes les prédictions et les modèles montrent que les zones humides deviendront plus humides et les zones sèches, plus sèches », met en garde Mme Galvin.
– L’aménagement du territoire en cause ?
Les quartiers les plus pauvres ont été durement frappés par les inondations. Environ un quart des 3,9 millions d’habitants de l’agglomération de Durban vivent dans 550 quartiers informels autour de la ville. Au moins 164 d’entre eux ont été construits sur des plaines inondables, selon Mme Galvin.
« L’aménagement du territoire et l’héritage de l’apartheid ont relégué les pauvres dans la périphérie et dans les zones à faible altitude », le long des berges, ajoute-t-elle.
Durban est par ailleurs une des villes sud-africaines à la croissance la plus rapide. Des vagues de migration économiques massives et non planifiées ont créé des pénuries de logements, ce qui a entraîné la prolifération d’habitations de fortune dans les townships, où la plupart des maisons sont faites de plaques de tôle ou de planches de bois.
« La façon dont les villes sud-africaines ont été conçues a un caractère exclusif par nature », selon l’urbaniste de l’université du KZN, Hope Magidimisha-Chipungu.
La crise du covid, un chômage endémique autour des 35% et une vague sans précédent d’émeutes et de pillages en juillet ont aggravé la paupérisation de la région: c’est « comme les sept plaies d’Eytpe », résume Mme Galvin.