Voilà plus d’un an maintenant que la Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) a émis un communiqué annonçant la suspension du « general catching », excepté dans des lieux stratégiques tels l’aéroport, les hôpitaux et le port.
Entretemps, le nombre de chiens errants serait passé de 200,000 à 220,000. Augmentation engendrée, notamment, par l’abandon, acte de cruauté passible de peine d’emprisonnement et d’une amende, mais qui reste peu ou pas sanctionné.
Alors que les députés Arvind Boolell, Osman Mahomed et Joanna Bérenger appellent au respect des animaux, que des efforts sont déployés par des bénévoles dévoués à travers l’île pour sauver et offrir une seconde chance aux animaux errants, que des grandes organisations internationales souhaitent aider Maurice à résoudre ce problème de prolifération de chiens errants de manière plus efficace et plus humaine, certains souhaitent, malgré tout, faire relancer la campagne de capture et d’abattage. Pour le député Salim Abbas Mamode, l’arrêt de cet exercice de capture aurait contribué à une prolifération de chiens divaguant dans sa propre circonscription. Lors de la séance parlementaire de mardi dernier, il a demandé au ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin que des mesures soient prises afin de remédier au problème.
Répondant à la question du député Salim Abbas Mamode, le ministre Maneesh Gobin a expliqué que la MSAW s’est « éloignée de l’ancienne politique du catch and kill pour adopter une politique globale ». Ainsi: « The MSAW has, since January 2021, moved away from the previous Catch and Kill Policy to adopt a Comprehensive Nationwide Dog Population Management Programme ».
Le ministre a aussi ajouté qu’une campagne de « stérilisation en masse » a été pratiquée depuis 2015. « J’ai été informé par la MSAW que plus de 15,000 chiens ont été stérilisés depuis septembre 2015 et que la MSAW poursuit le programme de stérilisation de masse gratuite avec le soutien du National Environment and Climate Change Fund (NECCF).
Pour Salim Abbas Mamode, l’arrêt de cet exercice de capture de chiens aurait contribué à une prolifération de chiens divaguant dans sa propre circonscription, soit le No 3, Port-Louis Maritime/Port-Louis-Est. Il a demandé au ministre d’accorder une attention particulière à sa circonscription, notamment en vue du mois du Ramadan à venir, « afin que les personnes qui se rendent tôt le matin dans les boulangeries et les magasins ne soient pas attaquées par des chiens errants ».
Ce à quoi le ministre a répondu que la MSAW opère avec peu de vétérinaires et de capacité d’accueil de chiens. « La capture soulève la question de la capacité d’accueil de la MSAW. Nous ne pouvons capturer plus que ce que nous pouvons accueillir. Deuxièmement, combien de vétérinaires sont disponibles à Maurice pour la stérilisation ou même pour l’euthanasie là où l’euthanasie est requise ? Sait-on dans ce pays qu’il n’y a qu’une centaine de vétérinaires pour l’ensemble de la République, dont seulement 20 dans la fonction publique ? C’est une zone de pénurie. La dernière fois, il y a eu un appel à candidatures pour la Fonction publique, je pense que seulement deux ou trois candidats ont postulé. C’est la réalité. Je ne dis pas que nous ne faisons rien. Nous essayons d’obtenir de l’aide de pays étrangers et également d’augmenter la capacité d’accueil de la MSAW, de garder les animaux errants chaque fois qu’ils sont attrapés », a-t-il dit.
« La politique est le CNR »
Par ailleurs, le député Osman Mahomed a demandé au ministre de répondre à la question qu’il avait posée l’année dernière et qui n’avait pas été répondue concernant le rapport et les comptes de la MSAW qui n’avaient pas été déposés jusqu’ici. Le ministre Maneesh Gobin a alors répondu que les comptes sont en préparation et que le nouveau conseil consacrera à corriger les manquements. « Il y a eu un certain nombre de problèmes avec la MSAW. Heureusement que le nouveau Conseil prend des mesures correctives. Nous accélérerons les comptes audités et ils seront déposés conformément à la loi. S’éloignant du Catch and Kill, la politique est ce que les Ong appellent, dans le jargon, le CNR : catch, neuter and release. C’est la politique adoptée ». Â
Le député Arvind Boolell est aussitôt venu avec une question pertinente en demandant si la MSAW a sollicité les services des organismes internationaux pour résoudre le problème de manière plus énergique et plus efficace. Ce à quoi a répondu le ministre Gobin: « Il y a deux institutions au Royaume-Uni qui sont en étroite collaboration avec le MSAW, mais je n’ai pas les noms de ces deux institutions. Ils ont été contactés depuis le début de l’année dernière, je le sais, mais je pourrai fournir les noms ultérieurement ».
Réactions
Reda Chamroo, Animal Rights Activist et membre de l’organisation Animal Welfare Coalition Mauritius (AWCM):  « Les réponses du ministre démontrent clairement qu’il ne sait pas grand chose du dossier. Il faut se rendre à l’évidence que la situation, déjà hors de contrôle, continuera à empirer et qu’il faut sans plus tarder implémenter des solutions déjà proposées.
Le communiqué émis par la MSAW sur l’arrêt du general catching n’est qu’une décision administrative qu’ils peuvent changer à tout moment. Nous avons des preuves que des chiens hors des zones stratégiques ont été capturés. Nous nous demandons pourquoi, depuis plus d’un an, le ministre n’a toujours pas aboli le catch and kill policy par une cabinet decision.Â
Autre point que je tiens à soulever: le ministre informe que la population de chiens errants est passé de 200,000 à 220,000 et dira plus tard que la MSAW a pratiqué que 15,000 stérilisations (en 8 ans), ce qui fait environ 2,000 en moyenne chaque année. Largement insuffisant pour ce qu’il qualifie de mass sterilisation. Deuxièmement, cela ne résout en rien le problème de la surpopulation des chiens errants car cette campagne ne concerne que des chiens ayant un propriétaire. Le HSI qui était à Maurice pour un projet pilote avait réalisé plus de 4,300 stérilisations pour la première année (un record), mais le ministère de l’Agro les a remerciés pour des raisons inconnues. Pour parvenir au résultat escompté, il nous faut l’aide étrangère. Il n’y a pas d’autres alternatives.
Le ministre affirme que la MSAW est en train d’apporter un « comprehensive nationwide dog population management program. » Je rappelle que l’Action Plan de la MSAW avec le Fonds national pour l’Environnement et le changement climatique (NECCF) concerne la stérilisation que de 500 chiens par des vétérinaires privés sur un an, c’est tout.
Concernant le manque de vétérinaires, ce n’est pas un problème nouveau car pour moi, personne ne veut travailler à la MSAW. S’agissant du CNR, le ministre ne dit pas que la présente loi n’autorise pas la MSAW de pratiquer le « release ». Encore une fois, il n’y a que les Ong internationales spécialisées susceptibles de résoudre ces problèmes majeurs et faire une CNR de quantité et de qualité.
En revanche, rien n’a été dit concernant l’amendement au Animal Welfare Act, qui est largement dépassé et qui ne correspond plus aux attentes modernes.
Pour rappel, le ministre a reçu une proposition très concrète depuis l’année dernière de la International Animal Welfare and Protection Coalition (IAWPC) qui regroupe plus de 25 plus grandes Ong dans le monde. La coalition avait pris l’engagement de réaliser 80,000 stérilisations par an. Étonnament, ils n’ont reçu aucun retour. On se demande quelle est la logique et le plan du ministre? Tout le monde sait que la MSAW n’a pas les compétences ou la volonté d’apporter des changements. Nous allons demander une réunion avec le ministère afin de le conseiller et lui apporter notre aide. Sinon, nous déciderons de la marche à suivre ».
Nous avons maintes fois tenté de joindre le ministre Maneesh Gobin pour une déclaration, en vain.
L’abandon qui fait trop de victimes est rarement sanctionné
C’est un fait : l’abandon fait partie des conséquences de la surpopulation canine. Non désirés et sans propriétaires, les animaux sont livrés à eux-mêmes, sans nourriture et exposés à tous types de danger. Malgré tous les efforts déployés par des personnes dévouées pour tenter de contenir la prolifération de chiens et chats errants, le nombre d’abandons ne cesse de croître. Chaque jour, les différents groupes consacrés aux animaux maltraités, abandonnés ou en détresse sur Facebook exposent nombre de chiots et chatons laissés pour mort souvent dans des sacs en plastique. Sameer Golam, de l’Ong Second Chance Animal Rescue, affirme sauver, en moyenne par mois, plus de 300 chiens abandonnés dans des champs, sur les plages, dans les bois. Le même nombre pour Pretty Saachi de l’association Rescue of Animals in distress (RAID). Les refuges sont saturés. Lutter contre la reproduction incontrôlée est très difficile. Pour ces bénévoles, l’abandon fait trop de victimes et les auteurs ne sont pas du tout sanctionnés. Les acteurs de la protection animale pointent du doigt l’absence de contrôle efficace. Pour Sameer Golam de Second Chance Animal Rescue (SCAR), « la solution la plus efficace est le Catch Neuter Release. L’absence de contrôle et d’application des peines prévues par la loi contribuent à déresponsabiliser les propriétaires d’animaux », déplore le rescuer.