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Hernan Vales : « Le respect des droits humains est en régression dans le monde »

Hernan Vales occupe le poste de conseiller en Droits humains et en démocratie au Bureau du haut-commissaire pour les droits humains des Nations unies, depuis 2014. Avant de se joindre au bureau des Droits de l’Homme des Nations unies à Genève, M. Vales a travaillé dans d’autres départements de l’organisation internationale. Né en Argentine, il détient des diplômes en droits acquis à l’université de Buenos Aires et à celle de Londres. Il vient d’animer un atelier de travail à l’intention des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères postés au département des Droits humains. Il a répondu à nos questions avant son départ.

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l  En quoi consiste le travail d’un Human Rights and Democraty Adviser au Bureau du haut commissaire pour les Droits humains des Nations Unies (OHCHR) ?

— Comme l’indique le titre, je travaille pour le Bureau du commissaire des Droits humains, qui est une des agences internationales des Nations unies. Mon travail consiste à conseiller le bureau et les gouvernements concernés sur les relations entre les droits humains et la démocratie, relations qui sont étroitement liées. La démocratie ne peut pas fonctionner totalement sans le respect des droits humains.

l Mais faut-il encore, en 2022, organiser des séminaires à l’intention des officiers d’un gouvernement, qui plus est relevant d’un département s’occupant des droits humains, pour les convaincre de cette évidence, de cette nécessité ?

— Cela fait partie de mon travail d’expliquer, quand il le faut, la nécessité de la relation entre le respect des droits humains et la démocratie. Pour ce faire, j’anime des ateliers comme ce fut le cas à Maurice cette semaine, j’écris des documents, je suis le vote des résolutions adoptées aux Nations unies sur le sujet, j’écris des rapports sur des sujets spécifiques et fais des propositions de déclarations en ce sens. Contrairement à ce que l’on peut croire, il n’est pas inutile de rappeler l’existence et le bien-fondé de certains concepts.

l  Vous faites ce travail au bureau des Nations Unies depuis 2014. Avez-vous le sentiment que depuis la nécessité de respecter les droits humains a progressé, plus de gouvernements et plus de personnes se sentent concernés ?

— Malheureusement, nous avons assisté ces dernières années à une régression importante du respect des droits humains au niveau mondial, sur des concepts que l’on pensait acceptés et pratiqués par tous, comme l’égalité homme-femme et les droits des minorités. Cela dit, il y a quand même au niveau mondial plus de compréhension dans la lutte pour l’égalité homme-femme. Le combat n’a pas abouti, il continue, mais il y a eu ces dernières années des avancées conséquentes au niveau légal, mais aussi dans la pratique.

l  De votre point de vue, quelles sont les raisons de cette régression ?

— Depuis quelques années, plusieurs pays du monde sont gérés de manière autocratique et rejettent, ou ne respectent pas, les règles de la démocratie. Ce non-respect des règles démocratiques conduit à de plus en plus de violations des droits humains, à la maltraitance et à la marginalisation des minorités, carrément rejetées par certains gouvernements. Les exemples de ce rejet sont malheureusement en augmentation dans le monde ces dernières années. Cette situation n’existe pas que dans les pays autocratiques, mais également, à un degré moindre, dans des pays plus, disons, démocratiques. Il faut garder en tête que les violations des droits de l’homme et de la démocratie se font à des degrés divers à travers le monde. Il n’existe pas de pays au monde ou ces règles sont totalement appliquées, respectées. Il suffit de regarder l’actualité mondiale de ces derniers jours pour s’en convaincre. D’où la nécessité d’aborder le sujet à travers des ateliers, des publications et des campagnes d’information.

l  Comment expliquer cette régression dans la mesure où nous avons un plus grand accès à l’information, que les peuples sont plus éduqués et que les conférences et les campagnes de sensibilisation sur ces sujets sont régulièrement organisées? Et que tout le monde a une idée de ce que sont les droits humains…

— Il y a probablement plusieurs réponses à cette votre question. Je ne suis pas certain que “tout le monde” sache ce que sont les droits  humains, concept qui existe depuis la création de l’Organisation des Nations Unies. C’est un concept qui existait déjà dans de nombreuses cultures et religions à travers le monde, certes. Mais il est indispensable de faire une piqûre de rappel générale pour mettre à jour le concept à l’intention de tous. Il faut parvenir à convaincre les gouvernements, aussi bien que les habitants des pays qu’ils dirigent, de l’importance et de la nécessité des droits humains et de la démocratie dans le monde. Il faut convaincre que l’adhésion aux concepts et valeurs de la démocratie ne suffisent pas. Elle doit être accompagnée de la mise en pratique. C’est plus facile à dire qu’à faire.

l  Vous êtes à Maurice pour animer un séminaire dont le sujet est « to disseminate and promote the use of the Participations Guidelines to states. » De quelle Participation Guidelines est-il question ?

— Les Participation Guidelines (PG) sont un ensemble de propositions faites par le Bureau des Droits humains pour mettre en pratique, de façon efficace, les résolutions des Nations unies sur le respect des droits humains et de la démocratie. Ce texte a été adopté en 2018, et depuis, nous sommes en train d’en faire la promotion au niveau mondial en organisant des formations pour principalement ceux qui, au niveau gouvernemental, auront à l’utiliser. Les PG permettent la promotion et l’avancement des droits humains, qui jouent un rôle crucial dans la promotion de la démocratie, le respect des lois, l’inclusion sociale et le développement économique. Les PG sont un instrument essentiel dans le combat contre les inégalités et la prévention des conflits sociaux. L’idée est d’expliquer ces PG, de discuter de leur contenu avec les officiers qui sont chargés de les appliquer, de leur permettre de s’exprimer et de les écouter. Avec l’expérience, nous avons noté que ces discussions permettaient de mieux faire comprendre les concepts en question et surtout de faciliter leur application, en phase avec les spécificités des pays concernés. Je tiens à dire que je suis très satisfait de l’écoute et de la participation des officiers mauriciens qui ont assisté et participé au séminaire. Ils sont très engagés dans leur travail, ce qui est pour moi un élément important dans la promotion et l’application des droits humains.

l  Vous venez de dire que les PG sont un instrument essentiel dans le combat contre les inégalités et la prévention des conflits sociaux. De quelle manière ?

— Ce texte prône la participation. La bonne participation implique la capacité d’écouter toutes les composantes d’une société, quelles que soient leurs origines ethniques, leurs religions et leurs cultures, leurs capacités ou leurs handicaps ou leurs orientations sexuelles. En ce sens, les PG incluent tout le monde, ne rejettent personne, ne laissent personne derrière. En les accueillant et en écoutant ce qu’ils ont à dire, nous agissons contre la discrimination qui peut déboucher sur des conflits sociaux.

l  Peut-on dire que les jeunes sont plus concernés par le respect des droits humains et de la démocratie que leurs aînés ?

— De ce que j’ai vu à travers les pays que j’ai visités dans le cadre de mon travail, je pense que les nouvelles générations sont très concernées, très engagées pour la défense de certaines causes fondamentales liées aux droits humains. Je pense en particulier au changement climatique, à l’égalité homme-femme, au respect des droits de la personne humaine et c’est de très bon augure pour l’avenir.

l  Permettez-moi une question d’actualité. Que pense l’expert en droits humains et en démocratie que vous êtes de ce qui est en train de se passer en Ukraine ?

— Ce qui se passe en Ukraine est terrible. Comme l’a dit et répété le secrétaire général des Nations Unies, « on doit stopper cette guerre et entamer un dialogue pour la paix. » Il faut que cela soit fait le plus rapidement possible. La situation en Ukraine a déjà provoqué trop de souffrances inutiles.

l  Ces appels à la paix ont été faits en février. Plus d’un mois après, rien n’a changé, au contraire, la situation a empiré. Est-ce que cela ne conforte pas dans leur opinion ceux qui pensent que les Nations Unies ne servent pas à grand-chose ?

— Depuis sa création, la structure des Nations Unies lui impose certaines limitations. Mais elle fait tout ce qu’elle peut pour promouvoir un cesser-le-feu et l’ouverture d’un dialogue pour la paix en Ukraine.

l  Vous êtes originaire d’Amérique du Sud, plus précisément d’Argentine. Il a été noté que des pays de votre continent et des pays africains et asiatiques ont refusé de prendre position dans le conflit Ukraine/Russie en disant que c’était une guerre entre pays occidentaux qui ne les concernait pas. Quelle est votre opinion sur cette prise de position ?

— Je suis à Maurice en tant que membre d’un bureau de l’Organisation des Nations unies et je ne suis pas habilité à répondre à ce genre de questions.

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