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Le départ de Jacques Rivet : Ses empreintes indélébiles sur les sables du temps…

Jacques Rivet est parti. Il a rendu sa vie sublime et il laisse derrière lui, après sa mort, ses empreintes indélébiles sur les sables du temps. * Depuis dimanche dernier, lorsqu’il s’est éteint paisiblement en début de soirée, les hommages n’ont cessé de pleuvoir pour pleurer sa disparition et soutenir sa cellule familiale dévastée par ce qui était devenu inéluctable depuis quelques semaines. Les qualificatifs d’humaniste, de visionnaire, de grand cœur, de généreux, etc., qui lui ont été fort justement attribués à cette occasion par des milliers de personnes, auraient, sans aucun doute, fait plaisir à ce grand personnage haut en couleurs qui se la jouait modeste.

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Jacques Rivet et sa fille Tatiana au moment de la maladie

Il se posait souvent la question : comment il serait reconnu après sa mort. Même s’il aurait préféré l’avoir entendu de son vivant, là où il repose en paix ou au ciel, près des siens, il doit se réjouir aujourd’hui de tant d’amour, de tant de respect, de tant de bonheur et de joie qu’il a propagés autour de lui. Lui qui réclamait toujours plus d’amour, plus de respect, mais aussi un peu de reconnaissance. Oui, il est un artisan de la presse, il le concédait, mais il est beaucoup plus que cela, en tout cas, l’un des tout meilleurs de sa profession, qu’il a exercée pendant 64 ans. Une longévité qui ne sera, sans doute, jamais égalée.

Jacques Rivet aurait assurément été ravi de ses funérailles grandioses, même si celui qui ne laissait jamais rien au hasard, qui avait le souci de la précision, que la moindre faute ou coquille horripilait, aurait, sans doute, changé quelques détails par-ci, par-là. Le cercueil peint aux couleurs du ciel et des nuages, la veillée organisée à domicile, le choix de l’église Immaculée, le public, ses amis, sa famille qui ont bravé la restriction des 50, l’éloge funéraire, le célébrant, le passage et l’arrêt devant son lieu de travail de ces 64 dernières années, le cimetière de l’Ouest et le caveau familial près des siens : tout ou presque, parce que lui l’éternel insatisfait, le perfectionniste, aurait préféré ajouter sa petite touche.

Tout était à sa hauteur, de l’homme, de l’époux, du père, de l’oncle, de l’ami et du patron qu’il a été. Mais ce qui a donné à ces funérailles une autre dimension, une touche particulière, ce sont les journaux brandis devant Le Mauricien Ltd au passage du cortège funèbre et les longs applaudissements – également entendus à l’église – de la part de ses employés et collaborateurs. Un ultime hommage qui a, sans doute, fait couler une petite larme à ce grand sensible devant l’Éternel. Et qui a mis du baume au cœur de ceux qu’il aimait.

Son plus gros chagrin, sa plus grande inquiétude, c’était de laisser derrière lui son épouse Jacqueline qui a toujours été à ses côtés dans les grands calmes, les joyeux moments, mais aussi et surtout au milieu des diverses tempêtes. Il était aussi un grand « papa poule » qui gâtait, autant qu’il pouvait, ses enfants et petits-enfants, ses neveux et nièces, veillant à ce qu’ils ne soient jamais dans le besoin. Et sa générosité légendaire dépassait largement la frontière de sa famille et touchait des gens dans le besoin à qui il prêtait sans jamais être remboursé, à des inconnus qu’il donnait sans compter.

Jacques Rivet était un acharné du travail tant sur l’administration du journal que sur le plan de l’écriture et de la fabrication de ses journaux, ainsi que sur celui de la technique de la prépresse et de la presse. Il n’avait pas d’égal. Il s’occupait de TOUT, étant à la fois patron, journaliste, architecte, aménageur de bureau, conseiller, et de tout le reste aussi. « Name it and you will get it !». Sa réussite au début, il la doit d’avoir été adoubé par des proches plus expérimentés et, par la suite, à une petite poignée de collaborateurs fidèles mais pas asservis, qu’il écoutait beaucoup, pas toujours, avec lequel il pouvait parfois être injuste, mais sur qui il savait qu’il pourrait compter jusqu’à la fin. Ceux qui l’ont suivi et soutenu jusqu’à la mort ou la retraite, et jusqu’à ce qu’il nous quitte pour ceux qui sont encore là. Il avait aussi des défauts : il fallait le dire, sinon on n’aurait pas été fidèle à ce qu’a été vraiment sa vie faite de hauts et de bas, comme nous tous. Et comme dirait La Rochefoucauld, « il n’appartient qu’aux grands hommes d’avoir de grands défauts ».

Il foisonnait d’idées nouvelles – au moins une nouvelle par jour – et pouvait passer de l’une à l’autre avec le même enthousiasme, d’où un certain nombre d’ouvrages inachevés, comme celui qui a été son grand regret jusqu’au bout : finir le livre qu’il préparait sur son père Raoul et dans lequel il voulait rendre un hommage à sa mère Lydie, une grande dame comme on n’en voit plus aujourd’hui et qui veillait sur son fils comme on veille le petit lait en train de bouillir.

Ce père, Raoul Rivet, une personnalité hors du commun qui a marqué son temps, tant sur le plan journalistique que sur le plan politique, mais aussi sur celui de l’écriture et de la critique et polémique journalistique. Mais pas seulement, puisqu’il a aussi été un poète émérite. Jacques Rivet vénérait son père par-dessus tout et craignait de ne pas être à sa hauteur. Il l’a été remarquablement dans sa vie, comme directeur de presse, comme journaliste et comme humaniste. Même dans la mort, son père et lui ont connu un destin parallèle. Ils sont tous deux décédés des suites d’un cancer à 65 ans d’intervalle. Ce moment-là, agonie de son père qu’il qualifiait de déchéance humaine, Jacques Rivet l’a vécu comme une grande souffrance à 17 ans et ne souhaitait pas l’imposer à sa famille. Et pourtant… Que le destin est parfois cruel !

C’est à ce moment-là qu’il décida qu’il allait reprendre le flambeau, à 17 ans. Bien lui en a pris !

* Adapté d’un poème
de Henry Longfellow

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