PADMA UTCHANAH
De Paris
La première fois que j’ai rencontré Jacques Rivet, c’était rue des Amandiers, à Paris, lors du dévoilement de la plaque commémorative en hommage à l’artiste-peintre, écrivain et homme politique, Hervé Masson. C’est un homme aux yeux rieurs et à la mine enjouée qui s’est présenté à moi. Tout de suite, Jacques donnait le tempo de la conversation. Il conversait facilement sur le monde de la presse et me révélait les taquineries qu’il échangeait avec mon oncle Mahen Utchanah. Il aimait changer de registre, appréciait la légèreté du propos et abordait tout aussi bien les sujets sérieux. Il aimait refaire le monde avec emphase et délectation.
Lors de cette soirée, j’avais complètement oublié qu’en face de moi cet homme si ordinaire a un passé si extraordinaire. L’humilité faisait partie du personnage. Sous sa bonhomie se cachait un homme aux multiples facettes qui ne craignait pas les combats. Il n’a pas hésité à battre le pavé quand la presse était en danger. Homme de conviction, de principe et de rigueur, il a forgé nombre de ses poulains au métier de journaliste. Il gardait une affection profonde et nous disait avoir pleine confiance en certains de ses plus proches collaborateurs.
Jacques avait la conviction chevillée au corps. Il a toujours mis un point d’honneur à faire preuve d’indépendance. Pour lui, la presse est un chemin où les voix responsables peuvent s’exprimer librement. Les mots pour notre regretté directeur du journal Le Mauricien ont une portée. Il avait l’art et la manière de les manier avec fougue, verve et entrain. Il n’hésitait pas à affubler l’infamie avec des uppercuts linguistiques puissants.
J’ai eu l’honneur d’être conviée à déjeuner chez Jacques dans sa maison à Trou-aux-Biches. La générosité de l’hôte était sans borne ; il était venu me chercher chez moi à Rivière du Rempart. En chemin, il partageait ses conseils en politique, il me racontait les rouages de la presse et tout ce que cela comporte. J’ai été merveilleusement bien accueillie par sa charmante et élégante épouse, Jacqueline. Ce déjeuner en compagnie d’autres amis était ponctué de simplicité, de badinage et d’anecdotes sur la jeunesse du couple Rivet. L’ambiance bon enfant caractérise simplement le Grand Jacques.
De sa terrasse à Trou-aux-Biches, je vois le jeune homme de 17 ans qu’il était au moment de se joindre au quotidien Le Mauricien au décès de son père. Résolument visionnaire et audacieux, je le vois désormais noircir les pages blanches de la publication de l’éternité et voguer, lors de cet ultime voyage, à bord d’un voilier fabriqué avec du papier journal… Le Mauricien bien évidemment.