Franceau Grandcourt, adjoint au chef commissaire de Rodrigues : « Pour vraiment réussir l’autonomie, tous les Rodriguais doivent travailler ensemble »

Franceau Grandcourt, le nouveau Deputy Chief Commisionner de Rodrigues, fait partie de la délégation de l’Assemblée régionale était en visite officielle à Maurice. la semaine dernière Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.

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L’opposition à l’OPR a fait une coalition de cinq partis politiques pour remporter les dernières élections de Rodrigues. L’expérience politique mauricienne nous apprend qu’il est très difficile de maintenir une coalition entre deux ou trois partis. Comment allez-vous faire tenir une coalition de cinq partis ?

 Ce sont les Rodriguais qui nous ont demandé de faire une alliance des partis d’opposition. Cette alliance des cinq partis a été plébiscitée par les Rodriguais à qui nous avons promis d’aller jusqu’à la fin de notre mandat. Selon l’accord, Johnson Roussety sera le chef commissaire pendant les deux premières années, et après je vais prendre la relève pour les trois suivantes. On peut se poser la question de savoir si ça va marcher, je peux vous donner la garantie que nous allons tout faire que ça marche, pour faire avancer Rodrigues.

Est-ce que l’alliance de l’opposition avait des objectifs précis ou est-ce que son seul programme était : met OPR deor ?

Au départ, nous étions trois partis, l’UPR, le MMR et le MIR, avec un programme électoral, et puis Johnson Roussety avec le FRPe et le PMS, qui avaient leurs programmes, sont venus nous rejoindre. Quand nous avons créé l’Alliance Libération, nous avons pris des éléments de nos programmes pour faire celui de l’alliance. Des copies de ce programme pour un développement durable de Rodrigues ont été rendues publiques et, cette semaine, remises aux autorités de Maurice.

Johnson Roussety est connu pour son caractère et ses prises de position tranchées ? Est-ce qu’il va pouvoir fonctionner dans le cadre d’une alliance ?

Je connais très bien Johnson, tout comme il me connaît. Nous avons déjà travaillé et fait un bon bout de chemin ensemble et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous entendre pour travailler pour l’avancement de notre pays.

L’OPR conteste l’élection de Johnson Roussety en s’appuyant sur le fait qu’il n’a pas résidé à Rodrigues six mois avant les élections. Est-ce que cette contestation légale vous inquiète ?

Oui, nous sommes un peu inquiets. Mais par ailleurs, je souligne que selon la Constitution, une personne dont le nom est inscrit sur la liste électorale peut être considérée comme un résident. Dans la mesure où Johnson Roussety était inscrit sur la liste électorale et a été autorisé à voter, je ne vois pas où est le problème.

Si néanmoins la cour donne raison à l’OPR, est-ce que votre faible majorité à l’assemblée régionale ne risque pas d’être modifiée ?

Votre question est tout à fait hypothétique, mais je vais quand même répondre. Si jamais cela arrive — et je suis convaincu que cela n’arrivera pas —, nous serons à huit-huit, avec le casting vote du président de l’assemblée nationale et le gouvernement va continuer le travail.

Une des premières mesures du gouvernement a été de nommer un Island Chief Executive. L’ancien responsable de la fonction publique a été transféré, donc, toutes les rumeurs de mauvaise administration entendues pendant la campagne électorale ne tenaient-elles pas la route ?

Il est tout à fait normal que le nouveau gouvernement nomme un nouveau chef de l’administration, comme cela s’est fait en 2006 quand l’OPR est arrivé au pouvoir. Si jamais on découvre que ce qui ne sont, pour le moment, que des rumeurs, est avéré, les décisions nécessaires seront prises et les procédures enclenchées.

Quel est aujourd’hui le principal problème de Rodrigues ?

C’est encore et toujours le problème de l’approvisionnement en eau potable. Nous avons eu un héritage lourd dans les secteurs de l’environnement, de la santé et de l’eau. À tel point que je me pose la question : mais que faisait donc l’ancien gouvernement ? Nous avons commencé à travailler sur les dossiers prioritaires en étant conscients que les problèmes ne seront pas réglés rapidement, du jour au lendemain. Mais nous allons venir sérieusement de l’avant avec des plans d’action, des propositions. Nous avons la volonté de régler les problèmes et nous allons nous donner les moyens de le faire. Nous sommes une petite île vulnérable et le traitement des déchets est un gros problème. Nous sommes en train d’envisager de retourner tous les déchets en plastique à leurs expéditeurs à Maurice et nous sommes en train de négocier un accord en ce sens.

L’emploi est aussi un gros problème qui pousse beaucoup de Rodriguais, surtout les jeunes, à venir a Maurice et se retrouver dans des situations difficiles, pour ne pas dire dramatiques…

Ce problème a été évoqué lors d’une rencontre que la délégation a eue avec le Premier ministre cette semaine. Nous avons demandé les moyens de développer le port et l’aéroport, et d’autres secteurs de Rodrigues pour pouvoir créer de l’emploi et retenir nos jeunes chez nous. C’est vrai qu’officiellement nous faisons partie de la même République, mais il faut reconnaître que les Rodriguais ne sont pas traités comme les Mauriciens, ne se sentent pas intégrés à Maurice.

Quelles vont être les relations de votre gouvernement avec celui de Maurice qui a été accusé d’avoir des liens très — trop — étroits avec l’OPR ?

C’est une perception. Nous sommes là pour travailler avec le gouvernement central pour le développement de Rodrigues. Nous sommes au gouvernement pour travailler avec tous ceux qui veulent aider à développer Rodrigues, comme c’est le cas avec les PPS en poste, et en soutenant les projets valables de l’ancien gouvernement. Les rencontres se passent bien, nous avons exprimé nos souhaits et nos inquiétudes par rapport à l’avenir de Rodrigues. À la fin, nous avons invité le Premier ministre à venir à Rodrigues.

Vous avez surpris dans votre discours d’investiture en rendant hommage à la contribution de Serge Clair et en lui demandant de mettre son expérience au service de Rodrigues ! C’est un ton nouveau dans le système politique mauricien et rodriguais, où on a tendance à critiquer et dénoncer, et parfois à essayer de faire condamner les gouvernements sortants…

J’ai été membre de l’Assemblée régionale et je suis convaincu que pour vraiment réussir l’autonomie, tous les Rodriguais doivent travailler ensemble. L’autonomie ne peut réussir que si tous les Rodriguais marchent ensemble, avec leurs diversités et leurs particularités. Il faut mettre beaucoup de conviction et de volonté pour réussir l’autonomie, qui appartient à tous les Rodrigues, pas seulement à une partie de la population. C’est parce que les Rodrigues ont perdu confiance dans la réussite de l’autonomie qu’il y a eu un changement politique à Rodrigues aux dernières élections. Le Covid et le confinement nous ont fait réaliser la fragilité de notre île loin de tout et qui ne peut compter que sur les Rodriguais. La politique partisane ne peut que faire du mal à Rodrigues. Il faut en finir avec la politique de protection de ses partisans contre les adversaires. Nous avons suffisamment critiqué le gouvernement OPR sur ce sujet pour ne pas faire la même chose une fois arrivés au pouvoir. Autre chose : avec les autres partis de l’alliance gouvernementale, nous sommes en train de préparer l’avenir, la relève. J’ai fait mettre dans la Constitution de mon parti, l’UPR, que le leader ne peut rester en poste que pour dix ans, deux mandats seulement. Je pense que cette façon de faire rejoint le désir des Rodriguais de ne pas voir les hommes politiques rester indéfiniment au pouvoir.

Votre modération ne va-t-elle pas se heurter au style de Johnson Roussery ?

Nous sommes complémentaires. Mais il faut aussi réaliser qu’il fait des efforts, qu’il est conciliant et que, comme moi, il a pris de l’âge et le sens de la responsabilité. Nous voulons aller rapidement mais sûrement, et pour cela, nous devons beaucoup travailler, étudier les dossiers, prendre des décisions en connaissance de cause. L’étude de ces dossiers nous donne l’impression qu’à partir d’un certain moment, le gouvernement de l’OPR a chômé, n’a pas fait des choses pourtant très simples pour améliorer la vie des Rodriguais. Nous n’avons pas l’intention de suivre le même chemin.

Comment allez-vous faire comprendre aux Rodriguais que le nouveau gouvernement est celui de tous les Rodriguais, pas uniquement celui de l’Alliance Libération, ses partisans et ses électeurs ?

Le signal que les choses ont changé et ne seront plus comme avant a été lancé pendant la cérémonie d’investiture, quand j’ai rendu hommage à Serge Clair et à sa contribution. À ce moment-là, j’ai parlé avec mon cœur.

Est-ce qu’à ce moment-là vous parliez aussi avec le cœur de vos alliés politiques de l’Alliance ?

Mais bien sûr, puisque c’est un sujet que nous avions déjà abordé entre nous. Il faut être clair : Rodrigues ne peut pas vivre en campagne électorale permanente. C’est diviser nos ressources, notre énergie. Nous voulons unir le peuple rodriguais, pas le diviser, et nous allons le montrer par nos actions. Bien sûr qu’il y aura des mécontents, et c’est tout à fait normal dans une démocratie. Mais nous devons donner l’exemple et nous comporter comme des politiciens responsables qui ont des relations civilisées avec leurs adversaires. Ce qui n’était pas le cas avant avec la mentalité « mo bann », « so bann » qui était devenue un comportement politique. Il faut en finir avec cette manière de penser. Rodrigues a besoin de la contribution de tous les Rodriguais pour avancer et réussir l’autonomie et son développement économique.

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