« Gran matin, mo lever, mo lipied… » « Non, mo lipied pas dan disab », comme dit Sandra Mayotte, mais dan dilo. « Asoir ale dormi, mo lipied dans dilo meme. » Cri du cœur de Marie Claire Pierrot, habitante de Plaine-Magnien. Une situation qui dure depuis une semaine. « Mo pa conner kot pou aller. Partou kot ou guetter dilo », pleure-t-elle.
Marie-Claire Pierrot n’est pas la seule dans cette situation. Depuis une semaine, les habitants de Plaine Magnien vivent un véritable cauchemar. Leur village est devenu un fleuve. Une semaine après les pluies torrentielles du week-end dernier, plusieurs cours et maisons sont toujours inondées. « Pe tirer meme dilo, pa conner kot sa pe sourcer », se désolent quelques habitants. D’autres disent savoir d’où vient cette eau qui s’infiltre dans les rues, les cours et les maisons. « Inn combler wetlands. Aster dilo pe sourcer », disent-ils, pointant la construction d’un bâtiment de la DBM, le SME Park, construit sur un terrain non loin de la route Royale à Plaine-Magnien.
Les éboueurs ont eu fort à faire dans la matinée d’hier à Plaine-Magnien. Plusieurs convois ont dû être organisés pour ramasser le tas d’ordures déposés au bord de la rue. Réfrigérateurs, téléviseurs, armoires, buffets, tables, vêtements, nourriture… Les rues de ce village du Sud à proximité de l’aéroport étaient encombrés de débris que les habitants ont retirés de leur maison.
Pour cause, ces effets ont été abîmés en raison de la montée des eaux dans ce village, le week-end dernier. Une montée des eaux jusqu’à hier était toujours visible à différents endroits à Plaine-Magnien et plus particulièrement à Bois d’Oiseaux, non loin du terrain de foot de la localité et également de la nouvelle construction en cours du SME Park, pour le compte de la Development Bank of Mauritius (DBM). « Pe bizin debarrasse sa bann zafer la parski sinon pou ena malad. Moustik ou soit lot bebet pou sorti. Nou ki pou aller sa coute là », dit Nausheen, une résidente de Plaine-Magnien.
Les voisins au secours
Un peu plus loin, Satish un habitant de Bois d’Oiseaux, assis dans la cour familiale, est pensif. Il regarde le ciel et s’exclame: « Monn fatigué! Pourvi pa meme cinéma encore! » Il fait référence au ciel gris et dit craindre la pluie qui menace. Satish, comme tous les habitants de Plaine-Magnien, espère que ce ne sera pas des pluies torrentielles, comme le week-end dernier. « Zordi 23h, pou fer enn semaine depi ki mo pe tir dilo dans mo lacaz. Tou les zour tirer meme, dilo la revini », dit-il.
Depuis une semaine, dit-il, il vit dehors et ne rentre que la nuit pour dormir sur un lit d’appoint qu’il a laissé dans sa maison. Ses parents aussi font de même. « Kan ou lever, bizin tir delo. Ti mama apres, delo la remonter ». Ainsi, samedi dernier, l’eau est montée à hauteur de ses genoux, raconte-t-il. Ne voulant pas alerter les voisins, il a tenté, avec l’aide de son père, d’évacuer l’eau avec une pompe. « Li pa ti facile. Enn cout pa conner kot delo la pe sorti pe monter meme. Tirer li revini », dit-il. Et c’est ainsi depuis une semaine. Une semaine qu’il ne peut se rendre à son travail. « Mon employeur a dit qu’il comprend ma situation, mais pour combien de temps? Je dois reprendre le travail demain. Et j’espère qu’il n’arrivera rien à ma mère qui est seule à la maison », dit Satish.
Les pompiers en stand-by
Marie-Claire Pierrot est aussi très angoissée. Surtout qu’elle a un fils de 26 ans qui n’a pas toute sa tête. « Depi samedi, li encore plis nerveux. Li pe marser aller vini dans delo la. Li pa facile. Tout mo finn perdu dan mo lacaz », dit-elle. Cela fait cinq ans qu’elle habite la localité et c’est la première fois qu’elle vit une telle situation. Samedi dernier, elle et son fils ont été surpris par la montée soudaine des eaux. « Delo ziska genoux. Pa kapav rester, bizin kit lacaz », dit la sexagénaire. Depuis une semaine, son fils et elle dorment chez des voisins. Ils ont tout perdu. « Nanien pena. Nanien napli rester », soupire-t-elle, indiquant qu’il a fallu aussi couper l’électricité car les installations électriques sont à mi-hauteur dans sa maison et que l’eau ybest toujours…
« Enn coute lapli pa conner kot delo kapav monter encore », dit Marie-Claire Pierrot. Et depuis une semaine, « mo reste assizer mo guette sa delo la. Pou tirer are lamok, are seo. Sa quantité là, kot pou avoye sa? Partout koter inonder », dit-elle, montrant la cour de son voisin, également inondée.
La situation est ainsi depuis une semaine. L’eau accumulée peine à partir et à peine une petite averse, elle remonte, disent les habitants de Plaine-Magnien.
Une compensation de Rs 376
Michel Angoiun dit vivre « lor enn zil ». L’eau n’a heureusement pas pénétré sa maison, mais sa cour est inondée. « Plis ki enn pied et demi », dit-il, se désolant que « tout les zour pe bizin tir poule mort dan cazot. » « Du jamais vu ! », lancent les plus anciens du village qui peinent à croire que Plaine-Magnien s’est transformé en un fleuve. « Enn lespas enn week-end, nou finn gagne enn larivière au milieu nou villaz », disent-ils. En 70 ans, c’est la première fois que l’eau monte à ce niveau, renchérit Michel Angouin, qui dit ne pas comprendre ce qui s’est passé.
Depuis samedi dernier, les pompiers sont à pied d’œuvre dans la localité pour évacuer l’eau. À chaque ruelle, des équipements de pompage sont installés. Et les pompiers sont en stand-by en cas de nouvelles pluies. Marie-Claire Pierrot dit attendre son tour : « Pa conner kan zot pou vini ». En attendant, elle reste dans la rue ou devant sa maison jusqu’aux alentours de 19h chaque jour. « Mo rest dehors ziska fer noir. Après, mo ale dormi kot voisin », dit-elle, remerciant ces derniers pour leur amabilité de lui offrir un toit afin que son fils et elle puissent se reposer un peu. Ses démarches à la Sécurité Sociale n’ont rien donné si ce n’est « enn papier pou gagne Rs 376 », pour elle et son fils. « Zis enn zour inn gagn sa. Lezot zour pena nanien. Voisin ki pe donne moi manger ».
Satish abonde dans le même sens. « Okenn l’aide pann trouver, pa tender. Couma dire nou inexistant dans Plaine-Magnien. Zis nou entre nou z’habitants, président village, voisins voisines, fami ki pe aider », dit-il. « Bann lezot inn ale casiet », poursuivent d’autres résidents de Plaine-Magnien, faisant référence à l’incident de mercredi dernier (voir texte plus loin) qui a valu que les députés et ministres de la circonscription, Bobby Hurreeram, Stephane Toussaint et Kavi Doolub déguerpissent, alors qu’ils étaient venus animer une réunion au Citizen Advice Bureau, hués par des habitants leur réclamant des comptes.
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Mercredi dernier, face à des habitants en colère : Hurreeram, Toussaint et Doolub contraints de déguerpir sous les insultes
« Nous ne sommes pas venus pour la violence, mais pour exercer notre droit », dit Nazim Gurib, président du village de Plaine-Magnien
Une réunion organisée pour analyser la situation à Plaine-Magnien, en raison des inondations, au Citizen Advice Bureau (CAB), mercredi, a fini en eau de boudin. Comme en témoignent les images véhiculées sur les réseaux sociaux lorsque les ministres Hurreeram et Toussaint ainsi que le 3e député de la Mahébourg /Plaine-Magnien, Kavi Doolub ont dû déguerpir.
Les trois députés gouvernementaux de la localité ont dû faire face à la colère d’un groupe de personnes, dont quelques conseillers du village, mercredi dernier, alors qu’ils recevaient d’autres personnes, notamment des agents MSM pour discuter de la situation en raison des inondations. Mis au courant de cette réunion, le président du village de Plaine-Magnien a tenté d’avoir accès à la salle mais a été refoulé. Ce qui a provoqué la colère des habitants de la localité qui, mis entre-temps au courant de l’exclusion du président de leur village, s’étaient massés devant le CAB, bien décidé à poser des questions aux députés. Mais quand ces derniers sont sortis, alors que les habitants les ont interpellés, ces membres de la majorité gouvernementale les ont envoyés balader. Ce qui devait décupler la colère des habitants de Plaine-Magnien qui ont commencé à huer et insulter les trois députés, les traitant, entre autres, de Chatwa.
Si bien que ces derniers, escortés par la police, se sont engouffrés dans leur voiture. Depuis, cet accrochage a fait couler beaucoup d’encre et le président du village de Plaine-Magnien aurait même reçu des menaces de mort. C’est ce qu’il a laissé entendre lors d’une conférence de presse vendredi, indiquant qu’il est conscient d’être aussi dans le viseur de la police. Avec les autres conseillers de village, il appelle au soutien de la population pour leur village.
Nazim Gurib insiste que cet accrochage de mercredi dernier « n’était ni orchestré, ni voulu ». Il explique : « Je suis le président du Conseil du village, mais je n’étais pas invité, ni le représentant du Conseil du village au Conseil du district. Il n’y avait que des activistes du MSM et des conseillers pro-MSM présents dans la salle.
Quand j’ai essayé d’y entrer pour participer à la réunion et que j’ai voulu savoir pourquoi je n’y étais pas convié, au lieu de me répondre, ils ont préféré appeler la police pour m’expulser alors que je suis un élu ».
Ne décolérant pas d’avoir été écarté de cette réunion, il fait ressortir qu’il est un président de proximité et dispose d’informations pouvant expliquer ces inondations sans précédent que connaît le village depuis une semaine. « Nous ne sommes pas venus pour la violence, mais pour exercer notre droit. Le droit de savoir », dit-il. Le président de Plaine-Magnien fait ressorir que depuis le week-end dernier, il est sur le terrain. “En tant que citoyen, mais aussi en tant qu’élu du village, je suis aux côtés des habitants de la région qui vivent un calvaire à cause de ces inondations. Nous tous, nous essayons de comprendre ce qui s’est réellement passé pour que le village se retrouve sous les eaux, et de trouver une solution. Kifer zot écarte moi ? Kifer zis dimoun MSM ki dan réunion ? Nou pe coz problem dimoun là. Tout bizin mette latete ensam », dit-il, déplorant l’attitude des élus gouvernementaux.
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Le SME Park : le bâtiment de la discorde : Un Stop Order interdisant les travaux jusqu’à nouvel ordre
Depuis le week-end dernier, plusieurs habitants de la région sont montés au créneau pour dénoncer la construction d’un bâtiment d’envergure dans la localité, sur des wetlands. Ils pointent du doigt la construction du SME Park par la DBM, sur un terrain connu pour être marécageux dans la localité. Depuis, le Conseil de district de Mahébourg, qui a octroyé les permis de construction, a émis un Stop Order interdisant les travaux de construction du parc industriel de la DBM jusqu’à nouvel ordre.
« La source de ces problèmes, c’est la construction par le gouvernement d’une SME Park dans une zone marécageuse », soutiennent les habitants de Plaine-Magnien. En outre, cette construction a nécessité un comblement des wetlands, tout en obstruant un canal. C’est pour cette raison que tout un quartier était sous l’eau, ajoutent-ils, indiquant qu’avant cette construction, « zamé pa finn gagn sa qualité problème la kan lapli. »
Comme ces anciens qui connaissent cette localité depuis des lustres, idem le président du village de Plaine-Magnien. Nazim Gurib ne décolère pas et s’emporte contre les permis qui ont été octroyés pour cette construction qui bloque et défigure aujourd’hui tout un village, sans compter les dommages causés à tant de familles qui se retrouvent, aujourd’hui, pieds dans l’eau et sans un lieu sec pour vivre normalement. «Ti ena enn lamare derrrier terrain football de Plaine-Magnien. La construction effectuée pour le compte de la DBM en vue d’installer le nouveau SME Park du gouvernement dans la circonscription, bann-là finn bous lamare-là ek combler li are laterre », dit-il.
Les récents drains sont un leurre
Si bien que l’eau accumulée des récentes pluies – tentant de se frayer un chemin, le canal étant obstrué avec le comblement de la zone marécageuse – afflue dans les cours et inonde les maisons, observe-t-il.
Les récents drains construits dans la localité ne sont qu’un leurre, affirment d’autres habitants, soutenant que « contracter inn bouss lisier, inn fer trottoir, mais pena place pou delo aller ». D’autres font ressortir que même la route menant à l’aéroport, où des drains à plusieurs millions ont été construits, sont toujours inondées. « Est-ce cela l’image que l’on veut donner aux touristes qui arrivent au pays? », demandent-ils.
Pour ces habitants, il est urgent de trouver une solution durable. « Dimoun pa pe dormi, pa pe manzer. Finn bizin aret travay acoz ena delo kot zot. Bizin trouv enn solution au plus vite », disent-ils. Au-dela de la colère des résidents de la localité qui pointent du doigt la responsabilité des autorités pour avoir délivré le permis de construction à la DBM, le Conseil de district de Grand-Port a émis un Stop Order à l’encontre du projet. Selon le président Ravi Jangi, cette décision relève de « certaines anomalies » décelées dans le plan soumis par le promoteur. Il nous revient que lors d’une inspection, il a été constaté que le plan n’est pas en train d’être respecté.
En attendant, les députés de l’opposition, dont celui du PTr de la circonscription, vont réclamer des comptes aux ministres concernés, dès ce mardi à l’Assemblée nationale.
“Une zone humide ou marécageuse (wetland) est une région où le principal facteur d’influence est l’eau. Elle joue un rôle majeur dans l’hydrologie de l’endroit où elle se trouve et on a eu la preuve vécue dimanche dernier à Plaine-Magnien où le projet d’un bâtiment de la DBM, en ce moment même en construction sur un terrain supposément marécageux, a occasionné des inondations inhabituelles de plusieurs maisons. Plusieurs habitants que je connais, y compris le président du village de Plaine-Magnien, avaient pris contact avec moi le dimanche fatidique et le lendemain, et après les avoir écoutés et après avoir discuté avec mon collègue de parti, le député Ramful, j’ai envoyé la question parlementaire B/295 pour ce mardi, adressée au ministre des Administrations régionales.
C’était bien avant que les élus de la circonscription furent hués par les habitants. À travers cette question, je souhaite pouvoir apporter de la lumière sur ce qui s’est vraiment passé pour qu’on soit arrivé à ce drame environnemental et humain, cela le jour même où le projet de loi “Planners’ Council bill” sur lequel j’interviendrai et qui a comme but principal la professionalisation du domaine de l’urbanisme et qui sera débattu en 2e et 3e lectures. Je l’ai toujours dit, un professionnel doit pouvoir résister à des pressions, dont politique, si la technicité et donc l’intégrité l’exigent. C’est à ce moment qu’on mérite le statut de professionnel », rappelle Osman Mahomed.