La crise économique frappe fort et des foyers, de plus en plus nombreux, se retrouvent plongés dans une détresse financière, ne pouvant plus acheter ni viande (poulet, bœuf…), ni poisson, ni légumes, tant les prix s’envolent à tous les étages…
Désirée vit modestement avec sa famille dans un quartier en périphérie urbaine. Elle est aide à domicile et travaille chez plusieurs familles, tandis que son époux opère dans une station-service pour environ Rs 15 000 par mois. La vie est difficile pour cette famille, comme pour des centaines de milliers de Mauriciens, dont le pouvoir d’achat a littéralement dégringolé ces derniers mois, depuis la crise économique, la dépréciation accélérée de la roupie et l’impact de la guerre en Ukraine.
Avec la flambée des prix, et comme pour d’autres ménages, elle vit un cauchemar au quotidien pour trouver de quoi nourrir sa famille de six personnes, dont un bébé de deux ans. Il faut être imaginatif pour tenter de faire les repas et se nourrir sans trop dépenser.
Frikase likou ek kalbas
Dans sa petite maisonnée, elle vit avec son époux, ses deux filles, dont l’une est au collège , et l’aînée, âgée de 23 ans, mariée et mère d’un petit garçon de deux ans. Tous vivent ensemble sous le même toit. Avant la crise, elle pouvait encore acheter des cuisses et des ailes de poulet, mais depuis quelques mois, elle n’a plus les moyens de s’acheter de poulet découpé. Aussi la famille doit maintenant se rabattre sur les carcasses et likou.
Elle explique : « Mo frikas li ar enn grin sek », dit-elle. Parfois encore, elle fricasse les cous de poulet ou les carcasses avec de la calebasse, légume dont le prix n’a pas trop augmenté. Sauf que même le cou de poulet a subi des hausses de prix, soit au-dessus de la barre des Rs 40 le demi-kilo.
Le foie de poulet est parfois aussi au menu, mais cet abat se vend aujourd’hui à plus de Rs 90 la livre. « Lefwa osi mo rousi li ar grin sek e mo less tempo soufle de/trwa kout », dit cette mère de famille. Désirée ajoute qu’elle ne peut plus acheter de légumes, désormais hors de prix : « Parfwa mo rod enn ti legim, me pa kapav met nene dan bazar. »
Pour préparer les repas, Désirée mélange un peu de riz ration et de riz basmati, dont elle achète la marque la plus abordable. « Nou pas mizer ar sa bann diri bon marse-la. Ena gon ladan. Samem nou melanz li ar diri rasion », dit-elle.
Désirée regrette aussi que les prix des grains secs aient autant grimpé, car sa famille en consomme en grande quantité, vu la cherté des légumes et des viandes blanches et rouges. « Enn pake lantiy vinn pre Rs 30 aster » , dit-elle. Et le sachet de haricots rouges coûte plus de Rs 40. Les œufs se vendent à Rs 8 l’unité, alors que le plateau d’œufs passe de Rs 150 à Rs 200.
Parfois, la mère de famille doit se contenter de mets plus modestes,. Elle doit faire travailler son imagination pour tenter de faire des économies tout en mettant un peu de goût dans les assiettes. Ainsi, quand elle ne cuisine pas de riz, elle opte pour des pâtes. Mais là encore, elle choisit les marques les plus accessibles, comme Faucon et Panda. « Mo aste Panda, me sa osi inn monte. Ti Rs 17 pake enn liv, aster li vinn Rs 21. »
Minn frir lake lay
Reste également l’option des mines. « Mo pou fer minn frir lake zonion ek lake lay, ek lasos siaw. Avan, nou ti pe met legim osi, me enn lisou inn vinn Rs 100. Pa kapav. »
Comme sa fille aînée est diabétique, Désirée explique qu’idéalement, celle-ci devrait consommer des margozes et des lalos, mais que ces légumes coûtent trop cher. La famille achète un peu de calebasses, mais évite le chouchou, dont le prix a flambé.
Quant au bœuf et au poisson, la famille ne peut se les permettre. « Mo pa rapel kan mo ti manz bef dernie fwa, monn blie », lâche-t-elle. Comme alternative à la viande, Désirée se tourne vers le soja et achète du teokon, qu’elle prépare en rougaille ou en curry. Mais le prix des deux carrés de teokon a aussi bondi ces trois derniers mois, passant de Rs 22 à Rs 35.
Lorsqu’elle se rend au supermarché pour faire ses courses, difficile de franchir le pas devant les conserves, qu’elle avait l’habitude d’acheter avant la crise : soit la boîte de thon, le Corned Beef ou le Luncheon Meat. La boîte de sardines est à Rs 30, au lieu de Rs 18, et la boîte de Saumon (Glenrick) à Rs 92. Quant au Luncheon Meat, tant apprécié par les familles et les enfants, elle se vend désormais à Rs 76,95 (Tulip). Tandis que la boîte de Corned Beef Globe est à plus de Rs 122, contre Rs 156.30 pour le Corned Mutton Watsonia.
MT finn koup nou Wi-Fi
Concernant les couches, là encore, c’est le choc. Le paquet de 28 unités coûte en effet maintenant Rs 280 pour les marques les plus abordables. Quant aux grandes marques, les prix sont tout bonnement inaccessibles pour bon nombre de familles, franchissant la barre des Rs 500 pour le paquet de 50 pièces.
Aux rayons des produits laitiers, comme le fromage et le beurre, toujours pas de répit pour les familles au bas de l’échelle. « Nou ti servi Blue Band, me sa osi finn sorti Rs 50 pou vinn Rs 75. Nou rod se ki meyer marse e mem Tara, ki sipoze enn mark lokal, finn vinn mem pri ki Blue Band», fait-elle comprendre.
Pour corser le tout, ajoutez la hausse du prix de l’huile, celle des uniformes pour sa deuxième fille, avec des robes à Rs 500, sans oublier les blouses. Difficile de joindre les deux bouts pour cette famille. Et son principal loisir, soit la télévision satellitaire (MyT) et le Wi-Fi, relève désormais du luxe. « Mauritius Telecom finn koup Wi-Fi akoz nou pa pe kapav pay abonman » , regrette-t-elle.
Et cette famille n’est pas au bout de ses peines. Comme tant d’autres, elle a une peur bleue que le gouvernement annonce une augmentation du prix du pain. Telle est la hantise de ces compatriotes en difficulté qui, lorsqu’ils n’ont pas assez d’argent pour acheter du riz, se tournent vers le dipin diber pour se remplir le ventre.