Le gouvernement exige dorénavant une assurance à hauteur de Rs 25 M pour le Salvage
Le prix du diesel à la tonne a doublé en l’espace de six mois Rs 21 000/Rs 22 000 la tonne à Rs 46 000 la tonne
Les coopératives engagées dans la pêche semi-industrielle se retrouvent au bord du gouffre, avec des coûts additionnels qu’elles doivent encourir pour assurer le renouvellement de leur permis. Depuis peu, le gouvernement a pris la décision d’imposer une assurance à hauteur de Rs 25 millions pour le Salvage en cas de naufrage. Mohamedally Lallmamode, qui gère le bateau Serenity, déplore l’absence de consultations à ce sujet. Ce nouveau coût, souligne-t-il, vient compromettre davantage ses activités, après la flambée du coût du diesel.
Alors que le ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, a émis le souhait de réduire l’importation de poissons et de favoriser le développement de la pêche locale, la réalité est tout autre pour ceux qui opèrent sur les bancs. Les coopératives engagées dans la pêche semi-industrielle ont en effet pris un coup de massue avec la décision du gouvernement d’imposer une assurance à hauteur de Rs 25 millions pour le sauvetage et la gestion de catastrophes en cas de naufrage. Sans cela, pas de renouvellement possible du permis de pêche dans les eaux territoriales de Maurice.
C’est l’amère expérience que vit actuellement Mohamedally Lallmamode, à la tête de Med Fishing Cooperative Society Ltd, qui gère le bateau de pêche Serenity. Celui-ci, financé par le Food Security Fund, suivant l’élaboration d’un projet par le Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire (MAA), était un modèle pour le développement de la pêche locale. À tel point que le gouvernement, en collaboration avec l’Union européenne, a mis en place un plan, permettant à six coopératives de pêche d’obtenir 50% du montant d’un bateau de pêche semi-industriel pour aller pêcher sur les bancs.
Sauf que voilà que la situation devient très compliquée pour la Med Fishing Cooperative Society Ltd et les autres sociétés de coopérative de pêche. Aujourd’hui, ces opérateurs doivent en effet trouver un minimum de Rs 100 000 pour une assurance de sauvetage en cas de naufrage. « On nous impose une assurance à hauteur de Rs 25 millions pour le Salvage alors que notre bateau est assuré à hauteur de Rs 5 millions ! C’est une aberration. De plus, la décision a été prise sans consultations. J’ai appelé le ministère de la Pêche pour essayer d’en discuter, mais on m’a dit que la décision est déjà prise », regrette-t-il.
Il fait ressortir que les coopératives de pêche ont connu une période difficile, notamment avec deux cyclones et la mer houleuse qui s’en est suivie. « Nous n’avons pas travaillé pendant deux mois et maintenant, lorsque nous devons reprendre, la situation est devenue plus compliquée avec ce nouveau règlement. » Il attire aussi l’attention sur le fait que les coopératives de pêche sont de petits opérateurs dans ce secteur. « Le gouvernement aurait dû nous aider à développer le secteur, mais au contraire, on vient nous mettre des bâtons dans les roues. Je me demande si on impose également ce règlement aux bateaux taïwanais qui viennent pêcher dans nos eaux », ajoute-t-il
Mohamedally Lallmamode fait aussi ressortir que les bateaux de pêche semi-industriels utilisent le diesel Light, et non pas du fioul lourd. « Nous ne sommes pas le Wakashio. Je peux comprendre qu’on veuille prendre des précautions après les récents naufrages. Mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. De plus, nous avons un bateau de 15 mètres, tout comme certains bateaux de plaisance qui opèrent dans le lagon. Est-ce qu’on leur impose les mêmes conditions ? » rappelle-t-il.
Il ajoute que si un bateau semi-industriel s’échoue sur les récifs, cela ne prendrait pas autant de temps que pour le Wakashio ou d’autres palangriers taïwanais pour le remettre à flot. D’où son interrogation sur le montant de l’assurance, à hauteur de Rs 25 millions. « Valeur du jour, on payait l’assurance à Rs 90 000. Il faudra prévoir Rs 100 000 supplémentaires pour l’assurance Salvage. Encore que Rs 100 000 est la plus petite offre d’une compagnie d’assurances. Les autres réclament Rs 200 000 à Rs 300 000 », constate-t-il.
Ce coût supplémentaire, ajoute Mohamedally Lallmamode, vient asphyxier les coopératives de pêche, déjà très impactées par la flambée du prix du diesel. « En l’espace de six mois, il y a eu une hausse de 100% du prix du diesel, que nous achetons à la tonne au port. Le prix est passé Rs 21 000/Rs 22 000 la tonne à Rs 46 000 la tonne. Pour une campagne de pêche, il nous en faut trois tonnes minimum. Cela dépend des bateaux et de la durée de la campagne », fait-il comprendre.
Justement, à ce sujet, les prises ont diminué sur les bancs, précise-t-il. Ce qui fait que les bateaux sont contraints de rester plus longtemps en mer pour pouvoir rentrer dans leurs frais. « Avec tous ces coûts excessifs, on n’aura d’autres choix que d’augmenter les prix. Ce sont les consommateurs qui vont en souffrir. Il est désolant qu’à un moment où l’on parle d’autosuffisance alimentaire, on vienne nous asphyxier avec ce genre de règlement, au lieu de nous soutenir pour assurer la sécurité alimentaire du pays », déclare-t-il.
Si la situation perdure, ajoute Mohamedally Lallmamode, le secteur de la pêche semi-industrielle disparaîtra. Le coût d’opération devient tellement élevé que les coopératives de pêche ne pourront plus survivre. « Nous sommes sortis de la pêche artisanale pour aller vers la pêche semi-industrielle. On voulait faire un pas en avant. Les autorités devraient trouver un chemin de sortie pour cette communauté vulnérable. Surtout que tous nos pêcheurs sont Mauriciens. » Dans la conjoncture, ajoute-t-il, peut-être que les coopératives de pêche seront bientôt dans l’incapacité de rembourser leurs prêts auprès des banques.