L’on ne pouvait mieux commencer le récit du parcours de Premila Jhoty, la première femme opératrice d’engins chez Transinvest, qu’avec une partie du refrain de la chanson emblématique de Cassiya. Après avoir passé des années à travailler dans sa plantation, Premila Jhoty, habitante de Brisée Verdière, a choisi de travailler sur un chantier. Femme accomplie, elle nous raconte son quotidien entourée de poussière, de machines et d’hommes de chantier. Rencontre.
« Quand je suis dans le roller et que je croise d’autres conducteurs hommes sur la route, ils me sourient ou me saluent le pouce levé. Tandis que les jeunes filles, elles, ne manquent pas de jeter un coup d’œil. Et cela veut dire beaucoup pour moi en tant que femme », nous lance Premila Jhoty. Covid oblige, c’est à distance que s’est tenu l’entretien. À l’autre bout de l’écran, Premila Jhoty, souriante dans son uniforme de femme de chantier, nous raconte son quotidien. « L’ambiance est géniale ! Il est vrai que travailler sur un chantier c’est quelque chose, mais souvent, quand mes collègues se parlent entre eux, ils me lancent : Ayo madam, sori. Bous ou zorey », nous lance-t-elle dans un éclat de rire.
En effet, depuis le début de l’année, Premila Jhoty est une femme de chantier. « Une personne m’a signalé qu’il y avait une entreprise qui recrutait et je n’ai pas perdu une seule minute pour postuler », se souvient-elle. Mère de deux grands enfants, dont un garçon étudiant à l’université et une fille au collège ayant obtenu six unités aux examens de la SC l’an dernier, elle n’avait alors jamais mis les pieds sur un chantier, encore moins dans un roller, soit un compacteur pneumatique. Premila Jhoty, qui travaillait essentiellement dans sa plantation, était loin de se douter qu’elle allait un jour devenir la première femme opératrice d’engins chez Transinvest.
Tout sourire, elle nous raconte que « l’accueil était chaleureux » lors de son entretien d’embauche et qu’elle a été acceptée deux jours après. « Je dois avouer que j’ai hésité, parce qu’une femme, seule sur un chantier, cela peut impressionner, mais j’ai été agréablement surprise », dit-elle. Premila Jhoty commence alors sa formation avec un dénommé monsieur Yul, qu’elle remercie. Elle apprend en un rien de temps les b.a-ba de son nouveau compagnon de route, son roller.
« Je ne connaissais rien de cette machine. Avant, quand je la voyais passer sur la route, mo ti pe per-per et je ne m’imaginais pas qu’un jour j’allais en conduire une, mais avec beaucoup de patience et de soutien de mes collègues, j’ai fini par m’habituer, et aujourd’hui je suis comme un poisson dans l’eau dans ma machine », dit-elle. « Et je ne peux expliquer la sensation de conduire un tel engin. C’est extraordinaire. »
« Bann madam, aprann debout lor zot lipie”
Une fois la machine domptée, il lui fallait encore s’adapter à son nouvel environnement de travail, dominé par des hommes. D’emblée, elle nous dit que « je n’ai jamais senti que j’étais différente sur mon lieu de travail et je n’ai eu que des encouragements de mes collègues », dit-elle. Elle finit donc par s’adapter très facilement, avec le soutien indéfectible de sa famille, et surtout de son époux, Sudesh. « Il m’a toujours soutenue. Au réveil, nous préparons tous les deux nos affaires pour aller travailler, et il me dépose à l’arrêt d’autobus de Quartier Militaire, où le van de la compagnie me récupère en direction de Plaine Magnien sur le chantier de Business Gateway », dit-elle. Et ajoute, toujours avec un large sourire, que «dans le van, je suis la seule femme et c’est un plaisir de voir tous ces hommes me dire Bonjour madame.» Elle nous confie que ses proches lui ont organisé une fête en apprenant qu’elle avait décroché le boulot. « Ils étaient tellement contents. »
Bosseuse, l’opératrice d’engins met d’ailleurs un point d’honneur à maintenir l’équilibre entre sa vie familiale et professionnelle. « Je me réveille à 4h30 pour arriver sur le chantier à 7h. Et dépendant de la disponibilité des bus, des embouteillages, etc., je rentre chez moi après 18h, voire 19h, et croyez-moi, ce n’est pas facile. » Elle explique ainsi qu’il est primordial pour une femme qui travaille d’avoir le soutien de sa famille et surtout de son époux. « Les deux, mari et femme, doivent s’occuper de la maison et s’épauler. J’ai de la chance d’avoir un époux formidable », dit-elle.
Et quand elle n’est pas sur le chantier, Premila Jhoty est une vraie maman poule, à s’occuper de ses enfants, de sa famille et de son jardin. « Nous leur avons appris à être indépendants. Et depuis que je travaille, même si je n’ai plus autant de temps, je fais tout pour passer du temps avec ma famille. Par exemple, je ne manque pas de donner des massages de la tête à ma fille qui en raffole. » Quant à son fils, il est un féru de mécanique et de voitures. « Lorsqu’il allait à l’université, il avait des soucis de transport et rentrait tard à la maison. Son père et moi avons alors décidé de prendre un prêt bancaire pour acheter une petite voiture. Ce n’était pas facile, mais nous ne regrettons rien. Nous avons passé notre vie à travailler pour eux et aujourd’hui c’est à leur tour de faire leur bout de chemin », dit-elle.
Premila Jhoty ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et souhaite suivre des formations pour opérer d’autres machines. « Je suis déterminée, et grâce aux encouragements de tous ceux qui m’entourent, notamment la direction, je suis encore plus motivée à avancer. » Elle a aussi un message à passer aux femmes : « Bann madam, aprann debout lor zot lipie, et avancez peu importe le projet que vous souhaitez entreprendre. Lorsque vous avez un travail, vous développerez une autre mentalité et vous aurez une autre vision de la vie. »