« Le gouvernement fait croire à la population qu’il donne beaucoup d’argent aux planteurs pour relancer leurs cultures. Or, ce n’est qu’un effet d’annonce », soutient Krit Beeharry, ex-directeur du National Food Security Committee et membre de Planteurs des Îles, regroupant coopératives et associations de planteurs à travers le pays. Il déplore le même problème en ce qu’il s’agit des subsides annoncés par le gouvernement sur les fertilisants. « Les planteurs sont en colère », dit-il.
« Aux yeux de la population, ce sont les planteurs qui sont responsables des prix élevés des légumes. Non, les planteurs ne reçoivent qu’un soutien déguisé. C’est seulement un effet d’annonce ! »
Alors que le paiement de compensation post-Batsirai a démarré il y a deux semaines, c’est non sans stupeur, aux dires de Krit Beeharry, que les planteurs ont pris connaissance du montant de leur chèque. « Là où certains devraient avoir Rs 24 000, ils n’ont eu que Rs 3 000. Et là où d’autres auraient dû avoir Rs 12 000, ils n’ont eu que Rs 700 », ajoute-t-il.
Le montant de la compensation devrait être basé sur les cultures endommagées.
« Juste après Batsirai, le Small Farmers Welfare Fund (SFWF) avait émis un formulaire pour permettre aux planteurs de déclarer leurs pertes dans les champs. Le SFWF a recueilli les fiches de quelque 5 000 planteurs en ce sens. Ces pertes sont vérifiées par le FAREI. D’après les Cabinet Decisions, Rs 6 000 devaient être allouées par arpent pour relancer les cultures affectées. Or, le paiement s’est fait par rapport à l’état de la plantation au moment où le planteur s’était enregistré en tant que tel. Cela ne veut pas dire que le planteur cultive la même quantité de légumes que quand il avait démarré. Il peut produire bien plus », s’insurge Krit Beeharry.
Il regrette ainsi que « le gouvernement laisse croire à la population qu’il donne beaucoup d’argent aux planteurs pour relancer leurs cultures. Il donne Rs 6 000 par arpent. Certes, c’est un soutien, mais il n’y a pas un plan défini pour dire comment je dois utiliser cet argent pour rattraper les pertes. »
Il se demande pourquoi la compensation ne se fait pas par rapport aux pertes déclarées dans le formulaire et pourquoi elle ne se fait pas par rapport aux productions constatées par le FAREI sur le terrain. « On nous paie par rapport au bout de terrain que nous avions quand nous étions enregistrés comme planteur », proteste-t-il.
Il met en outre en avant que le manque de soutien aux planteurs n’est pas sans répercussions sur les prix des légumes, qui resteront élevés. « Il est inacceptable qu’un foyer doit dépenser Rs 5 000 à Rs 6 000 par mois seulement sur les légumes », s’indigne-t-il, soulignant que si les prix des légumes ont pris l’ascenseur, « ce n’est pas la faute aux planteurs, mais celle du gouvernement ».
« Pour faire baisser les prix, il importe de donner à la communauté des planteurs le soutien et les moyens nécessaires. Si vous ne soutenez pas les planteurs en termes d’argent, soutenez en termes de semences. Aux yeux de la population, ce sont les planteurs qui sont responsables des prix élevés des légumes. Non, les planteurs ne reçoivent qu’un soutien déguisé. Les planteurs sont en colère », poursuit-il.
Krit Beeharry tient à rappeler qu’en novembre, le pays a été frappé par la sécheresse, en décembre, par des Flash Floods, en janvier et février, par des cyclones, et en mars, par d’autres Flash Floods. « Il est difficile pour un planteur, suite à l’impact des calamités naturelles, de redémarrer sa culture comme il se doit. Si j’ai l’habitude de cultiver des légumes sur 5 à 6 arpents, je ne pourrai redémarrer que sur un demi-arpent. Et quand le planteur n’a plus d’argent pour investir, la production s’amoindrit », fait-il comprendre.
Il regrette par ailleurs l’annonce du gouvernement de donner des semences de pâtisson, de pomme d’amour et de concombre.
« Nous n’avons rien reçu, si ce n’est des graines de haricots. Ce n’était que des effets d’annonce là encore », dit-il. Une autre question que se pose le porte-parole de Planteurs des Îles : « Que se passera-t-il avec les planteurs non enregistrés, mais qui produisent des légumes ? Juste parce qu’ils ne sont pas enregistrés, ils ne peuvent recevoir de soutien ? »
L’ex-directeur du National Food Security Committee décrie d’autre part « la lenteur avec laquelle se fait le paiement de la compensation ». Il dénonce ainsi un système “red tape”. « Il y a beaucoup de choses qui doivent retourner au ministère avant d’être réalisées, et le ministère prend son temps. On ne fait que ralentir l’investissement dans l’agriculture, ce qui mène à une pénurie d’aliments et une flambée des prix. »
Pochette d’engrais de Rs 400 à Rs 1 300
Au chapitre des fertilisants, « les prix ont grimpé de 200 à 300% », dit-il. « Une pochette d’engrais à Rs 400 en 2020 est aujourd’hui vendue à Rs 1 300 ! Imaginez l’impact sur la production ! » fait ressortir le planteur. Il fait voir que pour faire face à ce problème d’augmentation des prix des engrais, nombre de pays ont introduit un programme de subsides.
« C’est essentiel, sans quoi la production sera ralentie. Quand un gouvernement sait qu’il y aura un problème d’engrais, il aide les planteurs à ce niveau pour que la production ne soit pas ralentie. Par exemple, si le planteur peut acheter Rs 1 000 d’engrais, la même quantité qu’il avait pour Rs 1 000 coûte aujourd’hui Rs 2 500 à Rs 3 000 », indique-t-il.
Krit Beeharry regrette encore qu’annoncé en novembre à travers les Cabinet Decisions, le programme d’aide au niveau des engrais « n’a commencé qu’en février ». Il développe : « Donc, l’effet aurait dû être rétroactif. Une fois cette mesure annoncée, le planteur a investi dans la production en pensant qu’il recevra cette aide. Or, en février, on dit que ce n’est pas rétroactif. Le planteur a donc payé le fertilisant de sa poche. Il n’y a pas eu de subside. »
Il décrie en outre le fait que les subsides sont offerts par rapport au guide agricole. « Je crois que le ministère est tombé sur la tête. Qu’est-ce qu’un guide agricole ? Ce n’est qu’un guide, cela ne tient pas compte des réalités du terrain. Tous les sols ne sont pas pareils dans toutes les régions. On est en train d’utiliser ce guide pour dicter aux planteurs ce qu’ils doivent faire ou pas. Est-ce que ce guide est approuvé scientifiquement ? »
Il ajoute : « Ce n’est donc pas vrai que le gouvernement donne Rs 7 500 par arpent par an comme subsides pour les fertilisants. C’est un effet d’annonce. Cela aurait été plus facile pour le planteur de se procurer les fertilisants lui-même, avec des reçus comme preuve d’achats. Aussi longtemps que sa production est là et qu’il a ses reçus… ».
Krit Beeharry soutient que plusieurs planteurs ont sollicité une rencontre avec le ministre de tutelle pour lui faire part de toutes leurs doléances. En vain.