Les vrais coupables

Reza Uteem a définitivement réalisé une bonne opération avec le dernier rapport du Public Accounts Committee. Oui, on dira que c’est un énième rapport accablant étalant le degré de contournements des lois et de corruption qu’a atteint le service public. Et rien n’en sortira. Peut-être. Mais là où le président du MMM a signé une vraie nouveauté, c’est lorsqu’il a pu réunir tous les membres du comité qu’il préside, ceux de la majorité compris, pour un face-à-face avec la presse et pour dresser un constat unanime des dérives de la gestion des finances publiques. Cela se passe comme ça aux Commons et pas seulement pour le PAC, mais pour bien d’autres comités parlementaires importants qui ont la responsabilité et le devoir de critiquer et sanctionner l’exécutif. On n’en est pas encore là. Malheureusement.

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Dans le scandale des achats Covid extravagants de 2020, une somme de Rs 1,2 milliard au total, un fonctionnaire a reconnu avoir eu des instructions verbales du ministre pour procéder à des acquisitions express et même auprès de fournisseurs absolument inconnus sur la place. Cela n’a surpris personne. Surtout ceux qui ont suivi de près les travaux du High Level Committee présidé par le Premier ministre sur le Covid, ceux de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, ainsi que les nombreuses joutes parlementaires où le ministre « coucouroucoucou » de la Santé a été mis à rude épreuve et a été incapable de justifier sinon expliquer comment ces achats ont pu être effectués. En violation de tous les règlements régissant les marchés publics.

Il faudra aussi rappeler, au-delà des observations du PAC sur la responsabilité des fonctionnaires et des exécutants donc, que ce fameux High Level Committee présidé par Pravind Jugnauth a choisi de ne tenir aucun procès-verbal de ses réunions et de ses délibérations. On purpose ? On ne sait pas, comme on ne saura jamais qui a donné quelles directives pour acheter quoi et qui a favorisé qui. Ce que l’on sait pour sûr, par contre, c’est que c’est nul autre que le Premier ministre lui-même qui a fièrement dit que l’on devrait féliciter Pack&Blister pour nous avoir procuré des respirateurs… qui se sont révélés défectueux, et qui est partie avec Rs 77 millions de l’argent du public.

Dans cette affaire, il ne faut pas non plus oublier qu’il y a eu une correspondance échangée entre le conseiller du Premier ministre Zouberr Joomaye et ladite firme Pack & Blister un samedi après-midi de mars 2020. Pour se justifier, le conseiller avait soutenu que son rôle était de vérifier la qualité des respirateurs, comme si les médecins du public n’avaient pas la compétence pour le faire. Et le plus important dans ses explications, c’est qu’il a tenu à dire que « l’achat des respirateurs a été validé par le High Level Committee. » Nous y voilà. Au cœur de toute la problématique du scandale des achats Covid qui ont profité aux petits malins qui, eux-mêmes, ont profité qu’il n’y ait pas de procès-verbaux, donc pas de trace des directives données par les membres de l’exécutif pour “bangoler” allègrement et favoriser quincailleries et bijoutiers.

Après que le blâme a été déposé aux pieds des fonctionnaires, certains aussi véreux que les ministres qu’ils servent, il faut aussi s’intéresser sinon s’attaquer aux donneurs d’ordre. Un ministre de la République est responsable de tout se qui se passe dans son ministère et il doit répondre de tout, de ce qui va mal et pas seulement de ce qui va bien.

C’est notre système de gouvernement qui veut que cela soit ainsi, et c’est ce qui explique que des ministres de la Santé ailleurs et, en Afrique notamment, aient été contraints à la démission pour bien moins que la scandaleuse saga de Covid qui s’est déroulé chez nous. Et ce qui explique aussi que, suivant des accidents de train, des ministres du transport quittent leur poste. Ici, le « pa mwa, sa li sa » a été érigé en dogme absolu et en échappatoire commode. Cela sert surtout les corrompus de tout acabit. Le rapport du directeur de l’Audit sera déposé le 29 mars, jour de la reprise des travaux parlementaires. Que diront les ministres ? Qu’ils ne savent rien ? Mais à quoi servent-ils donc ? C’est la question qu’il faudra un jour ou l’autre poser ?

Pour la pension et l’huile, c’est pareil. On a entendu les explications farfelues des fonctionnaires et de la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo sur la décision de payer la pension le 4 du mois suivant un décret du conseil des ministres pris sous la présidence de Pravind Jugnauth le 18 septembre 2021. La ministre a même évoqué Rs 1,5 million d’économies mensuelles réalisées après avoir puni l’ensemble des personnes du troisième âge et en leur payant leur dû le 7 du mois de février et de mars. So what ? C’est le salaire mensuel de quelques potentats du régime. Et un cinquantième des millions parties en fumée avec Pack & Blister !

Quant à l’huile, c’est devenu vraiment glissant depuis que la directive du ministère du Commerce à la Chambre de Commerce et d’Industrie a fuité vendredi. Les Mauriciens, déjà informés par leurs parents et amis qui étaient dans le secret de la décision, ont fait main basse sur le liquide dès vendredi et, hier, c’était la ruée sur l’huile. Avec une directive qui n’a aucune force de loi, les friands de fritures et autres beignets ont vite fait de faire le tour des supermarchés et des boutiques pour constituer leur stock, chaque membre de la famille partant avec ses deux litres. On peut imaginer ce qu’a ramené à la maison une famille de cinq personnes qui aura fait le tour des trois supermarchés de sa région ! Et le ministre qui est venu avec des explications bancales et qui a été incapable de justifier une décision qui a provoqué la panique chez certains consommateurs.

Voilà pourquoi dénoncer c’est bien, débusquer les maldonnes est une vraie exigence, mais identifier les vrais coupables et les traduire devant la justice demeure l’ultime enjeu. Lorsque tout aura été dit !

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