Tamaz, lafwinn, mayo, robert krab… Des mots en voie de disparition, qui racontent une autre époque. Celle des Chagos et de son peuple, déraciné de sa terre natale à compter des années 60’. Toute une culture s’éteint peu à peu, tandis que s’étendent les disputes entre Maurice et l’Angleterre sur la souveraineté de l’archipel, au cœur de l’océan Indien. Un pan de l’histoire chagossienne se transmet, toutefois, à travers les œuvres de Clément Siatous, exposées au Caudan Arts Centre du 10 au 17 mars.
Au premier abord, les tableaux n’ont rien d’impressionnant. Des peintures à l’huile de bateaux, de gens, de mer et de noix de cocos, dont la technicité et la précision pourraient faire tiquer. Cependant, les récits que renferment ces travaux embarquent dans la mémoire vive de cet enfant de 13 ans, interdit dans son île vers le début des années 60′, soit après avoir gagné Maurice avec sa mère, pour des raisons médicales.
A 75 ans, Clément Siatous raconte patiemment l’importance de chaque détail décliné sur ses toiles. Des récits d’une vie et d’une culture inconnues. Des peintures qui ramènent notamment à cette économie basée principalement sur la culture de noix de coco, qui faisait vivre tout un peuple.
Il y a aussi le sourire omniprésent des personnages pêchant, ramassant des fruits tombés des haut cocotiers, se baladant sur des plages vierges de développement. Ou encore s’exerçant à dépecer le coco, dont la chair sera extraite, l’huile sera conservée, et la coque sera exportée vers Maurice.
Une vie « tranquille », raconte le Chagossien, qui a élu domicile à Cassis depuis son jeune âge. Soit quelques temps après le fameux rassemblement autour d’une bâtisse en bois au toit rouge.
Ce jour-là, de nombreux Chagossiens entendent de la bouche des administrateurs que « nou zil inn fini vande », explique Clément Siatous, en regardant le tableau retraçant cet épisode.
Les scènes prennent alors une tournure dramatique. Le Nordvaer de même que d’autres navires transgresseront les eaux cristallines pour démembrer les Chagos. Les familles ramassent abruptement leurs biens, avant d’être déportées vers Maurice, les Seychelles et Agaléga. Où beaucoup seront confrontées à dans des conditions de vie inhumaines.
Le peintre confie avoir hésité, sur certains tableaux, à y introduire des armes aux mains des militaires étrangers, dépêchés pour cette opération. Ce qui ne sera pas le cas pour cette scène où des femmes se battent sur la jetée afin de rester sur leur île natale.
Puis viendront les embarcations militaires arborant le pavillon des Etats-Unis, escortées par des sous-marins.
Ayant appris à peindre par lui-même, Clément Siatous a exposé la tragédie des Chagos en Amérique, au Brésil et en Angleterre. Cette passion l’anime toujours au vu de ses mains tachetées de peintures. De même que le crayon qu’il garde précieusement dans une sacoche, toujours à porter de main.
L’espoir d’un retour aux Chagos semble s’estomper au fil des années. Mais sa mémoire, elle, ne s’y est jamais détachée.
Disputes internationales
La tension entre Port-Louis et Londres est montée d’un cran avec l’expédition du Bleu de Nîmes à Blenheim Reef, en février. Le drapeau mauricien hissé, à l’occasion, sur Peros Banhos a été enlevé par les Britanniques. Ces derniers ne reconnaissent nullement la souveraineté de Maurice sur l’archipel, et ce, malgré l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice de la Haye en ce sens. Cette instance a, d’ailleurs, souligné l’occupation jugée illégale des Chagos par la Grande-Bretagne.