Le Guide - Législatives 2024

Du « Common Sense » versus  Oppression et « Chatwa Culture »…

AICHAH SOOGREE

- Publicité -

La Covid-19 a provoqué une série de chocs et de contraintes ainsi qu’une perte de sens. Le monde d’après est horrible, on se prend le changement climatique en pleine face; les conflits armés (Yémen, Palestine, Afghanistan, Ukraine), les augmentations de prix, les inégalités grandissantes, la destruction accrue des écosystèmes… Le « Common Sense » diraient les uns – ‘lespri’ diront d’autres pour expliquer qu’on agit avec intelligence, clarté et logique – a foutu le camp. Le monde d’après est de plus en plus illogique mais le pire, c’est qu’on nous prend pour des « kouyon » !

L’indépendance ! Notre indépendance de l’esprit colonial se reflète dans notre regard sur notre histoire. Notre goût pour l’élitisme se traduit par un besoin de chercher ‘de grands hommes’. Ainsi, il y a quelques semaines lorsque le musée de l’esclavage rendait public un ouvrage sur Cossigny, les mains expertes des artisans et autres ouvriers (sans oublier les ouvrières) n’étaient pas au rendez-vous.

Le manque de finances pour les recherches est un fait mais aussi longtemps que nos institutions seront dirigées par des nominés, peut-on espérer que ceux-ci nous fassent progresser en tant que société ? Ce n’est pas la volonté et les chercheurs qui font défaut mais bien la démarche politique. Les archives ne sont pas accessibles à tous, puisque payantes entre autres. Des chercheurs qui entreprennent des recherches sur les personnes mises en esclavage le font sur leur temps à eux. L’interprétation de la vie sous la colonisation est restée pendant longtemps celle des classes privilégiées et aucune remise en question sérieuse de ces récits n’a été menée. La dignité est un droit humain, pourtant nous n’avons pas rendu leur dignité à ceux qui ont construit ce pays.

Le dialogue ne peut se faire entre personnes de la même classe sociale dans un pays où l’inégalité n’est pas seulement le résultat d’un contexte international difficile. Il y a beaucoup à dire mais commencer par reconnaître que notre goût pour les privilégiés nous tue serait un début.

On parle de souveraineté alimentaire à chaque crise économique et pourtant on regarde de haut ceux qui s’échinent à nous donner de quoi manger. Les tout-petits planteurs peinent à trouver des terrains, à s’inscrire dans une agriculture bio (parce que sans certifications qui coûtent la peau des fesses) et à vendre leurs produits. L’État préfère donner des millions en cadeau à certaines compagnies important des pesticides et d’allouer des terrains à des projets massifs sous monoculture…

Le logement ou relogement des ‘personnes en détresse’ demeure un domaine où le privilège l’emporte. Le ministre Obeegadoo, l’homme qui avait décidé en pleine pandémie qu’il fallait déloger des ‘squatters’, nous a sorti une expression type qu’on entend depuis plusieurs années : « Les familles méritantes ». Dans ce pays où les nominations et la Chatwa Culture sont légion, ceux au plus de l’échelle sociale passent leur vie à expliquer qu’ils méritent d’avoir un minimum de confort qui correspond à leur droit à la dignité. Et ce, alors que des dirigeants prennent des décisions qui sont loin d’être dignes. Il faut arrêter de dire que des jeunes adultes vivant chez leurs parents ne sont pas des personnes en quête de logement, que les petites mains de ce pays méritent moins d’être logées que les classes plus aisées, qu’il y a des gens qui ne fournissent pas d’effort…Parce que la vérité ne se décline pas en personne pas méritante et personne pas du tout méritante mais plus entre des papasseries interminables, le manque de moyens (financier, physique, mental). Il serait réaliste de reconnaître que le droit de se loger n’est pas échangeable contre le droit à la dignité, c’est fatigant de quémander, de « traser » ! C’est quand qu’on a eu une politique de logement digne ? Et adding insult to injury d’entendre un homme privilégié avancer que clairement ceux qui vivaient dans une maison ‘indigne’ touchée par les cyclones ne sont pas dignes d’un logement ! C’est comme le fait de ne pas reconnaître le vol de terrains avec une inclination ‘légale’; notre législation n’a-t-elle pas autorisé cela plus d’une fois au cours de notre histoire? (Se référer aux travaux de la Commission Justice et Vérité). Et vous les élus, êtes-vous méritants de la confiance, des votes de vos concitoyens ?

Au-delà de toutes les inepties qu’on nous a sorties pour la Journée (des droits) de la Femme, quand la ministre concernée décidera-t-elle de s’indigner de la condition des femmes en prison ? Est-ce normal aussi que l’on continue à mettre de côté la scolarisation des ‘enfants’ en ‘détention’ (RYC, CYC)? Déjà il n’est pas normal que des légistes, magistrats et autres auxiliaires de justice ne reçoivent pas de formation poussée en matière de violences sexuelles et traumatismes liés à celles-ci ; que la police serait toujours ‘super’ avec les femmes (avec ou sans organes reproductifs) qui rapportent des cas… Il faut, de surcroît, que le droit à l’avortement reste un droit pour les plus aisés… Parce qu’on connaîtrait tous au moins une personne ayant eu recours à une interruption de grossesse, mais finit en prison, cela reste un privilège pour des femmes au bas de l’échelle… Et cerise sur gâteau, vous avez droit aux commentaires désobligeants ! Le mot « féminicide » fait partie du dictionnaire et il serait temps que les médias le sachent ! Ce n’est pas un secret que la violence à l’égard des femmes ne va pas en déclinant mais trouver des excuses ou essayer de diluer les choses n’aident pas à reconnaître que nous sommes en société patriarcale. Une radio privée du matin même du 8-Mars donne une couverture qui tend à normaliser la violence à l’égard d’une femme de 25 ans tuée…

L’échouage des navires/bateaux à Pointe-aux-Sables et Bain des Dames

Le déni, c’est un virus qui semble être hautement transmissible au ministère de la Pêche et à la MPA. Tout va bien, nous a-t-on répété alors que des pêcheurs et des habitants pouvaient constater que l’eau de mer et du carburant se mélangeaient. La MPA a même sorti un communiqué pour nier cela en évoquant un ‘Pad Test’. Ki ete sa? Kouma fer sa? Kotsa inn fer sa ? On nage en eaux troubles pour les détails. Genre, la vie marine, vous savez les poissons, les oiseaux qui se nourrissent des poissons, les algues… on s’en balancerait, et pas seulement au ministère et à la MPA !

Nous les habitants, on a droit à la pollution ballast waters depuis des années, aux bateaux qui « rat target », à la prolifération des espèces invasives, à la raréfaction des espaces communautaires, aux usines qui polluent l’air, la terre et l’eau. Il faut aussi dire ‘mersi Misie’ quand on nous permet de nager dans des eaux polluées!

Le fait que le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’ait pas eu une couverture digne de ce nom en dit long. Alors, entre les jeunes qui tentent de s’évader à travers la drogue, en quittant le pays, et ceux qui tentent de changer les choses, le traitement des autorités (et médias) de ceux au plus bas de l’échelle, la Chatwa Culture…notre dignité doit-elle continuer à s’effacer devant certains ?

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -