En février dernier, Bobby Hurreeram, au nom du MSM qui gouverne le pays, se réjouissait que Maurice était classée parmi les 21 pays considérés comme entièrement démocratiques, selon le rapport de l’Economic Intelligence et que le pays était le seul pays d’Afrique figurant sur cette liste. Ce rapport indépendant, a-t-il bien précisé, prenait en considération des critères précis, notamment les processus électoraux. Que dira-t-il cette fois sur le rapport V-Dem Institute de 2022 qui est paru fin février et qui classe Maurice carrément comme un pays autocratique ? Le silence du gouvernement était déjà assourdissant lorsqu’en 2021 cette institution avait classé Maurice parmi le top 10 des pays en voie d’autocratisation pour la période de dix ans se terminant en 2020.
Le rapport 2022 de V-Dem ne pourra rester sans réponses cette fois, car les conclusions de cet organe suédois, dont la réputation de rigueur et de méthode est incontestable, car Maurice est pointée du doigt par trois conclusions au moins par l’organisme de veille de la démocratie dans le monde :
•Elle est d’abord citée parmi les 11 pays qui ont reculé sur le plan démocratique en 2021 comparé à 2011. À cette enseigne, le rapport écrit nommément : « Four countries in sub-saharian Africa made democratic progress : Madagascar, Malawi, Seychelles and the Gambia. But more than twice as many — eleven countries in the region — declined compared to 2011 : Benin, Botswana, Ghana, Ivory Coast, Mali, Mauritius, Mozambique, Tanzania and Zambia. »
•Maurice est également citée comme faisant partie des 5 des 10 top autocraties depuis 2011 à aussi avoir été parmi le gratin des autocraties pour les trois dernières années. « In comparison, five of the top 10 autocratizers since 2011 have also been top autocratizers in the last three years. Benin, El Salvador, Mali, Mauritius, and Poland qualify as top autocratizers both in the long-term and short-term windows. These are countries where the process of autocratization has both been ongoing for a long while and continues in the present.»
•Maurice s’est aussi fait remarquer par l’institut d’étude suédois pour la censure des médias. « Freedom of expression is another area that leaders in autocratizing countries frequently batter. The data show substantial deterioration in government censorship of the media and harassment of journalist in 21 autocratizing countries. For instance, increased media censorship took place in Mauritius, Poland and Slovenia. »
Il est évident qu’avec de telles accusations, l’image immaculée du modèle de démocratie de Maurice craquelle et aura des répercussions internationales. D’autant qu’au même moment, ce sont les Seychelles, nos voisins de l’océan Indien, connues pour leur longue période de dictature, qui cumule les bons points pour sa progression vers une démocratie.
Les conclusions de V-Dem ne sont à Maurice pas un secret de Polichinelle pour la population locale et les chancelleries internationales qui ne se font pas prier pour pointer du doigt l’État mauricien, surtout en ce qui concerne les atteintes à la liberté de la presse lorsqu’ils émettent leur rapport.
Cela n’arrête en rien le pourrissement continu de la plupart de nos institutions démocratiques — l’ICAC, la justice à certains échelons, la police, la MBC et le Parlement entre autres — contrôlées par les “chatwas” proches du pouvoir qui ont mis en mal leur indépendance et leur fonctionnement normal.
La liberté d’expression et des médias menacée
Le nombre de pays dont les 20 principaux indicateurs ont diminué de manière substantielle et significative entre 2011 et 2021. Les conclusions font écho selon lequel les menaces à la liberté d’expression et aux médias s’intensifient. Tous ces indicateurs se retrouvent dans le top 20 de la liste avec une détérioration significative dans 25 à 44 pays, et les efforts des gouvernements pour censurer les médias sont bien placées.
La présence de six indicateurs critiques de la démocratie libérale parmi les 20 principaux indicateurs en déclin est remarquable – y compris l’indépendance des hautes cours et le contrôle de l’exécutif. Ces six ont pris une direction autoritaire dans 25 à 32 pays.
Les indicateurs constituant l’indice des élections propres déclinent dans relativement moins de pays. Mais force est de constater que l’autonomie décisive de l’organe de gestion électorale (OGE) se détériore dans 25 pays.