Les membres de la communauté hindoue ont repris progressivement le pélerinage vers Ganga Talao, en marge de Maha Shivaratree, la grande nuit de Shiva qui sera célébrée ce mardi 1er mars. Pandémie oblige, cette année encore, l’espace principal menant au lac sacré et gardé par le dieu Shiva et la déesse Durga ne sera pas envahi par cette habituelle belle marée humaine ainsi que par de beaux kanwars richement colorés, décorés, enluminés par les dévots venant des quatre coins du pays. C’est en nombre limité que ces derniers convergeront vers les rives du lac sacré.
À l’instar des membres du Ecroignard socio cultural group qui se sont rendus à Grand-Bassin, vendredi dernier, avec leur petit kanwar sur les épaules. Ces derniers ont opté pour les petites structures, comme celles que portaient, jadis, leurs aînés.
Chaque année pour la fête Maha Shivaratree, la région humide et montagneuse de Grand-Bassin offre ses rues et ses temples à des milliers de dévots qui viennent des quatre coins du pays pour rendre hommage au dieu Shiva. Cette fête, la plus importante de la communauté hindoue, est aussi l’occasion pour les pèlerins de rivaliser de créativité et d’ingéniosité à travers leurs kanwars, une structure qui représente le temple, la maison de Dieu. Elle se construit à partir de diverses matières naturelles: bambou, plywood, et est ornée de fleurs. Chaque année, pour la fête Maha Shivaratree, ces structures, les unes plus imposantes que les autres, mettent en scène des shivling géants, représentation la plus emblématique de la religion hindoue. Elles prennent également diverses formes: des bateaux, des serpents ou des rats longs de plusieurs mètres.
Mais depuis quelques années, certains dévots ont choisi d’adopter les petits kanwars traditionnels, comme ceux utilisés par leurs aînés. Pour l’Ecroignard socio cultural group, finies les grandes et imposantes structures qui attirent toujours les regards depuis 2013. Si l’association, qui regroupe une trentaine de membres, a choisi d’opter pour les petites, discrètes et légères structures, c’est parce que, nous dit le secrétaire Mayoor Sobron, « nous nous sommes rendus compte que nous étions en train d’encombrer les rues et de freiner la circulation. Nous en avons discuté avec nos aînés afin de trouver une solution. Pour eux, s’encombrer d’une imposante structure n’est pas indispensable. Autrefois, les kanwars étaient des petites structures très simples servant à porter l’eau du lac sacré jusqu’à la maison ».
Toutefois, petit ne veut pas nécessairement dire simple. Cette célébration est l’occasion pour ces habitants de ce village de Flacq d’être créatifs et de se réaliser dans l’art. Pour leurs kanwars, ils ont choisi d’utiliser les 3 principaux symboles de l’hindouisme: le Trishul ou trident (une arme à trois pointes représentant diverses trinités, dont le passé, le présent, le futur), le Aum (symbole le plus sacré considéré comme la vibration divine de l’univers qui représente toute existence) et le Swastika (symbole de bien-être représenté par une croix de quatre potences). Après s’être inspirés du Trishul et du Swastika en 2017 et 2018 pour la confection de leurs kanwars, ils ont, cette année, voulu continuer de véhiculer de belles énergies positives à travers le Aum. « qui signifie le son le plus sacré de l’univers; tout commence par le Aum », dit Mayoor Sobron. Dans le climat nocturne, la pièce ornée de fleurs décoratives est éclairée avec soin par des leds.
En file indienne
À Ecroignard, ce petit village du district de Flacq se situant entre Camp Ithier et Bramsthan, tout le monde participe à la construction manuelle des kanwars, même les plus jeunes. « Nous étions une trentaine à nous adonner à la construction manuelle des kanwars. Cette pièce a été réalisée en plywood, fleurs décoratives et guirlandes, et montée l’année dernière, mais nous n’avons pu l’utiliser à cause du confinement. Alors, nous l’avons emballée et conservée », nous dit le professeur de Design and Technology au New Educational College, Bel-Air Rivière-Sèche.
Cette année, dans la même dévotion, ces pélerins de l’Est se sont rendus à Grand-Bassin et ont pu porter leurs petits kanwars sur les épaules. « À cause de la situation sanitaire, nous étions à 18 cette année et une quinzaine seulement à porter les kanwars. Et exceptionnellement, pas de femmes ni d’enfants. Nous nous sommes rendus au lac sacré vendredi dernier par un moyen de transport et regagné le village le lendemain à pied, tout en chantant le mantra Om », raconte-t-il.
Réputé à Maurice pour sa grande discipline, le groupe a entamé la marche jusqu’à l’Est en file indienne. Afin de se restaurer, ils ont apporté avec eux de l’eau et de la nourriture. « Nous savions que nous ne disposerions d’aucunes facilités cette année. En plus de l’eau et de la nourriture, nous nous sommes organisés en apportant une mini tente et une vingtaine de chaises pour nos différentes haltes », nous dit le secrétaire de l’association.
Pour rendre grâce au dieu Shiva, ils se sont rendus à tour de rôle, par groupe de 10, sur le lac, silencieux et recueillis. Avant de se rendre au Shivala pour verser l’eau sacrée sur le shivling.