Des graffitis demandant de « dégager les lieux » illustrent l’exaspération des Réunionnais sur les dégâts causés par le pétrolier mauricien
Le souteur sous la menace d’une dislocation imminente avec des cavités de plus en plus béantes dans la coque
Le pétrolier «mauricien» MT Tresta Star, qui s’est échoué pendant le cyclone Batsirai sur la côte sud-est de La Réunion, est devenu indésirable chez les Réunionnais. Outre le fait qu’il est en train de se désagréger comme témoigné par une brèche qui s’agrandit de jour en jour à bâbord du souteur, exposé à la forte houle provoquée par le passage récent du cyclone tropical Emnati, des parties de la coque ont également été arrachées, laissant apparaître un trou béant de plusieurs mètres par lequel l’eau peut pénétrer dans le navire. Les autorités disent aussi craindre une dislocation imminente avec des morceaux du navire se brisant et coulant sur place ou s’échouant sur la côte. Cette situation qui s’accompagne aussi d’une pollution huileuse au large de St-Philippe crée des réactions de colère à l’île sœur, où des associations de défense de l’environnement et celui plus médiatisé du graffeur Jace qui a peint sur le bateau des graffitis sans équivoque : « Stationnement gênant, prière de dégager les lieux… »
Le graffeur réunionnais Jace a signé un message engagé concernant la pollution marine. Il a publié sur sa page Facebook une photo du Tresta Star avec son célèbre graffiti dessiné sur la coque. « Stationnement gênant, prière de dégager les lieux… » Le célèbre graffeur réunionnais prouve dans sa dernière publication sur sa page Facebook que son sens de l’humour peut aussi traduire un ras-le-bol qui monte en puissance à l’île sœur. Une performance audacieuse qui est d’ailleurs déjà plébiscitée sur les réseaux sociaux.
Des voix s’élèvent
En effet de nombreuses voix s’élèvent contre les conséquences de l’échouement du navire Tresta Star sur les côtes réunionnaises, alors que les autorités et en particulier le ministre des Outre-Mer Sébastien Lecornu s’étaient très rapidement montrés rassurants en déclarant qu’il n’y avait « pas de risque de pollution maritime grave par hydrocarbure. » En outre, trois organisations non-gouvernementales locales, à savoir Attac, Extinction Rebellion et Greenpeace, ont accusé les autorités de ne pas prendre les mesures appropriées pour éviter une telle pollution puisque le fioul était resté dans les réservoirs du navire.
Ce qui inquiète davantage à La Réunion, ce sont les rejets de liquide huileux attendus dans les prochains jours après qu’une nappe de pétrole de 2,5 km de long a été signalée au large de Saint-Philippe. Un plan de lutte contre la pollution marine a été initié après le passage du cyclone Emnati, mais jusqu’ici la situation est loin d’être maîtrisée. La fuite d’eaux mazouteuses de ses cales, la présence de boulettes de fuel et une nappe d’huile a également été constatée à Sainte-Rose. Des moyens POLMAR Terre pour nettoyer la zone, demain lundi 28 février, a été enclenchée par la préfecture de La Réunion.
Du renfort attendu ce dimanche
En effet, le commandant supérieur des Forces armées françaises d’Outre-Mer a par ailleurs donné l’ordre au Champlain, navire militaire de soutien et d’assistance Outre-Mer, d’interrompre sa mission en cours dans le nord-ouest de Madagascar pour rejoindre La Réunion afin de pouvoir être mobilisé dans le cadre de ces opérations de dépollution. Celui-ci est attendu à La Réunion aujourd’hui. Il doit embarquer à son arrivée un lot d’équipements antipollution et des experts du domaine de la base navale de Port des Galets avant le lancement opérationnel de la mission ce lundi 28 février.
La préfecture de La Réunion est aussi très préoccupée par l’état de dislocation progressive du MT Tresta star. Ce bateau — dont l’armateur est une filiale d’une société indienne, également appelée Tresta Trading, appartient à Shiny Shipping and Logistics, une société basée en Inde — pourrait se désagréger, d’autant qu’il est désormais désaffecté.
Cette nouvelle donne a permis aux membres de la société de sauvetage chinoise Lianyungang Dali Underwater Engineering et de la société grecque Polygreen, recrutés immédiatement après l’échouement, de plier bagage. En effet, Il avait été convenu avec Lianyungang Dali Underwater Engineering et Polygreen, qui venaient d’achever le démantèlement de la proue du MV Wakashio à Maurice, qu’un premier transfert d’huile serait effectué deux jours après leur arrivée à La Réunion.
FOS pour reprendre le sauvetage ?
De deux jours, le délai est passé à deux semaines. Les deux sociétés expliquent qu’elles ne peuvent continuer à travailler sans paiement. Une telle opération coûte de l’argent. Il y a, entre autres, la location d’un hélicoptère et de divers équipements. Ils quitteront La Réunion cette semaine en raison, selon la presse réunionnaise, de défaut de paiement des propriétaires.
Des informations circulent à l’effet que la compagnie grecque Five Oceans Salvage (FOS), dont des responsables étaient sur l’île sœur il y a une semaine pour une expertise de la coque du Tresta Star, reprenne l’opération. FOS est connu pour avoir en juillet 2016 enlevé le MV Benita des roches près du Bouchon, non loin du lieu d’échouage du MV Wakashio. Concernant le Tresta Star, une enquête a été lancée par les autorités mauriciennes et des entretiens sont menés avec des membres d’équipage. « Il est inconcevable que ni l’armateur, ni l’agent maritime, ni les autorités portuaires n’aient pris l’initiative de donner suffisamment de carburant à cette barge pour aller en haute mer au passage de l’intense cyclone tropical Batsirai », explique un marin.
« Ils auraient dû la ramener au port au lieu de lui demander de partir avec 8 tonnes de carburant dans sa cale. Bien sûr, elle va s’effondrer ! Elle peut contenir jusqu’à 250 tonnes de carburant. 8 tonnes ! C’est la lie au fond d’une bouteille de vin… On va aller vers une autre catastrophe avec des procédés aussi superficiels », ajoute-t-il. Pour rappel, le MT Tresta Star s’est échoué le 3 février le long de la côte est de l’île de La Réunion, à la pointe du Tremblet, après avoir perdu de la puissance lors du cyclone tropical Batsirai. Les 11 membres d’équipage ont été secourus par tyrolienne. Le navire ne transportait aucune cargaison à ce moment-là.