VARSEN LUTCHMANEN
L’un des moments forts de notre pèlerinage dans le nord de l’Inde est cette visite à Gangotri et Gomukh. La nature est le temple même où réside le Dieu Shiva. Et de lui émanent toutes les merveilles de ce monde. De sa chevelure coule le fleuve sacré du Gange, ce qui a donné à Shiva le nom de Gangadhara. Les temples dédiés à Shiva renferment des pouvoirs mystiques bénis par la présence des Dieux, des déesses et des saints.
Après une première visite en compagnie de mon frère, le Swami Atheetananda, en 1995, j’y suis retourné en 2019 avec le Hindu Mahatirth Yatra pour prendre part au Char dam. Les souvenirs de ce premier yatra (pèlerinage) me sont revenus comme si c’était hier. En quittant Rishikesh par bus, nous nous sommes dirigés vers Gangotri. Puis, nous avons parcouru 18 kilomètres à pied pour nous rendre à Gomukh (signifiant le visage de la vache). Ce parcours a requis une endurance physique et mentale certaine.
À Gangotri, nous voilà déjà dans le shivala. Après les prières du soir, nous avons passé la nuit dans une maison à côté du temple. Nous avons dîné du « rôti » cuit sur de la braise. Le lendemain matin, nous avons coupé au travers des forêts et croisé le ‘Bhoj Patra’, arbre originaire de l’Himalaya, connu pour son écorce. Selon la légende, c’est sur celle-ci que les sages ont écrit des mantras (versets sacrés). Arrivant dans l’après-midi à Gomukh, à plus de 4000 mètres d’altitude, nous étions accueillis par un temps glacial.
Nous contemplons la montagne Shivling (6543 mètres) recouverte de neige en arrière-plan. Après notre prière à Ganga Devi (la déesse Ganga), nous avons passé la nuit dans une cabane en paille où vivait un sadhou sans vêtement, qui s’adonnait à une méditation profonde. Le lendemain matin, nous avons emprunté une piste de deux pieds de large à travers les forêts où ont ponctué notre passage des cris, le chant des oiseaux, le bruissement des arbres et le son particulier du Gange – qui chuchotait dans la musique du vent comme si elle nous soufflait les secrets de la création.
Une fois à Rishikesh, en bordure du Gange sous un clair de lune, je me suis précipité dans cette rivière glaciale, libre. Une joie que les mots pourraient difficilement peindre. Là-bas, nous avons trouvé refuge au Chinmaya Ashram. Le jour suivant, nous avons pris le bus pour Gangotri sur des chemins serpentant le long du trajet. Jadis, ce lieu abritait des lions, des tigres, des hiboux, des éléphants et des paons qui résonnaient comme un orchestre de mère nature.
Après 24 ans, le paysage a connu un changement drastique au vu du nombre conséquent de commerces le long de la route. En effet, Rishikesh a été pris d’assaut par le développement, qui se traduit tout autant par les klaxons de voitures. Cependant, c’était un moment de pur bonheur de pouvoir y célébrer une yaj avec mes compatriotes mauriciens. Symbole d’austérité de la vie spirituelle, la fumée du feu purifie l’âme, enlève les négativités et génère des énergies positives. Nous avons repris en chœur, « Jay Jay Ganga » et avons conservé l’eau du Gange pour venir la déverser en notre Ganga Talao à notre retour à l’île Maurice.
Cette année-ci à cause du Covid-19, le pèlerinage vers Grand Bassin a pris une autre allure et nous apprend que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Mais, avec la foi en Dieu, la lumière sera présente au bout du tunnel. Om Namashivaaya!