Quel culot !

Non mais, quel culot ce mec ! Mille excuses pour ces termes terre à terre. On peut difficilement faire autrement en pareilles circonstances. On nage en plein surréalisme là. Le Premier ministre ne serait pas content de la couverture médiatique de “l’expédition” scientifique qui se déroule actuellement sur les îles du territoire mauricien des Chagos ! Et il a publiquement fait part de son mécontentement et de sa grande frustration. Il ne nous a pas accusés, comme c’est souvent le cas, de faire preuve d’antipatriotisme. Mais c’est tout comme. Voilà quelqu’un qui est à l’initiative de l’expédition, qui décide que les journalistes anglais, venant, quelle ironie ! du pays de l’occupant illégal de notre archipel, sont plus appropriés et aptes que les médias locaux pour couvrir cette visite. Plus colonisé mentalement que ça, tu meurs !

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Comme le souligne notre confrère Jean-Luc Mootoosamy, dans toutes les démocraties et sans faire preuve d’un chauvinisme malsain : lorsqu’il s’agit de sujets nationaux et, à plus forte raison, de questions touchant à l’intégrité territoriale, la préférence nationale doit jouer. Or, le chef du gouvernement a décidé de faire l’impasse sur les médias locaux. Et il s’étonne que la presse mauricienne, délibérément écartée au profit de quelques touristes, ne soit pas plus présente sur le front de la virée en yacht de quelques privilégiés choisis par ses bons soins. Il se trompe. Parce que la presse qui, dans son ensemble, n’est pas animée de petits crétins partisans et revanchards, a amplement couvert un événement national dont il a été exclu. Pour des raisons que l’on devine.

Parce que ce Premier ministre-là ne supporte pas la contradiction ni la discussion civilisée. Ce n’est probablement pas une coïncidence que ces critiques contre la presse surviennent au moment même où il a titularisé à son poste le pire des directeurs que la MBC ait eus depuis sa création en 1965. C’est comme ça qu’il aime la presse. Couchée et aux ordres. Et c’est le leader du MSM qui va donner des leçons à la presse sur les Chagos ? Nous n’avons jamais vu Pravind Jugnauth à une manifestation concernant les Chagos ou le sort des Chagossiens. Surtout lorsque c’était difficile. On ne l’a pas entendu entonner « rann nou lamer, rann nou later », tout en battant le pavé dans la capitale. Pour dénoncer le démembrement illégal de notre territoire et pour réclamer le respect de notre intégrité territoriale.

Il a certes pris le relais de son père, celui qui fut partie prenante et négociante des pourparlers de 1965, là où tout s’est décidé. Le Premier ministre a poursuivi le travail, mais cela ne l’autorise absolument pas à donner des leçons aux journalistes qui, chacun à sa manière, a fait avancer le dossier. C’est la presse mauricienne qui a fait connaître l’occupation illégale de notre territoire et le sort réservé aux exilés des Chagos dans le monde entier et surtout en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Où, à leur tour, des journalistes se sont emparés du sujet pour sensibiliser l’opinion publique dans leurs pays respectifs.

Week-End a toujours été en première ligne de ce combat. L’histoire de notre titre en témoigne. Ce qu’a entrepris, à la fin des années 1990, le journaliste Henri Marimootoo dans nos colonnes pendant des mois et des années pour révéler les dessous du dossier Chagos, après avoir eu accès aux documents déclassifiés de la Grande-Bretagne, a été d’un apport inestimable dans la compréhension, ici même et ailleurs, des enjeux de ce dossier légal et diplomatique.

Il reste désormais à obtenir, au nom de la transparence et de la bonne gestion des fonds publics, tous les détails de cette expédition, le choix d’un yacht de luxe plutôt qu’un navire de recherches venant d’un pays ami, son coût total, la liste des participants et les critères qui ont été utilisés pour les sélectionner, le nombre de scientifiques qui étaient du voyage, leur champ de compétences ou de spécialisations et les résultats de leurs études sur place.

Pour faire amende honorable vis-à-vis de la presse mauricienne, le Premier ministre pourrait organiser un voyage à Agalega pour que les journalistes puissent voir sur place comment se déroule le travail entrepris par Afcons et les progrès infrastructurels réalisés. La piste étant apparemment pratiquement prête, notre voisin « civilisé » des Seychelles pourrait, une fois encore, accueillir un avion spécial loué par la République de Maurice pour cette visite à Agaléga. Rien de bien extravagant comme demande. Ce ne serait somme toute qu’une légitime quête pour savoir ce qui se passe sur l’ensemble de notre territoire. On ne peut pas reprocher aux puissances coloniales de nous priver d’accès à notre territoire et, en même temps, en faire autant lorsqu’il s’agit d’aller librement à Agalega. Ce serait du colonialisme à rebours.

Quittons la géographie et l’unité territoriale et revenons à la pandémie. Il y a aussi une forme de culot dans la politique en zigzag de la gestion de la pandémie du Covid. Hier a pris fin le délai pour l’administration de la dose de rappel qui autorise l’accès à des lieux spécifiques. Soit. Il reste toutefois des centaines de milliers de Mauriciens qui n’ont pas encore reçu leur troisième dose et qui, pour une raison ou une autre, attendent de choisir le type de vaccins qu’ils souhaitent se voir administrer ou qui pensent que le médicament tant attendu devrait, un jour ou l’autre, arriver sur le marché.

Une annonce d’extension du délai aurait du être faite vendredi en même que le communiqué émis par le ministère de la Santé assouplissant les conditions d’auto-isolement pour les patients positifs au Covid, tandis que, pour les proches, c’est pratiquement quartier libre. Non mais, où est la cohérence ? Empêcher des doublements vaccinés d’aller au restaurant et ailleurs pendant que des patients positifs et asymptomatiques prennent des places debout dans les bus et qu’ils s’agglutinent partout dans des lieux publics ? Il y a décidément des décisions qui défient toute logique.

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