Comment soutenir nos besoins énergétiques actuels et futurs en adoptant une approche écocentrée sur nos ambitions climatiques ? C’est sans aucun doute « la » question du siècle. Celle que tous les gouvernements et institutions mondiales se posent, car de sa réponse dépend la survie non seulement de nos plans de développements, mais aussi et surtout du maintien même de nos sociétés. En effet, sans énergie, plus d’usines, et donc plus de production. Plus de déplacements aussi. Pas plus que de chauffage dans les pays aux hivers implacables ou de climatisation dans ceux où le mercure s’affole à l’approche de l’été. Et la liste pourrait continuer longtemps, tant l’énergie est la clé de tout. À commencer de notre système économique.
Aussi, alors que la crise climatique se complique davantage au fil des semaines, car quasi non impactée par les timides actions que nous avons concédé d’entreprendre ces dernières décennies, les industriels, tout comme l’ensemble des acteurs (inter)dépendant du développement, entre autres politiques, « réfléchissent » à des solutions alternatives aux énergies traditionnelles pour entamer ce qu’ils qualifient de « transition » énergétique. Avec un seul objectif : maintenir à tout prix un système dont leur propre survie dépend. Et comme le pétrole et le charbon sont de moins en moins « appréciés » sur la scène publique, en sus pour le premier nommé d’arriver progressivement à ses limites d’extractions, il faut bien trouver une solution, la plus propre possible, mais aussi la plus avantageuse en termes de profits. Naturellement…
Dans cette catégorie se trouvent des alternatives décrites comme « écologiques », à commencer par le nucléaire et le gaz naturel liquéfié (GNL). Le premier étant moins accessible que le second à l’échelle de la planète, attardons-nous donc un instant sur ce dernier. Avant toute chose, rappelons que Maurice ambitionnait, il n’y a pas si longtemps encore, de recourir au GNL pour pourvoir ses besoins énergétiques. Du moins jusqu’à ce que le projet soit jeté au placard, celui-là même où son principal promoteur, l’ancien ministre de l’Énergie Ivan Collendavelloo, aura été lui-même rangé un peu plus tard.
Mais qu’est-ce que le gaz liquéfié, et en quoi pose-t-il problème ? En fait, il s’agit de gaz naturel qui, une fois traité pour pouvoir être commercialisé, est condensé à l’état liquide. Le souci, c’est que le GNL contient 90% de méthane (CH4), un puissant gaz à effet de serre, et que si celui-ci, dans une utilisation industrielle, n’est (théoriquement) pas relâché à l’air libre, et ne constitue donc pas une menace directe pour le climat, il en est autrement au niveau de son acheminement, où les fuites sont nombreuses. Or, sachant que le méthane a un pouvoir réchauffant 30 fois plus importants que le dioxyde de carbone, l’on imagine sans mal ses conséquences si le GNL devait être majoritairement adopté en remplacement de nos combustibles fossiles actuels.
Mais de quelles fuites parle-t-on ?, demanderont certains. Après tout, s’il y a des fuites, il suffit de les colmater, non ? Voire de revoir notre stratégie en termes de transport gazier. En fait, c’est loin d’être aussi simple. Quant à ceux qui douteraient de l’existence de ces fuites, nous pourrions les renvoyer à de récents relevés de l’instrument de surveillance atmosphérique Tropomi, qui a permis d’observer des fuites de méthane si immenses qu’elles sont comparables, dit-on, à 20 millions de véhicules circulant pendant un an.
Une fois encore, voici donc, avec le GNL, une solution qui, bien que séduisante sur le papier, risque de compliquer bien plus le problème que de le résoudre. Tout autant d’ailleurs que le nucléaire, pour d’autres raisons, voire même les énergies renouvelables que sont le solaire et l’éolien, et dont les effets collatéraux sont pour l’heure assez méconnus du grand public. Au final, une seule certitude : aucune source énergétique ne viendra, comme par enchantement, résoudre la crise climatique, et ce, tout simplement parce que nous prenons une fois encore le problème à l’envers. Aussi, plutôt que de dépenser notre « énergie » à chercher celle qui convient le mieux pour alimenter notre système, peut-être serait-il temps de revoir en premier lieu le système lui-même. Mais bon, ne nous leurrons pas : la charrette roule si vite sur la route et depuis si longtemps que l’on a depuis perdu toute trace des bœufs !