— Alors, Batsirai comment ça a été ?
— Pareil comme tous les cyclones mais le problème c’est qu’on a perdu l’habitude, toi.
— Quelle habitude ?
— Ce qu’il faut faire avant, pendant et, surtout, après un cyclone warning classe 4.
— C’est vrai que la dernière fois qu’on a eu un classe 4, c’était il y a quinze ans, on me dit. C’est vrai que depuis, les choses ont changé et on a perdu les réflexes.
— Ça, c’est bien vrai. On ne prend plus de précautions comme avant. On ne sait plus ce qu’il faut faire en cas de mauvais temps. D’ailleurs, il m’est arrivé une affaire… mais si je te raconte, il faut que tu me promettes de ne pas aller faner ça.
— Tu sais bien que je n’ai pas l’habitude d’aller raconter les affaires des gens ! Je ne fais pas de palabres, moi.
— Je sais, mais promets-moi quand même que ça va rester entre nous.
— Promis. Qu’est-ce qui t’es arrivé comme ça ?
— C’était bien avant le cyclone. Un soir, j’étais seule à la maison et il y a eu une coupure de courant dans tout le quartier.
— Ça peut arriver même si on est dans un pays soi disant 24/7 ! Je sais que tu ne dois pas avoir une torche, mais tu dois avoir des bougies, tout de même !
— J’ai cherché et j’ai fini par trouver des bougies du Père Laval, mais le problème c’est que je n’ai pas d’allumettes. Chez moi, tout marche à l’électricité, même le four à gaz !
— C’est pas vrai ! Qu’est-ce que tu as fait, alors ?
— J’ai attendu dans le noir que le courant revienne.
— Pourquoi tu n’as pas été demander des allumettes à tes voisins ?
— Je ne pouvais pas parce que la grille de la cour est électrique et il n’y avait pas de courant !
— Mais tu ne sais pas qu’il y a toujours un système manuel dans les grilles électriques en cas de panne de courant ?
— Ayo, comment je vais savoir ces affaires là, moi ? J’ai attendu tranquillement que le courant revienne. Et ça n’a pas trop tardé, je dois dire.
— Pourquoi tu ne m’as pas téléphoné, je t’aurais apporté des allumettes, un briquet et même une torche.
— Je ne pouvais pas, toi. Avant, quand le courant coupait, avec le fil en cuivre du téléphone, tu avais toujours la ligne. Maintenant, avec la fibre optique de je ne sais combien de G, quand le courant coupe, la ligne du téléphone coupe aussi.
— Ca c’est la ligne fixe, tu aurais pu m’appeler sur un portable.
— Franchement te dire, j’étais tellement déconcertée par tout ça que je n’ai pas pensé à toi. Tu vois comme on a changé d’habitudes.
— Il n’y a pas que les habitudes qui ont changé. Les gens ne sont plus comme avant. Tu sais que le jardinier a refusé de monter sur la maison pour descendre l’antenne de la MBC avant le cyclone ?
— Pourquoi il n’a pas voulu : c’est pas son travail !
— Il a refusé parce que je n’ai pas pris une assurance pour ça. J’ai laissé l’antenne sur la maison même. De toutes les façons, on ne regarde pas la MBC.
— Tu as bien raison. Figures-toi que j’ai regardé le JT de la MBC mardi soir pour avoir, justement, des nouvelles du temps parce que Maurice était passé en classe 3 depuis 4 heures. On a du écouter le PM et ses amis, avant d’avoir des nouvelles du temps.
— Mais on avait dit que le directeur de la météo allait intervenir en direct à la télévision pour donner des nouvelles du cyclone Batsirai.
— Oui, mais avant, il y avait le PM et ses alliés, je te dis. Et eux passent toujours en priorité dans le JT de la MBC.
— Mais qu’est-ce qu’il y avait de plus important pour les Mauriciens, mardi soir, que les nouvelles du temps, de savoir si les enfants allaient aller à l’école et si les gens devaient aller travailler ?
— Pour la MBC, le plus important c’était le recount de le circonscription no. 19 qui avait eu lieu le même jour.
— C’est pas pendant ce recount qu’on a découvert qu’il manquait 73 bulletins de vote et que le score de Collendavelloo est passé de 92 voix d’avance à 80 ?
— Ça, la MBC ne l’a pas dit. On a eu droit à la déclaration du PM qui s’est félicité de la victoire de Collendavelloo…
— …en oubliant qu’il avait révoqué Collendavelloo dans l’affaire St Louis ?
— Il n’a pas parlé de ça. On a eu droit à sa déclaration, à des reportages sur le recount, une déclaration de Collendavelmoo, des déclarations des membres du gouvernement, et c’est seulement après qu’on eu les nouvelles du temps en direct avec le directeur de la météo.
— Foutour va !! Ne me dis pas qu’alors que Maurice était en classe 3, la priorité des priorités de la MBC était la déclaration du PM sur le recount au numéro 19 !
— Je te dis que c’est exactement comme ça que ça s’est passé mardi soir à la MBC. D’ailleurs, c’est comme ça tous les soirs : la priorité c’est le PM et ses amis.
— Qu’est-ce que le directeur de la météo a dit quand il a pu prendre la parole ?
— Je n’ai pas attendu son intervention parce que j’avais eu une overdose du PM et de ses amis. J’ai arrêté de regarder la MBC.
— Mais comment tu as fait pour avoir des nouvelles de Batsirai ?
— Comme beaucoup de Mauriciens : en regardant les télévisions de La Réunion et les sites d’internet. Tout en continuant à payer la redevance de la MBC !