Depuis le 27 janvier dernier, le quotidien des Rodriguais oscille entre la campagne électorale, laquelle se poursuit mais sans fanfare et avec des restrictions, et le Covid-19. Des habitants de l’île opérant dans différents secteurs confient leur état d’esprit après un peu plus d’une semaine de semi-lockdown.
« Il est où le Premier ministre de la République et de Rodrigues ? Pravind Jugnauth est le ministre de Rodrigues ! Nous faisons partie de la République. Depuis que nous avons enregistré le premier cas local de contamination au Covid-19 durant la dernière semaine de janvier à maintenant (ndlr : vendredi dernier), le Premier ministre ne s’est pas adressé de manière officielle à nous, les Rodriguais. Il n’est pas venu à la télévision pour nous adresser un message. Cela compte pour nous. Un message du Premier ministre et ministre de Rodrigues est un signe de soutien dans un moment pareil », lâche Nathalie (nom modifié), professionnelle du tourisme.
La jeune femme, qui s’est spécialisée dans les séjours organisés, se dit amère, d’autant que, explique-t-elle, malgré les interventions de la commissaire et porte-parole du High Powered Commitee, Franchette Gaspard-Pierre-Louis, les Rodriguais ont besoin d’être rassurés. « Dans de telles circonstances, un message du Chef Commissaire (ndlr : Serge Clair) est attendu », avance cette dernière. Pour cause, dit-elle encore, le lockdown partiel et le Covid-19 ont paralysé le tourisme. « Le travail alternatif est à l’arrêt et nous n’avons pas encore été payés pour le mois de janvier », déplore Nathalie.
Si Nathalie confie qu’elle parvient à nourrir sa famille tout en se confinant, elle se dit inquiète pour des foyers modestes qui comptent sur des activités économiques journalières dans le secteur informel pour vivre. « Malheureusement, la distribution de colis alimentaires pour ces familles n’a pas été prévue », affirme la jeune femme. Mais entre-temps, la Commission for Industrial Development a décidé d’accorder une aide financière aux entrepreneurs dont les activités sont directement ou indirectement affectées par le lockdown partiel, lequel va durer jusqu’au 10 février. Notamment les opérateurs de cantines scolaires, des salons de beauté et de coiffure, les crèches et détenteurs de permis pour des lieux de divertissements publiques, excluant les salles de cinéma.
Pas de « learning packs » dans les écoles pour l’instant
Si Nathalie déplore l’absence de communication au plus haut niveau avec la population, de son côté, Paul (nom modifié), enseignant dans une école primaire, regrette que la Commission de l’Éducation, opérant sous la tutelle du bureau du Chef Commissaire, Serge Clair, n’ait pas publié de communiqué, voire prévu une déclaration face à la presse sur la situation touchant la communauté scolaire. Jusqu’ici, le syllabus du primaire et secondaire n’est pas affecté par l’interruption des cours à l’école depuis le 28 janvier dernier. Les enseignants en contact avec leurs élèves via des applications mobiles poursuivent leur travail dans la mesure du possible. L’impact du virus dans la population estudiantine de Rodrigues n’a pas été moindre.
« Des élèves et leurs proches sont malades. On avait envisagé la distribution de learning packs dans les écoles. Mais comme de nombreux parents sont eux-mêmes malades, on ne peut leur demander de se rendre à l’école pour récupérer les packs. C’est cette semaine que nous aurons des éclaircissements de la Commission de l’Éducation », explique Dany Louis, représentant des enseignants de Rodrigues auprès de la Government Teachers’ Union. Pour l’heure, les écoles vont rester fermer jusqu’à nouvel ordre.
Pour sa part, Paul note que « la politique et les élections prennent le dessus sur d’autres affaires, y compris l’éducation. » En effet, la campagne électorale se poursuit dans l’île. Des réunions (dans l’après-midi) se poursuivent, mais avec des restrictions sanitaires. À ce jour, il n’y a aucune indication sur le maintien ou pas des élections régionales, prévues pour dimanche prochain. Pour Paul, ces élections qui se préparent sur fond de Covid-19 devraient être une occasion pour repenser l’éducation à Rodrigues. L’enseignant est d’avis que l’île devrait revendiquer une académie au gouvernement central.
Une jeunesse qui rêve de TIC
« Notre syllabus étant le même que celui de Maurice, pourquoi est-ce que le Nine-Year Schooling n’a pas pris en compte l’ouverture d’une académie pour Rodrigues ? » se demande l’enseignant. Il estime également que la filière professionnelle, après le National Certificate of Éducation, nécessite d’une refonte dynamique et moderne, notamment pour les secteurs de l’agriculture et de la pêche respectivement. Et c’est aussi dans l’optique du changement vers plus de professionnalisme dans le secteur de l’entrepreneuriat que le prochain gouvernement régional, dit Paul, doit encourager la création du label « Made in Rodrigues » et d’un seafood hub dans l’île.
Dans un autre secteur, plus précisément le BPO, de jeunes employés de centres d’appels s’attendent que le prochain gouvernement plaide pour l’installation d’un deuxième câble sous-marin de fibre optique. Ce secteur, disent Jonathan et Émilie, 30 et 22 ans respectivement, a changé leur vie. Travailler dans un centre d’appel leur a offert, affirment-ils, la possibilité de rester dans l’île en gagnant un bon salaire. Le Technopark de Baladirou, qui coûtera Rs 260 millions au gouvernement central, fait déjà rêver une jeunesse rodriguaise en quête d’emploi dans le domaine de la technologie de l’information et de la télécommunication. Ce secteur est plein de promesses, laisse entendre Émilie, qui votera pour la première fois.