“À partir du 2 février, tous les élèves reprendront le chemin de l’école”. Cette déclaration de la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi-Dookun Luchoomun, vendredi dernier, était la nouvelle qu’attendaient les parents d’élèves.
Le pic de contamination au Covid-19 redouté n’ayant pas culminé à mi-janvier, 94% des élèves de 15-17 ans et 40% des 12-14 ans étant vaccinés, le personnel enseignant et non-enseignant boosté, les admissions dans les hôpitaux ayant régressé, les classes, a laissé entendre la ministre de tutelle, peuvent à nouveau accueillir les apprenants normalement.
La rentrée en présentiel pour tous du préprimaire aux études supérieures se fera dans des conditions sanitaires renforcées avec l’introduction d’un testing area dans tous les établissements scolaires et la mise en place d’une testing team. Quant au calendrier des examens, il faudra attendre encore un peu avant de connaître le plan de l’Éducation. C’est ce mardi que des techniciens du ministère déposeront un rapport et des recommandations sur le bureau de Leela Devi Dookun Luchoomun. Entre-temps, des responsables d’établissements scolaires convoqueront le personnel enseignant à l’école pour faire un état des lieux et préparer le school readiness. Ils en profiteront pour rouvrir toutes les classes…
« À partir de cette semaine, nous allons ouvrir toutes les classes…”, dit Anand Seewoosungkur, président de la Mauritius Head Teachers’ Association (MHTA), enthousiaste. Ce n’est pas que l’établissement primaire, la Doorgachurn Hurry GS, qu’il dirige à Goodlands, accueillera les quelque 900 enfants qui fréquentent l’école. Non ! Le maître d’école parle d’aération. « Les classes sont restées fermées depuis longtemps. Le service d’entretien est certes assuré, mais dès cette semaine il faudra nettoyer l’école de fond en comble, ouvrir les salles de classe pour les aérer afin d’accueillir les enfants le 2 février”, dit Anand Seewoosungkur. Dans le secondaire, le nettoyage des lieux et l’aération des classes seront également une des priorités, d’ordre pratique.
Bashir Taleb, président de la Fédération des managers des collèges privés, explique que ceux-ci auront à mettre en place toutes les conditions, y compris sanitaires, pour accueillir les collégiens dans moins de 10 jours. D’ailleurs, des écoles ont déjà installé des distributeurs automatiques de gel hydroalcoolique et des thermomètres à induction automatique. Parallèlement au nettoyage et autres mesures sanitaires à renforcer avant la rentrée en présentiel, les écoles auront à identifier un testing area, salle ou autre espace dédié au dépistage du Covid-19 au cas où un élève présenterait des symptômes de la maladie. Il faut savoir que depuis l’apparition du nouveau coronavirus à Maurice, toutes les écoles disposent d’une salle d’isolement.
Avec le renforcement du protocole sanitaire, l’introduction du testing area permettra de faire le dépistage du Covid-19 dans le milieu scolaire. Les enfants testés positifs ne retourneront pas à l’école. Les classes reprendront normalement le lendemain, à condition que les autres enfants sont négatifs. Ils seront néanmoins sujets à un deuxième test au troisième jour. Cependant, l’assentiment des parents et responsables d’élèves pour le test, fait ressortir Steve Augustin, assistant-maître d’école dans un établissement catholique, devrait être nécessaire. À la rentrée des classes, les parents, dit-il, devraient signer un conscent form en ce sens.
Testing team : le personnel soignant pas encore sollicité
À hier, aucun des responsables d’école contactés n’était au courant du protocole à appliquer avec l’introduction du testing area. « Auparavant, l’enfant qui présentait des symptômes était placé dans la salle d’isolement jusqu’à l’arrivée de ses parents ou proches qui le conduisaient à l’hôpital », rappelle Harish Reedoy, président de la United Deputy Rectors and Rectors Union. Pour sa part, la ministre de l’Éducation a expliqué qu’une équipe, la testing team, sera dédiée au test dans les écoles et sera répartie dans les quatre zones. « C’est une quasi certitude que ce sont des infirmiers/ères dépêchés par le ministère de la Santé qui feront des tests de Covid-19 dans les écoles. Mais jusqu’ici nous n’avons reçu aucune circulaire dans cette optique », relève pour sa part Nasser Essa, président de la Nurses’Union. Ce dernier explique que le déploiement d’infirmiers dans la testing team ne devrait pas ralentir le travail dans les hôpitaux et autres services de santé publics. Pour cause, « il y a une baisse dans les admissions liées au Covid-19. Nous pouvons respirer. D’ailleurs, nous sommes en train de fermer des salles Covid-19. Elles redeviendront des salles d’admission générale. Mais nous ne savons pas ce qui peut nous attendre à l’avenir. »
La reprise de l’école en présentiel ne se fera pas en mode décalé. « La rentrée du matin se fait déjà en décalé à partir de 7h30. Nous poursuivrons avec les pauses et la sortie pour éviter tout attroupement », explique Harrish Reedoy
Maintenant que les données sont plus claires sur la réouverture des écoles, les responsables d’établissements primaires et secondaires ont une meilleure idée de leurs priorités. Quoi que… Il leur reste à attendre le rapport dont a fait allusion la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Luchoomun, lors de sa conférence de presse, vendredi dernier, pour annoncer la reprise des classes en présentiel pour tous. Ce rapport des techniciens de l’Éducation aiguillera les responsables d’écoles et les enseignants sur des questions qui restent en suspens, notamment pour ce qui sont des examens de Primary School Achievement Certificate (Grade 6) et du National Certificate of Education (Grade 9). Doit-on les maintenir pour le mois d’avril ou les repousser pour un peu plus tard ? Au primaire, il y a quasi unanimité pour la révision du calendrier des examens de Primary School Achievement Certificate (PSAC), programmé pour le mois d’avril. Le syndicat des maîtres d’école propose la mi-mai ou la fin de ce mois. Du côté de l’éducation catholique, la directrice du Service Diocésain de l’Éducation Catholique concédait dans notre dernière édition que « certains enfants sont prêts » pour le PSAC, ce qui veut aussi dire que d’autres ne le sont pas. Il faudra « donner le temps aux enfants de se réadapter à la vie scolaire » a-t-elle déclaré, après l’annonce de vendredi dernier.
Anand Seewoosungkur explique, lui, que les premiers jours après la rentrée seront dédiés au rattrapage avant la reprise du syllabus au cours de la semaine du 6 février. Les enseignants seront aussi appelés à faire des évaluations pour déterminer les acquis des élèves. Pour ce qui est des examens du National Certificate of Education, les avis divergent.
Examens de Cambridge : aux candidats de décider
« Les examens ne doivent pas devenir une obsession », dit d’emblée Lindsay Thomas, recteur du collège du Saint-Esprit de Case Noyale, avant de poursuivre : « À ce stade, il n’est pas nécessaire de les renvoyer. » Il est d’avis qu’a priori, il faudra faire un certain nombre d’évaluations pour situer les failles à rectifier. Et Harrish Reedoy d’ajouter que de ces évaluations découlera la préparation du programme de rattrapage. Il explique également que s’il reviendra au ministère de l’Éducation de décider sur les examens pour les collégiens du lower secondary, en revanche, pour les épreuves de Cambridge, il est d’avis que la parole des candidats doit être prise en considération.
« Il faut écouter ce qu’ils ont à dire. Il y a ceux qui ne sont pas prêts parce qu’ils n’ont pas été encadrés et pour d’autres raisons. On a mis beaucoup d’accent sur leur situation. Mais il y a ceux qui se sont investis dans leur préparation. Il faut aussi penser à eux. De nombreux collégiens envisagent d’étudier à l’étranger ou dans des universités locales. Un report des examens retardera à nouveau leurs plans, ce sera une pression qui conduira à l’épuisement. Les examens de Cambridge sont organisés deux fois par an. Un étudiant qui pense être prêt doit avoir la possibilité de se présenter aux examens. Je ne comprends pas la logique de reporter les examens. Comment rendre justice au travail des candidats en reportant les examens ? Je comprends qu’il nous faut soutenir les moins préparés, mais je ne comprends pas la logique de pénaliser ceux qui le peuvent… j’espère que le bon sens va prévaloir », déclare Harrish Reedoy.
De son côté, Bashir Taleb attire l’attention sur le facteur de l’âge des candidats appelés à participer aux épreuves de Cambridge, ceux qui vont compete pour la première fois au Higher School Certificate, des bénéficiaires de subvention financière de l’Etat… Ces détails, laisse-t-il comprendre, sont à prendre en considération avant d’envisager le report des examens de Cambridge.
Les enseignants à l’école cette semaine
Les enseignants retourneront à l’école bien avant leurs élèves. Les responsables des établissements primaires et secondaires ont l’intention de convoquer ceux-ci cette semaine pour définir le travail qui les attend au cours de ce troisième trimestre, court et rempli de défis. Notamment l’évaluation des élèves et l’agencement du calendrier du troisième trimestre en fonction du travail de rattrapage qui les attend. « La rentrée sera une transition », note Bashir Taleb. Mais elle révélera aussi, malheureusement, les dégâts causés par les conséquences d’une longue interruption de l’apprentissage en classe. Certains enseignants appréhendent le pire : l’abandon scolaire. Des écoles qui travaillent déjà avec des travailleurs sociaux feront certainement appel à ces derniers ou encore aux psychologues du service d’orientation du National Education Counselling Service. Harrish Reedoy, juge le soutien psychologique prioritaire dans le contexte à venir.
Éducation et santé mentale : Émilie Rivet-Duval (AIHD) : « On est contents pour les enfants mauriciens »
Leur requête n’est pas tombée dans l’oreille de sourds. Les professionnels de la santé mentale, orthophonistes, personnel enseignant et parents sont ravis de la décision « précieuse » prise par le gouvernement de rouvrir les écoles début février. Une décision qui abonde dans le sens des recherches entreprises par ces professionnels qui avaient en effet adressé une lettre au ministère de l’Éducation pour faire état de l’urgence de rouvrir les écoles face au taux grandissant de cas de dépression, mais aussi de déscolarisation chez les étudiants mauriciens.
« On est contents surtout pour les enfants mauriciens », déclare Émilie Rivet-Duval, directrice de projets en milieu scolaire à l’Action for Integral Human Development (AIHD) – organisation affiliée au Diocèse de Port-Louis et partenaire privilégiée du SeDEC, du ministère de l’Éducation, du MIE, entre autres, et qui était parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme. « On a senti beaucoup de mobilisation d’institutions et autres, et on a aussi beaucoup lu et entendu les personnes qui avaient encore des craintes par rapport à cette réouverture, et qui ont peur pour la santé physique de leurs enfants. Il ne faut pas oublier cela et voir ce qui peut être fait pour les rassurer », dit-elle.
Émilie Rivet-Duval explique ainsi qu’il faut tout faire pour faciliter cette période de transition. « D’après ce que nous avons entendu lors de la conférence de presse, c’est qu’il y a eu des mesures prises pour la réouverture, et qu’il y a eu donc une planification et une réflexion qui témoignent de la volonté de l’État de bien faire les choses. » Elle suggère ainsi que ceux réfractaires à cette décision, soit ceux qui éprouvent toujours des craintes pour envoyer leurs enfants à l’école, puissent être accompagnés et rassurés davantage. Par ailleurs, « il y a aussi énormément d’enfants qui ont pris beaucoup de retard. La question maintenant est de voir comment faire pour évaluer ce retard, et comment faire pour remettre cet enfant dans un cadre d’école après presque deux ans d’absence. Il faut donc agir de manière bienveillante », explique la docteure en psychologie clinique.
Elle se demande également s’il n’est pas temps, maintenant que la décision de rouvrir les écoles a été prise, d’avoir « une réflexion autour du calendrier scolaire. Est-ce qu’on peut le rallonger ou pas ? » Et ce, dans l’intérêt des enfants. Émilie Rivet-Duval invite ainsi à une réflexion collective sur cette nouvelle rentrée, et sur ses modalités et paramètres. « Peut-être que l’on devrait adopter différents modèles pour différentes écoles, selon la situation des élèves. Nous sommes disposés à aider les autorités et d’ailleurs, l’on est en train de réfléchir sur la hotline que l’on va peut-être laisser active pendant quelque temps encore, car nous sommes toujours dans un contexte très fragile », dit-elle. La psychologue conseille aussi aux parents de prendre le temps « d’accueillir cette nouvelle en parlant aux enfants, qui peuvent être appréhensifs ou anxieux. »
Pour ne pas dépayser ses élèves : Un enseignant de Grade 4 leur donne des cours en ligne de sa… classe
Trois fois par semaine, depuis la rentrée du troisième trimestre à distance, un enseignant d’un établissement primaire gouvernemental dans le Nord du pays se rend à son école pour faire la… classe à ses élèves. Cet enseignant de Grade 4 a fini par susciter l’admiration du personnel non-enseignant qui est aussi présent dans les bureaux de l’école. De plus, cette école qui compte une importante population estudiantine ne dispose pas de connexion wifi. Pour se connecter à ses élèves via l’application Zoom, l’enseignant utilise son forfait internet personnel.
« Être en classe, c’est être en condition de travail. Quand les enfants me voient dans leur classe, il y a un environnement qui leur est familier. Quand je donnais des cours en ligne de chez moi, j’avais l’impression de ne pas être un enseignant à part entière, car je pouvais être interrompu pour répondre à d’autres obligations personnelles pendant la classe. Cela me dérangeait. J’estime aussi que nous, les enseignants, nous devons prendre des initiatives et ne pas compter uniquement sur les moyens que nous donne le ministère de l’Éducation. Il faut être honnête, les cours à la télévision n’accrochent pas parce qu’ils ne sont pas interactifs », explique l’enseignant.
En classe, il peut utiliser, dit-il, le tableau interactif idéal pour certaines matières comme l’histoire/géographie. Tous les matins, quand ses élèves sont connectés, l’enseignant accorde un instant au recueillement, « comme quand on était à l’école », dit-il. Ce dernier, qui compte près de 15 ans dans l’enseignement, compte poursuivre les cours en ligne de son école, jusqu’à la rentrée en présentiel. Son regret, confie-t-il, « c’est de ne pouvoir permettre aux enfants qui n’ont pas internet à la maison de venir suivre les cours en classe » pendant qu’il est connecté avec leurs camarades.