En quelques décennies seulement, le développement tous azimuts aura eu raison de dizaines de milliards d’arbres. Directement, d’abord, en rasant des forêts entières en vue, principalement, d’y ériger à leur place des espaces voués à la culture ou l’élevage, mais aussi de bétonner afin d’agrandir nos espaces de vie (et de commerce). Mais aussi indirectement puisque, au nom de la croissance, nous aurons provoqué une pollution croissante, favorisant un effet de serre comptant parmi ses conséquences la multiplication des feux de forêt. Autant dire qu’alors que nous faisons mine de trouver des solutions pour lutter contre le changement climatique, la disparition exponentielle de ces précieux capteurs de CO2 se fait de plus en plus oppressante.
Cette politique de déboisement, dictée par notre économie de marché et notre insatiable appétit d’argent (encore largement fabriqué d’ailleurs à partir de ces mêmes arbres), constitue pourtant en l’état un non-sens absolu. Qui plus est, aussi vertes puissent paraître certaines politiques, dans les quelques (très) rares pays ayant encore une conscience environnementale, aucune nation n’est épargnée. Maurice, d’ailleurs, n’échappe pas à la règle, en attestent les promenades et autres lieux boisés que nous avons purement et simplement rayé de la surface de notre carte, entre autres pour y poser les rails de notre fameux métro.
Certes, à Maurice comme dans une bonne partie de pays en développement, et où l’on se plaît à « vouloir faire bonne figure » en se prononçant pour une protection de l’environnement plus efficiente, l’on a trouvé à cette problématique ce qui semble constituer la parade idéale. À savoir pour chaque arbre abattu d’en replanter au minimum un autre (trois dans notre cas). Oubliant de rappeler que ces arbustes prendront des décennies encore avant d’atteindre la maturité nécessaire que pour être pleinement efficaces en matière de captage.
L’autre problème de cette politique (de l’autruche), c’est que ceux en charge de ces opérations de « replantage » ne se soucient généralement pas des espèces qu’ils choisissent. Après tout, un arbre, c’est un arbre, non ? Sauf que dans les faits, c’est loin d’être aussi évident. D’abord parce que certaines espèces peuvent avoir un effet néfaste sur la faune et la flore locales, allant jusqu’à entraîner une perte de la biodiversité, comme c’est le cas au Chili depuis les années 70’. Mais aussi parce que toutes les espèces n’ont pas les mêmes capacités d’absorption de CO2 et que toutes ne conviennent pas à tous les milieux (ville, campagne, zones côtières, etc.).
Une récente étude met d’ailleurs en relief ces différences notoires entre espèces en établissant une liste des « super-arbres ». Pour ce faire, ils ont à la fois analysé les capacités de captage de dioxyde de carbone, mais aussi leur besoin en eau, leur aptitude à contrecarrer les inondations ou encore le développement de leur canopée. Au total, sur 54 arbres, seuls 17 étaient réellement bénéfiques en termes d’absorption de CO2 et d’apaisement de la chaleur.
Cette étude, bien que ne concernant que la ville de Houston, aux États-Unis, amène un éclairage nouveau sur la question. À savoir, d’abord, que des espèces indigènes, seule une espèce d’arbre sur trois semble propice au replantage. Autant dire que sans étude préalable, la politique visant à remplacer un arbre par un autre (ou plus) est vouée à l’échec. D’autant que cette opération ne garantit aucunement que l’arbre en question survivra aux affres du temps, aux maladies et au changement climatique. Et que planter au mauvais endroit peut exacerber le réchauffement climatique, tout en augmentant les risques d’incendies et en asséchant les zones humides.
Planter (ou replanter) est en outre loin d’être suffisant, si ce n’est pour se donner bonne conscience, car s’économiser le coût de la dépollution en plantant des arbres ne nous sauvera pas. Ce qui ne veut aucunement dire qu’il faille faire l’économie de cette politique, mais encore faut-il que celle-ci soit réfléchie et qu’elle ne constitue qu’un item dans un plan global de sauvegarde du climat. Autant dire une forêt de problèmes que nos arbres ne pourront éternellement dissimuler.