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Pénurie d’eau à Bambous-Virieux : comme un sentiment de rejet

« Kot nou bann députés ? », demandent les habitants de la circonscription No 11

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« Pou bouss nou labouss, zot met nou dans casso, zot fer paye caution », dèplorent-ils

Une fin d’année pénible et un début d’année difficile. C’est ce que vivent les habitants de Bambous-Virieux qui, pour avoir élevé la voix le 26 décembre dernier contre la pénurie d’eau, dont ils sont victimes depuis plus de deux mois, sont aujourd’hui poursuivis en justice en ce début d’année. Au lieu de voir leur problème d’eau être résolu, ils se sont retrouvés à devoir payer une caution. Une trentaine des 250 manifestants du 26 décembre ont été arrêtés par la police, mardi dernier, sous une charge provisoire d’Obstructing Police Road. S’ils reconnaissent les faits, ces habitants du Sud déplorent le manque de considération à leur égard. « Nou finn dessan dans lari parski nou napli kapav ! Nou pe soufer et personn pa pe pran compte », disent-ils. Ce calvaire auquel sont confrontés les habitants est dominé par un sentiment de rejet. « Au lieu donne nou solution, zot fer nou paye caution », s’indignent-ils.

« Aster la mem, tuyau là pe suinté »

Deux semaines après la démonstration de force impromptue des habitants de Bambous-Vireu, la colère est toujours palpable dans le village. Hier après-midi, malgré la pluie battante, les habitants du village évoquaient discrètement le perpétuel problème d’eau dans leur localité. Ce, alors qu’un camion-citerne était en train de fournir l’eau dans un des quartiers du village. Il est alors 16h. « Ou trouver ki ler camion vini ? Aster ki dimoun pou gagn delo ! Depi gramatin pa kapav fer nanien. Enn goute delo pena ! Aster ki pou ale lave vaisselle. Aster ki pou ale lave linz. Aster pou ale cuit manzer », s’indignent-ils. Et encore, disent ces locaux, ce n’est que quelques habitants qui pourront bénéficier de cette fourniture d’eau. « Des fois quand camion passer en-bas, bann là-haut reste attan même », disent-ils. Et cela, pendant deux jours avant que le camion ne revienne.

A 17h, la vaisselle n’est pas encore faite chez cette famille qui attend toujours l’eau

Ce samedi, les ouvriers de la CWA sont venus raccorder un tuyau à la Rue Nadal pour alimenter une dizaine de familles. Mais le travail effectué est un« colmatage ».  « Aster là mêm, tuyau là pe suinté », montre Patrick Souci, un habitant du village. Ce travailleur social a été l’un des premiers arrêtés suivant la manifestation des habitants de Bambous-Virieux, le 26 décembre dernier. « Zot fer dominer are ti dimoun ! Fer nou ale paye caution. Mais zot pa donne oken solution », peste-t-il. Il fait ressortir que malgré la démonstration de force au lendemain de Noël et également une manifestation symbolique d’une dizaine de personnes devant le Parlement, mercredi dernier, le problème d’eau à Bambous-Virieux perdure.

Une situation qui dure depuis le mois de novembre, déplorent les habitants expliquant que la situation n’était pas ainsi sous l’ancien régime. Aurapavant, le village était raccordé à des réservoirs d’eau situés en hauteur sur la montagne Bambous. « Jamais nou ti gagn problème delo. Nou delo ti pe sorti depi Eau Bleue ek nou ti ena enn lapompe ti pe amene delo souterain-là kot nou. Mais zot inn coupe la pompe-là. Depi sa, nou gagn problem. Camion sipozer vini, mais li enn vrai calvaire », expliquent-ils.

La construction d’un réservoir sur la plage publique de Bambous Virieux a été stoppée

« C’est pas par plaisir ki nou finn desan dan lari »

Une situation qui dure depuis plus de plusieurs mois, soutiennent les habitants, faisant ressortir que c’est l’exaspération qui les a fait descendre dans la rue. « Couma dimoun pou contine vive sans delo ? Delo li enn service essentiel. Noune fer complaintes partout : CWA dans lendroit, CWA St Paul, ministère. Problème-là rest parey ! Nou finn oblizer fer tann nou la voix. C’est pas par plaisir ki nou finn desan dan lari », dit Patrick Souci. Avant la manifestation au lendemain de Noël, les camions-citernes desservaient le village une à deux fois par semaine. Et encore, ce ne sont pas tous les habitants qui recevaient l’eau, témoignent d’autres habitants de Bambous-Virieux. « Kan camion vini, zis 4-5 familles ki reci rempli. Lezot pa gagner. Camion re-aller. Nou bizin rest coum sa même. Sans delo pou cuit manger. Sans delo pou baigner », disent-ils. Qui plus est, ce sont à des heures où il n’y a pratiquement personne à la maison que les camions-citernes sont déployés pour assurer la fourniture d’eau. Et pire, disent les habitants « kot avant, nou ti pe gagn delo la source pou servi, kan camion vini, ena fois nou gagn delo laboue. »

Cette longue pénurie d’eau pèse lourdement sur les femmes auxquelles échoient les servitudes domestiques dont l’eau est la matière essentielle. Beaucoup dans ces conditions sont incapables d’assurer l’hygiène de leur foyer et de leurs enfants, un problème crucial en cette période de pandémie. Devi, une des plus anciennes habitantes du village, confie que le calvaire qu’elle et sa famille vivent depuis deux mois est sans précédent : « Fer 40 an mo viv dan sa villaz-là. Zame finn bizin laguer koumsa pou gagn dilo. » Devi, qui avait participé à la manifestation devant l’Hôtel du gouvernement, mercredi, salue bien bas les personnes qui sont descendues dans la rue le 26 décembre pour exprimer leur ras-le-bol : « Zot finn port nou lavwa. Zot finn malheureusement bizin ale paye caution. Nous espéré ki sa pou port so fruit. » Autour d’elle, s’approchent quelques-uns des membres de sa famille qui habitent dans la même cour. Derrière leurs sourires timides, se cache un sentiment d’injustice. Kamla, debout devant la vaisselle qui s’est empilée, faute du précieux liquide, implore les autorités d’apaiser son calvaire : « J’ai un époux handicapé et des enfants en bas âge. Mo dir zot kan zot koz developman, fer ki se delo ki gagn priorité parski si péna sa, nou pa pou viv lontan. »  

Même son de cloche à quelques encablures de la maison de Devi, où Maya (prénom fictif), sa sœur et leur mère soutiennent vivre un véritable calvaire chaque jour pour s’occuper de leurs familles. Elles avaient la mine défaite lorsqu’on les a rencontrées, hier. « Manzine si ti ena lekol, ki kalite stress ti pou ena ! », lance Maya, les yeux rivés sur son fils et sa fille. Enfermée dans les tâches domestiques, elle doit parcourir chaque jour une centaine de mètres jusqu’à une rivière pour se procurer de l’eau pour nettoyer la maison et faire la lessive. « On se débrouille comme on peut. On se procure l’eau de la rivière pour le ménage et la lessive, et l’eau de la mer pour que les toilettes restent propres », raconte-t-elle.

Depuis la manifestation du 26 décembre, les camions-citernes sont beaucoup plus présents au village. Une solution palliative qui est d’un grand secours pour les familles. Or, comme le fait ressortir Maya, « si lesdits camions sont suffisamment équipés pour acheminer l’eau vers les contenants situés sur le toit de ma maison, les chauffeurs de la CWA viennent à chaque fois nous approvisionner le matin ou à la mi-journée pendant que nos époux sont au travail. Nou pena la fors pou fer sa nou. » Par conséquent, c’est son fils âgé de 17 ans qui doit grimper sur le toit pour faire le travail avec les risques que cela implique en cette période pluvieuse.

«  Ki pou fer are lapompe si pena delo ? »

Malgré les efforts de l’État pour mettre des pompes à eau à leur disposition, la situation a empiré. « Ki pou fer ar lapomp si péna dilo ? », s’insurge Maya. De quoi donner une dimension politique au débat. « Les députés qui sont au pouvoir actuellement étaient ravis de taper à nos portes à la veille des élections, mais lorsqu’on leur demande de venir nous voir, zot sove. On prend bien note. »

Si les autorités n’ont pas de solution pour le problème d’eau à Bambous-Virieux, les habitants de la région disent, eux, avoir des propositions à faire. « Nou kapav bann dimoun lacote. Nou pa bann ingénieurs, mais nou ena l’idée. Kifer pa mett 4-5 tanks là-haut ek met enn raccordement pou ki tou habitants gagne delo ? », dit le travailleur social.

Il fait ressortir que plus bas, au niveau de la plage publique de Bambous-Virieux, des travaux ont été entrepris en novembre dernier pour la construction d’un bassin. Mais les travaux auraient été stoppés par l’Environnemnent suivant les protestations des riverains qui rappellent que toute construction est interdite sur les plages. À ce jour, nul ne sait ce qu’il adviendra de cet édifice sur la plage publique et, encore moins, quelle solution l’État apportera, à part la distribution d’eau via des camions-citernes, aux habitants. D’autant que malgré de nombreuses plaintes et les protestations de rue, très médiatisées, aucun député de la région ou autre élu n’a daigné constater de visu la situation. « Personne nou finn trouver. Pourtant, nou ena trois députés, dont enn minis kot nou. Mais personn pa vini. Zis kan campagne election ki trouv zot. Kot nou bann députés zordi ? Zot pa kass latete are maler ti dimoun », disent les habitants de la circonscription No 11. 

Pourtant, le gouvernement avait fait la promesse d’une distribution d’eau 24h sur 24, rappellent-ils. « Kot sa promess-là été? », demandent-ils. Et de faire ressortir que d’autres travaux sont effectués dans la région, alors que ce n’est pas essentiel pour l’heure. « Nou pa contre developma. Mais kan fer develoma, c’est dimoun lenbroit ki bizin beneficier. Mais zot pe met casse, pe constrir barragz dans la mer, alors ki nou, nou pena delo pou nou surviv », font ressortir les habitants de Bambous-Virieux qui se sentent lésés et laissés pour compte. « Lezot villaz gagn gro delo, nou kan nou lev la voix, zot fer nou payer. Eski c’est sa developma ? », disent-ils. « Eski nou ti bizin rest dans la ville? Eski nou ti bizin rest dan Moka pou zot prend nou compte ? », demandent-ils.

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