Lane ale, lane vini, certaines pratiques continuent à se répéter en dépit de toute logique. Il en est ainsi de la distribution d’eau potable dans le pays qui ne satisfait pas les Mauriciens depuis des décennies. Ce mécontentement était tel qu’une alliance en avait fait un de ses thèmes de campagne et avait promis qu’en cas de victoire, la distribution d’eau serait de 24h/24, les sept jours de la semaine. Mais les promesses électorales n’engageant que ceux qui y croient, pas ceux qui les font, le système de distribution de l’eau semble ne pas avoir été beaucoup amélioré depuis 2014. Tous les ans au début de l’été, alors que les ruisseaux se transforment en torrents et les rivières en cascades allant se prendre dans la mer, dans certaines régions du pays les robinets ne coulent pas et dans d’autres, pratiquement le reste du pays, l’eau coule quelques heures seulement par jour. Quelques heures qui permettent à ceux qui se sont dotés d’un tank de “ramasser de l’eau”, tandis que les autres doivent se contenter des camions-citernes, dont la qualité du liquide qu’ils transportent laisse souvent à désirer, selon ceux qui sont obligés de la consommer. Un récent rapport de la CWA — dont le dernier directeur général a démissionné quelques mois seulement après sa nomination — explique qu’elle perd annuellement environ 60% des eaux de pluie qui sont censés alimenter ses réservoirs. Bien avant 2014, on avait estimé que rien qu’à Port-Louis, la CWA perdait environ 40% de l’eau qu’elle était supposée distribuer. On attribuait ces pertes à la non-existence d’un cadastre municipal et de plans permettant de situer la disposition des tuyaux afin de pouvoir les réparer et réduire les pertes. Mais depuis, les tuyaux ont été changés dans pratiquement tout le pays lors de travaux où la CWA semble s’amuser à creuser les chemins que le CEB vient tout juste d’asphalter. Si les tuyaux sont neufs, si la CWA fait bien son travail, comment expliquer qu’elle perde 60% des eaux que ses réservoirs sont supposés récolter ? Une question à laquelle le ministre Lesjongard devrait essayer de répondre, au lieu de passer le plus clair de son temps à commenter les actes et les déclarations de l’opposition parlementaire !
La distribution de l’eau est tellement erratique en ce début d’été que des habitants du sud-est, dont les robinets sont à sec plusieurs jours de suite et où les camions-citernes sont aussi rares que les six bons numéros du Loto, sont descendus dans la rue pour protester et manifester. Dans ce pays, des partisans du parti gouvernemental peuvent défiler, illégalement, pour soutenir un ministre traîné devant la justice, sans provoquer un haussement de sourcils de la part des policiers. Par contre, certains des habitants du sud-est qui protestaient contre la manière dont la distribution de l’eau est gérée dans leurs villages ont été interpellés et traînés rapidement en cour pour avoir manifesté « illégalement ». Il y aurait donc deux manières de manifester illégalement à Maurice. Une première manière que tolère la police et l’autre, qu’elle trouve inacceptable. Il y a aussi la police qui interpelle et arrête, parfois avant même que l’enquête ne soit bouclée, quand il s’agit d’un opposant déclaré. Et la police qui prend son temps pour interpeller, par exemple, les cadres de ministères impliqués dans le dernier scandale qui secoue le ministère de la Santé. À ce sujet, est-ce qu’il y a eu une enquête policière sur le scandale des équipements médicaux achetés, en 2020, à des proches du pouvoir devenus, du jour eu lendemain, des importateurs de produits médicaux ?
Face à cette différence de traitement, comment ne pas penser que la police mauricienne fonctionne à deux vitesses quel que soit le commissaire qui la dirige ? Il y a la police qui ferme les yeux quand les partisans du pouvoir manifestent — parfois en brandissant des armes. Il y a la police qui arrête à tour de bras et rapidement ceux qui osent protester contre une institution du gouvernement, en l’occurrence la CWA. Jusqu’à quand les Mauriciens vont accepter de vivre dans un pays avec un système pour “nou bann” et un autre pour “bannla” ? C’est une question qui va se poser avec acuité au fur et à mesure que nous allons nous rapprocher des prochaines élections et que les deux systèmes vont se développer.
PS : Je viens de comprendre pourquoi le gouvernement a fait voter avec urgence la nouvelle loi sur les réseaux sociaux. Ce n’était pas pour interdire aux internautes de critiquer son action. C’était pour empêcher certains ministres, ou leurs proches, de poster des vidéos sur leurs supposés “exploits”. Que ce soit dans le domaine de la danse et de la chanson ou celui d’activités plus intimes…