- Une cinquantaine de riverains du Sud-Est, dont Ferney Ltd et Ferme Marine de Mahébourg Ltd, se manifestent avec des réclamations de Rs 2 milliards à Okiyo Maritime Corporation pour la marée noire
- Le point en litige: « The Court has no power, capacity or jurisdiction to grant any prayer for any limitation of any liability in relation to claims resulting from oil pollution damage caused »
- Les services des conseils légaux attitrés du GM, Mes Yerrigadoo et Ragavoodoo, retenus par les Japonais dans cette bataille légale contre des intérêts mauriciens
Un nouveau front est ouvert par rapport à la marée noire sur la côte Sud-Est de Maurice suite au naufrage criminel du MV Wakashio le 25 juillet 2020 au large de Pointe-d’Esny. Ainsi, l’accord intervenu entre les Japonais et le gouvernement sur la mise sur pied d’un Limitation Fund d’un montant maximal de Rs 719 658 463.31, par voie d’une garantie bancaire en faveur du gouvernement pour le règlement des réclamations découlant de cette catastrophe écologique sans précédent, est remis en question. Une motion en ce sens est inscrite à la Cause List de la Cour suprême lundi. Le pont en litige est que sur la base de la clause 195 (d) de la Merchant Shipping Act « it is not permitted nor possible for Okiyo and/or any other oil polluter, including MOL and/or the insurer namely the Japan P&I Club to limit their liability ». De ce fait, une cinquantaine de riverains du Sud-Est, soit des entités économiques engagées dans divers secteurs, dont Ferney Ltd et Ferme Marine de Mahébourg, de même que des individus ayant logé des réclamations de l’ordre de Rs 2 milliards pour le préjudice environnemental subi avec le naufrage du 25 juillet 2020, ont saisi la Cour suprême avec une motion contestant la gestion conjointe Maurice/Japon de ce Limitation Fund.
S’appuyant sur le concept que « limitation of liability shall not apply to a claim for oil pollution in respect of any liability », les riverains du Sud-Est, qui ont retenu les services de Mes Maxime Sauzier, Senior Counsel et Patrice de Spéville, Senior Counsel et Me Thierry Koenig, Senior Attorney, soulignent que « consequently the Court has no power, capacity or jurisdiction to grant any prayer for limitation of any liability in relation to claims resulting from the oil pollution caused by the MV Wakashio including the claims of the applicants ».
Poursuivant, les riverains du Sud-Est demandent à la Cour suprême de statuer que « it is not possible for Okiyo and/or Japan P & I Club to indirectly limit the liability of MOL ». Ils dénoncent le fait que « the State cannot be part of or accept the limitation of liability of Mauritian citizens which would infringe on the constitutional fundamental property and civil rights of the Mauritian citizens including those of the applicants ».
Jusqu’ici, pour obtenir cette décision au sujet du Limitation Fund à Rs 719,6 millions, la partie nippone a eu recours à un subterfuge légal à l’effet que sous la section 193 (1) de la Merchant Shipping Act « the limitation of liability applies only to a shipowner and a salvor and is extended by sub-section (2) to the insurer of the liability. It is not extended to the charterer ».
De ce fait, Okiyo n’a pas fait mention de la Mitsui Osk Lines Ltd, le Charterer and/or the Japan Shipwoners Mutual Protection and Indemnity Association (Japan P & I Club) dans sa demande initiale en Cour pour le Limitation Fund. Les riverains du Sud-Est ajoutent également que « more importantly ; Okiyo fails to mention that section 195 (d) of the Act expressly and specifically excludes claims for oil damage from the ambit of the limitation of liability ». Dans la motion à être débattue en Cour lundi, ils sollicitent une décision de la Cour pour que MOL, le Time Charterer du vraquier Wakashio et Japan P & I, l’assureur du cargo, soient inclus dans ce litige en vue de rendre caduc le Limitation Fund consenti entre Okiyo et le gouvernement pour le règlement de la compensation d’ordre environnemental.
À cet effet, dans l’affidavit, juré par Me Koenig le 29 décembre dernier au nom des riverains du Sud-Est, mention est faite des admissions de K. Nagashiki d’Okiyo au sujet des effets désastreux de la marée noire de juillet/août 2020. « The bunkers split for the vessel did serious damage to the clean seawaters, breaches and coasts, coral reef mangroves and other wild life, that not only the Government of Mauritius but also a number of local residents and companies were engaged in the clean-up operations and that the local business including fishery and tourism were affected by the oil spill », avait concédé ce responsible japonais dans des documents déposés en Cour suprême pour les besoins du Limitation Fund.
Les riverains du Sud-Est rajoutent que « Okiyo admits and acknowledges that is is certain that Okiyo Marine will be held liable to sums which well exceeds the Limit, having regards to the extent caused by the incident…”. Pour soutenir la réclamation, ils s’appesantissent aussi sur le fait que Okiyo et MOL sont des « owners of the pollutant so that pursuant to section 32 of the Environment Protection Act 2002 they are liable to the applicants ». Ils citent d’autres extraits de ce texte de loi protégeant l’environnement marin pour situer la responsabilité des Japonais dans les préjudices causés aux parties en présence et l’urgence des réparations sous forme de réclamations.
Des démarches relatives à des réclamations de l’ordre de Rs1,9 milliard, dont Rs 1,2 milliard au nom de Ferney Ltd, Rs 650 millions pour le compte de Ferme Marine de Mahébourg Ltd, Rs 85 millions au nom de La Paillotte du Pêcheur Ltée, Rs 10 millions à celui de Marc Rogers, autour de Rs 5 millions pour Société Blue Emerald et Mariners Paradise Ltd chacune et Rs 1 million pour chacun de la quarantaine de riverains, qui se sont constitués parties prenantes dans ce litige, remonte à 2020. Suite à une première initiative, la firme légale nippone Yoshida & Partners avait informé en date du 14 décembre 2020 Me Koenig au nom des riverains que « Okiyo has agreed that any and all the liability of the oil spill shall be borne by Okiyo and that its insurer the Japan P & I had apppointed Kushal Lobine as counsel”.
De son côté, Me Lobine devait confirmer que les services de la firme légale britannique Hill Dickinson et des Claim Adjusters ont été retenus pour les besoins de ces réclamations. Le 24 décembre 2020, Me Koenig devait faire comprendre formellement à la firme légale nippone que « as far as our clients are concerned, they are in no manner whatsoever bound by any agreement reached between MOL and Okiyo and/or its insurers ». Il devait également laisser la porte ouverte à tout arrangement à l’amiable.
Mais les choses devaient en rester là jusqu’au 8 novembre de l’année dernière, et en l’absence de toute offre de la part d’Okiyo et de Japan P & I Club, des lettres de réclamations sous forme de mise en demeure furent émises au nom de la cinquantaine de riverains du Sud-Est. Suite à cette première offensive légale, deux conseils légaux, dont la proximité avec le gouvernement ne pourrait être remise en question, devaient faire leur entrée en scène pour assurer les intérêts de ceux responsables de la marée noire du MV Wakashio.
« On 11 November 2021, I was informed by Yoshida & Partners that Ms Saya Ammanah Ragoovoodoo and Mr Yerrigadoo, Mauritian lawyers, have been appointed by Okiyo for your claims », fait ressortir Me Koenig dans la chronologie des faits. Très vite, soit le 22 novembre, moins d’une douzaine de jours après, les tenérs légaux, proches du pouvoir et agissant au nom des intérêts nippons, devaient « deny all the claims which are according to Okiyo and the Japan P & I totally unsubtantiated and informing me that all the claims will be resisted. Ms Saya Ammanah Ragavoodoo also infiormed me of the motion and that any claims will have to be made against that (Limitation) Fund in accordance with the provisions of section 193 (2) of the Act.”
Le 6 décembre dernier, les riverains du Sud-Est n’avaient eu d’autre choix que de revenir à la charge avec la mise en demeure de réclamations de Rs 1,9 milliard avec Mitsui Osk Lines Ltd répondant par mail le 7 décembre dernier que « we, MOL, have requested the shipowners to handle your claims adquately, and they have confirmed that their lawyer shall do ».
Affaire à suivre en ce début 2022 avec la marée noire du Wakashio remontant à juillet/août 2020…