RANDONNÉE EN PLEINE NATURE : Prélude à une nouvelle année

NIRMAL KUMAR BETCHOO

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Il avait tellement plu ces derniers jours de décembre que je décidais quand même de faire ma randonnée habituelle dans des sentiers, que je connaissais, menant vers l’arrière-pays si calme et serein que peu de gens pouvaient deviner. Les flamboyants, généreusement garnis de fleurs écarlates, avaient depuis peu laissé tomber leur belle parure pour redevenir mornes. La pluie abondante avait chassé toute appréhension quant à une sécheresse qui perdurait depuis septembre et qui priverait les gens de cette eau, si vitale à leur survie.

Le sentier serpentant au milieu des champs de canne, parfois clairsemés, était parsemé de flaques d’eau boueuses qui rendaient difficile le parcours – décourageant à vue d’œil. Un grondement de tonnerre ouvrait sur ce temps orageux en direction des cimes brumeuses de la chaîne des montagnes qui revêt d’habitude d’une belle parure bleu ardoise son flanc majestueux. Malgré ce signe annonciateur de mauvais temps, je prenais courage pour poursuivre ma route en regardant tout droit devant moi ; un ciel plutôt clair avec des nuages légers laissant dire que la pluie ne gâcherait pas ma randonnée…

Je ressentais l’isolement dans ce sentier qui m’était si familier avec sa terre d’argile qui ne pouvait plus absorber l’eau la rendant boueuse et glissante. Il fallait marcher en regardant vers le bas pour éviter des cailloux qui pourraient me faire trébucher. Là où les flaques occupaient presque tout le sentier, je devais marcher sur les pailles de canne fraîchement coupées qui offraient un peu de confort à mes genoux.

Je ressentais une certaine bravoure en avançant vers l’abîme car me sentant de plus en plus isolé, mais certainement plus libre en moi-même et dans mes pensées. Ici, je pouvais me questionner, sentir l’ivresse de la solitude et de la liberté. Une fois passé ce couloir pourvu de manguiers et de longues tiges de canne, j’arrivais dans une clairière qui me laissait entrevoir l’étendue d’une chaîne des montagnes qui s’opposait à l’autre se manifestant par un regard plutôt lugubre. Ici, je revis les pics de la montagne Faïence accueillants de par leur basse altitude. Prenant sur la gauche, je retrouvais l’immense baie aux reflets d’eau argentés, entourée de sombres promontoires.

Ce qui m’enchantait dans ce décor rustique à souhait, c’était l’immensité des champs de canne remplissant une plaine à relief accidenté. Des pentes dessinaient des courbes dans lesquelles je pouvais voir des sentiers rocailleux bordés de plantes qui poussaient mieux ces jours-ci. Puis, ces collines se succèdent sans trop vouloir gêner un panorama typique qui laisse ces plaines s’étendre allègrement jusqu’aux confins de l’est du pays.

En temps ensoleillé où le bleu azur du ciel prédomine le paysage champêtre, la sensation du bonheur devient imprenable avec tant de contrastes entre une terre d’argile aux couleurs vives allant du brun clair au rouge brunâtre, les champs de canne aux tiges vert amande et le ciel dégarni de nuages. En ce jour particulier, cette sensation avait disparu laissant des teints assez moroses, des contrastes monotones…

Quelques gouttelettes de pluie me piquaient la peau sans trop me gêner. Même le grondement lointain du tonnerre me laissait tranquille car là où j’étais, un temps relativement clément m’accompagnait. Je croisais de temps à autre des tombeaux de terriens autrefois fortunés qui, eux aussi, devaient bien connaître ces lieux. Si le silence se maintenait, je pus admirer un vol d’oiseaux comprenant des serins, des pic-pics et aussi ces petits oiseaux au plumage rouge vif qui tournaient en harmonie d’un endroit à l’autre sans se soucier de ma présence.

Je m’approchais de ce lieu mystique où tout randonneur aimerait s’y arrêter. Il y avait cette ancienne cheminée de pierres qui se tenait droit au milieu de ces plantations. Ce repère emmenait les marcheurs vers une rivière jouxtant une cascade plus visible aujourd’hui car elle fournit de l’énergie hydraulique à une compagnie privée. Je me demandais si la rivière serait mieux remplie après des mois pénibles de dessèchement et d’un lit rocailleux à vue d’oeil, et désert.

Mais pourtant tel n’était pas mon parcours. Je voulais admirer le paysage d’en haut sans vouloir descendre les coteaux pour me rendre dans la vallée verdoyante. Je pus admirer un cratère inconnu où de partout il y avait des plants de canne qui bourgeonnaient après la saison de coupe. Des sentiers sillonnaient de toutes parts laissant voir tant de possibilités de s’y aventurer en beau temps. Quelque part, il y avait une grotte taillée sur le flanc du cratère pour joindre l’autre bout des champs pour faciliter le transport des cannes par camion. Et au milieu de la vallée, il y avait ces tonneaux bleus montrant d’en haut que le randonneur ne s’y perdrait pas.

Je rebroussais chemin pensant que la randonnée du jour était réussie. Il fallait presser le pas car les nuages menaçants de l’autre chaîne de montagnes présageaient avec persistance un temps inclément. Bref, on était en ces derniers jours de l’année dans l’attente d’une nouvelle empreinte de tant de promesses, de joie et d’allégresse. On prendrait de nouvelles résolutions tout en se préparant pour de lendemains meilleurs.

Pourtant, ces sentiers battus racontaient leur histoire ; celle de la simplicité, de la solitude, du bien-être, des cycles, des temps qui changent ou qui se muent aux caprices de notre existence. Ils étaient là, bénis de toutes saisons, de ces années, de ce passé si riche et émouvant. Ils existeraient combien de temps comme ça, sauvages et peu développés craignant être clôturés ou rasés peut-être ? En ce jour, ils témoignaient du temps comme si tout changeait au rythme saisonnier si naturel. Des sentiers qui ont témoigné du passage des charrues, des charretiers, des coups de fouet. En rentrant chez moi, je revis le temps présent annonciateur des fêtes mondaines pour accueillir l’année nouvelle dans un univers autre que je venais de vivre. Et si je revenais demain !

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