Covid, perte de la biodiversité, disparition des ressources naturelles, changement climatique, crises sociales, prolifération de drogues… Autant de fléaux contemporains qui frappent le monde et qui, a priori, ne semblent avoir aucun lien entre eux. Erreur, car tous sont en réalité interconnectés par un seul et unique dénominateur commun : la croissance ! Ce modèle économique, que tout le monde connaît, tout au moins de nom, est tellement présent, et depuis tellement longtemps, qu’il semble immuable. Comme si, en dehors de lui, rien n’était possible. Erreur, là encore. D’autant que l’histoire récente, marquée par deux des plus grands défis de notre temps (le virus et le réchauffement climatique), nous prouve à quel point ce système est terriblement néfaste, quand bien même nous en aurons très largement profité jusqu’ici.
La croissance, en quelques décennies seulement, aura en effet tout broyé sur son passage, y compris les populations humaines. Pourtant, nous n’avons toujours que ce mot à la bouche, au point que sa seule évocation décoche un sourire à ceux qui l’entendent. Car avec la croissance viennent de délicieuses images, pareilles à celle d’un gâteau qui, en grossissant, nous garantirait de voir aussi notre part grossir. Erreur, une fois de plus. Car en fait de gâteau, seule la part de ceux tenant le couteau grandit, avec au final une érosion sociale de l’ensemble de la population mondiale, les populations les plus vulnérables en première ligne.
Pour se sortir de ce carcan systémique, et s’inscrire dans un modèle plus soutenable, des solutions existent dans tous les domaines de notre société. Pour peu, d’abord, que l’on sorte du déni et que l’on mette fin aux idées reçues. Parmi elle, le concept même de croissance qui, par définition, nous amène à croire en cette fausse perception selon laquelle la croissance serait quasi génétiquement anthropique – comprenez par là propre à la nature humaine. Il faut dire que le terme même est racoleur, car la croissance, dans son sens étymologique, est assurément positive, puisque synonyme d’évolution positive. De là à penser que le reste de nos activités suit la même logique, car étant source de « succès », il n’y a qu’un pas, que nous avons d’ailleurs allègrement franchi depuis bien longtemps déjà.
Le problème, c’est que la croissance économique ne suit aucunement la même courbe que la croissance organique. Ainsi, lorsque, par exemple, un arbre grandit, il finit toujours par s’arrêter de croître une fois ses réserves naturelles épuisées. Ce qui n’est aucunement le cas de la croissance liée à nos activités économiques qui, elle, ne se donne aucune limite, faisant ainsi l’impasse sur le fait que la planète ne peut logiquement nous fournir plus que ce qu’elle est capable de produire.
C’est un fait, notre monde aura généré au cours du dernier siècle deux réalités distinctes : la réalité physique, selon laquelle nos ressources sont épuisables, et la réalité capitaliste, dont l’unique but réside dans l’accumulation « croissante » de biens entre les mains d’une minorité. Comment sinon expliquer que nos réserves en pétrole s’épuisent alors que nous continuons à en produire et en consommer davantage (on dépasse les 100 millions de barils par jour) ?
Or, qu’il s’agisse de pétrole ou d’autres items consommables, lorsque nous faisons croître notre PIB, cela se fait toujours au prix de la destruction de matières premières, et le plus souvent de manière irréversible. Tout en générant bien entendu au passage pollution, déchets et désorganisation des cycles naturels de la planète. En parallèle, ceux tenant les manettes du pouvoir (politiques, multinationales, traders…) nous bercent de nouveaux préceptes, tels que « croissance verte » et « économie circulaire », qui ne sont en vérité que des miroirs aux alouettes. Histoire bien sûr de gagner un peu plus de temps et, de facto, de profits.
Mais le temps nous est compté, et l’espoir de sortir de cette spirale délétère s’amoindrit jour après jour. Au prix de milliers de morts de la Covid chaque jour (puisque l’économie interdit les confinements éternels), de l’asphyxie de la planète (du fait de la pollution liée à notre développement) et du marasme social engendré par la hausse des inégalités. Changer de paradigme économique n’est donc pas pour demain. Seul un effondrement du système nous obligera à en revoir les bases. Le problème, c’est qu’il sera alors trop tard !